Intervention de Bruno Léchevin

Réunion du 26 février 2013 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bruno Léchevin :

… pardon. Je parlais d'un objectif de cinq cent mille logements par an, mais c'est déjà un objectif énorme – et d'autant plus ambitieux si l'on songe que seulement vingt mille logements ont bénéficié d'une rénovation thermique dans le cadre du programme « Habiter mieux » lancé à la suite du Grenelle de l'environnement.

Ce n'est pas seulement un problème d'argent : il faut aussi articuler les exigences des demandeurs, des financeurs et des autres acteurs du processus, ce qui est très difficile, surtout au début. Il me paraît donc nécessaire de viser en priorité les foyers souffrant de précarité énergétique. Ces derniers n'habitent pas nécessairement les logements sociaux, ni même l'habitat collectif. Il s'agit souvent de personnes âgées, vivant seules dans de grandes maisons situées en milieu rural.

L'ADEME ne se contentera pas d'observer la situation des personnes vivant dans des passoires énergétiques, ce qu'elle fait aujourd'hui par l'intermédiaire de l'ONPE. Mais elle risque de se heurter à la question des financements. Et à moins de se voir dotée d'une responsabilité particulière en ce domaine et du budget correspondant, je ne crois pas qu'elle développera une action spécifique. Elle peut néanmoins jouer un rôle de sensibilisation et de repérage des besoins, grâce à la proximité avec le terrain que lui offrent les espaces info énergie (EIE).

On m'a demandé si ce réseau serait maintenu, voire développé. Dès lors que l'on recherche la sobriété énergétique et que l'on se donne des objectifs extrêmement ambitieux en matière d'économie d'énergie et de rénovation de l'habitat, il paraît indispensable de renforcer les EIE, mais pas nécessairement de les doter de moyens supplémentaires. Comme tous les opérateurs d'État, l'ADEME devra en effet, compte tenu de l'état des finances publiques, apprendre à faire plus et mieux pour le même coût. Elle doit, comme les autres, consentir des efforts en termes d'optimisation et d'efficacité de son action, peut-être par un redéploiement de son réseau. Déjà, elle doit obtenir des gains de productivité, puisqu'il est prévu une réduction de ses effectifs de quinze emplois par an sur trois ans. L'effort n'est peut-être pas considérable, mais il représente sa contribution aux économies budgétaires. En tout état de cause, il lui faudra multiplier les partenaires – entreprises, collectivités, chambres d'industrie et de commerce –, trouver de nouveaux moyens et hiérarchiser les priorités si elle veut prendre sa part dans l'entreprise de rénovation énergétique des bâtiments.

S'agissant des investissements d'avenir, environ deux tiers des aides consenties donnent lieu à un retour vers l'État. Mais ils ne sont pas les seuls à se voir appliquer ce principe : en Picardie, un système de tiers-investissement est en expérimentation, prévoyant le remboursement des frais sous forme de redevance. Plus généralement, nous devons inventer des modèles différents d'ingénierie sociale et économique et favoriser une meilleure coordination entre les différents acteurs, de façon à trouver à chaque fois la réponse la plus appropriée.

En réponse à une question posée par M. Julien Aubert, je rappelle que la tutelle technique des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ne fait plus partie des responsabilités de l'ADEME depuis 2010.

En matière d'économie circulaire, sujet très important, les appels à manifestations d'intérêt vont se poursuivre. L'action de l'ADEME dépendra bien entendu des orientations prises par le Gouvernement, notamment à l'issue de la conférence environnementale. L'ADEME doit effectuer un exercice de prospective sur la question de la consommation, comparable au travail accompli sur la réglementation technique 2012. Par ailleurs, le dispositif d'aide « déchets » devra être prolongé d'une manière ou d'une autre. Deux pistes peuvent être explorées, la valorisation des matières organiques ou la valorisation énergétique des déchets. L'ADEME va poursuivre sa réflexion sur ce thème et proposer des solutions dans le cadre de la prochaine réunion de la conférence environnementale.

La diffusion des bonnes pratiques est un domaine dans lequel les compétences de l'ADEME sont reconnues. L'Agence doit conserver un équilibre entre deux exigences contradictoires : la recherche d'une cohérence, d'une impulsion à l'échelle nationale, et le souhait de faire émerger des initiatives locales et régionales variées, tenant compte des spécificités du terrain.

Il en est de même s'agissant de la politique énergétique, sur laquelle on m'a interrogé : il faut, bien entendu, maintenir une politique globale, mais aussi profiter de l'opportunité que représentent le développement des énergies décentralisées et renouvelables, ainsi que celui des smart grids, les réseaux intelligents, qui nous permettront à la fois de penser globalement l'énergie et d'agir localement, en fonction des acteurs locaux et des opportunités locales – sans remettre en cause, bien entendu, la sécurité du réseau ni la péréquation tarifaire.

En ce qui concerne les normes écologiques, il est certain qu'elles doivent pouvoir être simplifiées si nous voulons les développer, mais cela est plus facile à dire qu'à faire. Je ne suis toutefois pas en mesure d'en dire plus pour l'instant, car il me faut d'abord examiner la situation.

De même, il est encore trop tôt pour que je puisse détailler quelles évolutions devrait connaître l'ADEME. Je ne suis pas sûr, par exemple, qu'il soit souhaitable de lui confier de nouvelles attributions, dans la mesure où elle doit déjà faire mieux avec les mêmes moyens. Il faut d'abord recenser les actions de l'Agence et distinguer les plus utiles de celles qui le sont moins. N'oublions pas que les collectivités territoriales ont gagné en compétences depuis vingt ans, et que l'environnement est devenu un sujet porteur auprès des élus comme de la population. Dans un tel contexte, le rôle de l'ADEME pourrait, demain, être différent de celui qu'elle a tenu hier : nous serons peut-être moins instigateurs ou initiateurs qu'accompagnateurs.

On m'a par ailleurs demandé si l'ADEME devait développer ses actions destinées aux particuliers. Je souhaite réaliser rapidement un tour de France des antennes de l'Agence, et notamment visiter les espaces info énergie, qui représentent un formidable outil, d'une grande diversité, leur modèle variant selon les caractéristiques locales et les partenariats. La question est toutefois de savoir si leur action est à la hauteur des enjeux, de la démultiplication que l'on attend d'eux. La perspective du guichet unique va conduire à leur donner un rôle nouveau, et va les obliger à travailler avec d'autres acteurs. Des évolutions seront donc peut-être nécessaires.

Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il faudra renforcer les EIE. Je l'ai rappelé, 45 % des conseils personnalisés ont donné lieu à des travaux de rénovation – un bon résultat, sans doute, mais qui n'est pas encore à la hauteur des enjeux en termes de politique environnementale et d'efficacité énergétique. Il convient donc d'examiner l'ensemble des activités, d'identifier celles qu'il convient de faire évoluer, de consolider ce qui marche bien et de travailler de plus en plus avec les collectivités.

Je ne veux pas éluder la question délicate des moyens de l'Agence et de la gestion de ses ressources. Pour consolider cette institution, il convient de trouver les bonnes ressources, au bon endroit et au bon moment, de façon à pouvoir financer non seulement les missions actuelles, mais aussi celles qui pourraient nous être confiées demain, à l'issue du débat sur la transition énergétique. Nous allons en discuter avec les organisations syndicales, mais en tout état de cause, il est normal, lorsque l'on gère une grande et belle maison comme l'ADEME, de s'interroger chaque jour sur l'efficacité des actions, sur les priorités à établir, sur les nouveaux champs à explorer, le tout dans un contexte budgétaire contraint.

Je n'exerce des fonctions de dirigeant que dans une seule ONG, « Électriciens sans frontière », dont je suis le vice-président depuis vingt-cinq ans. Toutefois, mes nouvelles responsabilités m'amèneront probablement à mettre cette activité en parenthèse, de même que j'ai déjà annoncé devoir cesser toute relation financière entre « Électriciens sans frontières » et l'ADEME.

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