Intervention de Philippe Pelletier

Réunion du 27 février 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Pelletier, chargé du pilotage et de la mise en oeuvre du nouveau plan de performance thermique des bâtiments :

Contrairement à ce que j'ai pu entendre, je n'ai pas le sentiment que la mise aux normes épuise la capacité contributive des acteurs. Le Plan bâtiment durable, principalement incitatif, vise pour l'essentiel des bâtiments existants. Son aspect normatif ne concerne que la construction. En la matière, la RT 2012 a conduit les constructeurs à un effort significatif puisque l'objectif d'économies d'énergie a été multiplié par trois – passant de 150 à 50 kWh par mètre carré et par an. Or cet objectif peut être atteint à enveloppe financière constante grâce à des économies vertueuses sur d'autres coûts. Nous cherchons donc plutôt à susciter l'adhésion à un projet de société qu'à préparer l'édiction d'obligations.

La réponse à vos questions peut s'ordonner autour de trois points relatifs à l'offre par la filière, au soutien de la demande, et à son accompagnement.

Pour mobiliser les entreprises, tout d'abord, il est nécessaire d'agir dans la durée et de façon cohérente en faveur de la formation. Fin 2012, l'incertitude sur la reconduction du financement de la FEE Bât a donné un coup d'arrêt aux demandes de formation. En la matière, il faut, au contraire, assurer une prévisibilité au-delà de l'année 2013.

Les entreprises qualifiées doivent être reconnues et tirer bénéfice des formations suivies. Nous avons proposé la création d'un éco-avantage : les travaux ayant fait l'objet d'un devis présenté par ces entreprises seraient éligibles aux aides d'État sans vérification. Nous estimons que, pour rendre la formation plus attractive, les commandes publiques et privées devraient privilégier le recours à ces entreprises. En accord avec les deux fédérations du secteur, nous prévoyons de mettre en place, dans un terme assez proche, l'éco-conditionnalité des aides : seules les entreprises qualifiées pourront en bénéficier. Ce mouvement devrait entraîner la filière du bâtiment et la maîtrise d'oeuvre vers un niveau de compétence supérieur.

Ensuite, le soutien de la demande passe par une articulation des financements existants avec le développement de solutions innovantes, dont celle du tiers financement. Il faudra nécessairement réajuster les mécanismes existants : le crédit d'impôt développement durable devra permettre de davantage soutenir des actions de rénovation lourdes, les banques devront ne plus avoir à contrôler des travaux effectués dans le cadre de l'éco-prêt à taux zéro, et un éco-prêt collectif devra offrir une solution pour les copropriétés.

La lutte contre la précarité énergétique reste une priorité. Elle mobilise les investissements d'avenir à hauteur de 500 millions d'euros. Il nous reste à établir les conditions d'accès pour les ménages concernés.

Si l'année 2013 n'est pas une année perdue, et si les arbitrages espérés sont rendus, l'objectif des 500 000 logements est à notre portée. Je rappelle que la précédente majorité avait fixé à 400 000 le nombre de logements à rénover à partir de 2013. Le Président de la République y a ajouté 100 000 logements : il s'agit d'un objectif ambitieux mais raisonnable. Ces perspectives reposent sur diverses modes de financement. Pour ma part, j'accorde une grande importance à la création de valeur par l'accroissement de la densité, la surélévation du bâti, ou le « build in my backyard » consistant à donner des droits à construire supplémentaires en zone pavillonnaire. Ces solutions sont à la fois efficaces en termes de financement et peu coûteuses pour les contribuables.

Aujourd'hui, la société n'est pas mûre pour imposer une obligation de travaux. Les maîtres d'ouvrage sont en phase d'adhésion et l'offre de service n'est pas suffisante sur l'ensemble du territoire. Nous devons néanmoins mettre immédiatement en chantier une réflexion collective. À la demande du Débat national sur la transition énergétique, un groupe de travail du Plan bâtiment durable sera lancé demain sur ce thème.

Annoncer une obligation future permettra de faire comprendre que les mécanismes incitatifs iront en s'épuisant. Cette prévisibilité incitera les acteurs à faire des choix plus tôt. J'ajoute qu'il y a probablement un moyen terme incitation et obligation. Il me parait impératif de faire sortir les épaves thermiques du parc locatif privé en modifiant la définition de la décence du logement telle qu'elle résulte d'un décret de 2002. Les résultats d'une telle modification réglementaire seraient sans doute similaires à ceux d'une obligation de travaux, mais la mesure est plus subtile. La fiscalité locale pourrait également être modulée.

Enfin, la demande doit être accompagnée. J'ai évoqué le plan régional pour que l'on parle moins du plan national. Le moment est venu de passer à un échelon plus proche des acteurs, ménages et entreprises. Les grandes rénovations du parc tertiaire public ont été effectuées dans les lycées par les régions qui mènent les actions de formation professionnelle. Ce niveau d'intervention parait pertinent, mais pas suffisant. Au plus proche du terrain, il faut aussi tenir compte de ce qui a déjà été mis en place par des agglomérations pour aider les ménages à prendre leur décision.

L'accompagnement des ménages devra être divers. Il sera parfois public, parfois mixte, comme avec les sociétés d'économie mixte. Il pourra relever des professionnels. Je souhaite que les architectes s'intéressent davantage à la rénovation et jouent le rôle d'assistants à maître d'ouvrage, à défaut de maîtres d'oeuvre. L'ensemble de ces solutions constitue un guichet unique, service public de l'efficacité énergétique mettant en oeuvre une grande diversité de moyens. Un numéro de téléphone unique devrait permettre aux ménages de joindre l'ADEME, l'ADIL et l'ANAH, qui délivreraient un message commun.

Le DPE a été créé pour servir d'outil de sensibilisation des ménages lors de la vente ou de la location. En tant que tel, il n'est pas opposable par le locataire ou l'acquéreur. Par ailleurs, grâce à ce choix, tous les bailleurs et propriétaires peuvent disposer d'un diagnostic à un prix abordable sur l'ensemble du territoire national. Si nous voulions mettre en place un diagnostic de qualité supérieure, il faudrait avoir recours à des bureaux d'études thermiques, moins nombreux et moins accessibles, aux prestations plus onéreuses. Des efforts visent néanmoins à rendre le DPE fiable en élevant le niveau d'exigence du diagnostic – soixante rubriques sont désormais renseignées au lieu de trente –, ainsi que les compétences demandées aux diagnostiqueurs. Lorsqu'il est fait état du DPE dans les petites annonces, celui-ci constitue un levier puissant pour la prise de décision et la fixation des prix. Toutefois, la mise en place d'un audit énergétique, semblable à celui créé pour la copropriété, sera nécessaire pour accompagner le passage à l'acte.

La RT 2012 a été un peu légère sur la question de la qualité de l'air intérieur. Nous sommes unanimes à estimer qu'il faut progresser. Nous préconiserons que la réglementation 2020 aille dans ce sens.

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