Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 27 février 2013 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Le débat d'hier en séance publique a donné l'occasion de rappeler certaines défaillances de notre dispositif de sécurité sanitaire du médicament qui se sont manifestées par le passé, aussi bien au niveau des centres régionaux de pharmacovigilance avec une sous-notification des effets indésirables qu'au niveau central de l'ex-AFSSAPS, et qui perdurent ; les conflits d'intérêts qui ont parfois été mis au jour ; le manque d'objectivité des informations sur le médicament délivrées par les firmes tant aux médecins qu'au public. De ces défaillances a résulté une perte de confiance chez nos concitoyens, qui s'est encore accentuée ces deux dernières années.

Ce débat a aussi été l'occasion de rappeler les lenteurs inexcusables qui ont précédé le retrait de certains produits du marché, alors même que s'étaient accumulées, tant en France qu'à l'étranger, les descriptions d'effets indésirables graves. La rapidité avec laquelle ont été prises les décisions concernant Diane 35 et les pilules de troisième génération tranche. Par le passé, il avait fallu des années, parfois des décennies, avant que certains médicaments cessent d'être commercialisés : nous avons tous en mémoire la sinistre affaire du Distilbène.

La ministre de la santé l'a dit : l'objectif est de mieux alerter sans alarmer. Certains de nos collègues ont, hélas, davantage alarmé qu'alerté avec leurs ouvrages qui ont pu conduire des patients à arrêter des traitements indispensables. Nul ne songe ici à nier les bienfaits des médicaments ni des vaccins. Nous ne remettons pas en cause le médicament, nous cherchons seulement à ce qu'il en soit fait un meilleur usage.

Pour assurer une parfaite pharmacovigilance, la première difficulté est d'ordre technique et organisationnel. Mais il en est une autre, très importante bien que moins souvent évoquée, qui est culturelle. La plupart des généralistes, desquels émane la majorité des prescriptions parce que ce sont en eux que les patients ont le plus confiance, sont formés à une excellente médecine de soins mais dans le cadre exclusif du colloque singulier entre le médecin et son malade. Ni au cours de leur formation initiale ni au cours de leur formation continue, ils ne sont incités à participer activement, dans le cadre de leur pratique quotidienne, à des actions de santé publique ou de recherche. La formation par la recherche, que vantait M. Philippe Lazar, ancien directeur général de l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), est restée un voeu pieux. La plupart des médecins ne considèrent pas qu'il est de leur devoir non seulement de bien soigner les malades actuels mais aussi de contribuer à la collecte et l'analyse d'informations utiles pour mieux soigner dans le futur. Cela explique qu'ils ne rapportent pas de manière systématique toutes les informations susceptibles d'améliorer la prise en charge ultérieure des malades, notamment les effets indésirables des médicaments. Cette attitude doit changer car c'est une fois qu'elles sont colligées et analysées que des données initialement parcellaires finissent par constituer un corpus permettant de faire évoluer les règles de prescription d'un médicament.

Réticents à évoquer pendant leurs consultations les potentiels effets adverses des médicaments qu'ils prescrivent, nos médecins ont tendance, sous la pression souvent des patients eux-mêmes, à surprescrire alors que dans beaucoup de cas, il existe une alternative. Ces surprescriptions multiplient les risques d'effets iatrogènes – quatrième cause de décès dans les pays développés, ce qui n'est pas acceptable. Nous l'avions constaté lors de la mission d'information sur le Mediator : d'une manière générale, les connaissances des praticiens en pharmacologie sont très insuffisantes et les rapports de pharmacovigilance indigents.

Pouvez-vous, messieurs, nous en dire davantage sur l'évolution du fonctionnement des centres régionaux de pharmacovigilance, la sous-notification des effets indésirables, la transparence de l'information sur le médicament, l'articulation entre la pharmacovigilance française et la pharmacovigilance européenne ?

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