Continuant d'exercer la médecine générale une matinée par semaine dans une zone urbaine sensible, je constate un gouffre entre l'exercice quotidien de la médecine et ce que devrait être la pharmacovigilance dans un monde parfait, comme nous le décrivons dans nos débats en commission. Ma formation médicale date d'il y a trente ans : j'ai donc connu les « formations labos » et l'époque où l'information médicale était exclusivement délivrée par les visiteurs médicaux. Ce temps est fini. Les généralistes n'ont de toute façon plus le temps de les recevoir. Compte tenu du volume de travail résultant du manque de médecins, leur souci premier aujourd'hui n'est pas leurs revenus mais de boucler leur journée avant neuf heures du soir et de préserver un minimum de temps pour leur vie personnelle. Aujourd'hui, l'information émane le plus souvent de l'assurance maladie qui écrit pour signaler que tel médicament ne doit plus être prescrit. Les généralistes n'ont pas non plus le temps de se former et la formation médicale continue n'est de toute façon pas sérieusement assurée. Les patients, « pollués » par les informations qu'ils ont pu lire en ligne, dans certains magazines de santé ou certains ouvrages, sont à la fois exigeants et inquiets. Face à son malade, le médecin est souvent confronté à un dilemme. Soit le médicament qui lui conviendrait n'est plus remboursé et dans une ville comme la mienne, il essaie d'en trouver un qui soit à peu près équivalent et surtout remboursé, quitte à ne pas prescrire exactement selon la norme. Mais à défaut, le malade ne se soignera pas, et ce sera pire. J'ai entendu ce matin un gynécologue expliquer à la radio que s'il ne pouvait plus prescrire de Cytotec, il ne savait pas ce qu'il ferait !