Intervention de docteur Jean-Louis Montastruc

Réunion du 27 février 2013 à 9h30
Commission des affaires sociales

docteur Jean-Louis Montastruc, directeur du centre régional de pharmacovigilance de Toulouse :

Permettez-moi tout d'abord de lever un malentendu. Médecin pharmacologue, je n'ai pas à condamner le médicament mais à en favoriser le bon usage et empêcher le mésusage. Je ne suis pas hostile aux médicaments en général. Je défends les grands et vrais médicaments comme les antibiotiques, les anti-rétroviraux, les bêta-bloquants, les inhibiteurs de la pompe à protons, … Mais il y en a aujourd'hui quantité d'autres sur le marché, dont le rapport bénéfice-risque n'est pas acceptable. Il est de notre métier de les repérer et d'alerter à leur sujet.

On ne laisserait plus la possibilité aux médecins de soigner, a déploré l'un d'entre vous. Mais soigner, ce n'est pas prescrire n'importe quel médicament ou surprescrire, mais prescrire à bon escient, c'est-à-dire le bon médicament dans la bonne indication. La pharmacovigilance ne consiste pas à recenser les inconvénients des médicaments, mais à évaluer leurs risques potentiels à la lumière de leurs bénéfices.

Loin de creuser un gouffre avec l'exercice quotidien de la médecine, la pharmacovigilance crée des passerelles. Telle que nous la pratiquons à Toulouse, elle n'est pas éloignée du terrain. Elle aide même à bien prescrire. Tant reste à faire pour garantir le bon usage du médicament.

S'agissant par exemple des statines, le problème actuel concerne leur indication. Faut-il les prescrire en prévention primaire ? Seul un patient sur cent traité pendant cinq ans évitera un accident cardio-vasculaire grâce à ce traitement alors qu'en prévention secondaire, des bénéfices beaucoup plus larges ont été prouvés. En outre, personne ne le dit mais cela figurera dans la prochaine livraison de notre bulletin BIP 31, les deux statines les plus prescrites en France sont l'atorvastatine et la rosuvastatine, qui n'ont pas apporté la preuve qu'elles contribuaient à réduire la mortalité totale, tandis que la simvastatine et la pravastatine, dont des études bien conduites ont démontré l'efficacité, sont délaissées, vraisemblablement parce que l'industrie pharmaceutique en fait moins la promotion.

1 commentaire :

Le 02/03/2013 à 17:46, Madame B (Attachée de Direction) a dit :

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Je vous remercie, Docteur, de mettre le patient en avant. Je ne suis pas non plus hostile au médicament en général mais la façon dont certains sont prescrits tend à décridibiliser la profession et par conséquent à éloigner les patients des médecins. Il y a parfois, voire souvent, surprescription. C'est une bonne chose de le rappeler. Le bon usage du médicament devrait être une base et je ne comprendrais pas qu'on le relègue à une place secondaire. Qui le comprendrait, d'ailleurs ?

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