Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen de ce projet de loi de finances rectificative avec le sentiment qu'un premier pas a été fait en direction du rétablissement de la justice fiscale et du respect du principe, posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui veut que l'impôt soit également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Avec ce collectif sont supprimées des mesures parmi les plus nocives du gouvernement précédent. Ainsi, nous approuvons la suppression de la TVA improprement qualifiée de « sociale », instaurée à la fin du précédent quinquennat. Son entrée en vigueur aurait frappé douloureusement les familles populaires, car la TVA ne frappe pas les produits, comme l'a dit le président Carrez : elle frappe les consommateurs. Rappelons que les 10 % de ménages les plus modestes consacrent 8 % de leurs revenus au paiement de la TVA, alors que les 10 % les plus riches y consacrent, eux, moins de 4 %. La TVA est un impôt régressif, donc foncièrement injuste.

Nous approuvons aussi la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, que nous avions condamnée dès sa création. Cette mesure aura coûté très cher, notamment à la sécurité sociale, en exemptant les employeurs de leur juste contribution à la part socialisée du salaire. Alors que plus de 10 % de nos concitoyens sont aujourd'hui privés d'emploi, cette mesure a, en outre, fait obstacle à la création de 40 000 à 80 000 emplois selon les différentes études. Cependant, monsieur le ministre, cela ne doit pas exonérer les pouvoirs publics de consentir les efforts nécessaires pour que les classes moyennes et modestes ne perdent pas de pouvoir d'achat – ce sera d'ailleurs une condition nécessaire à la compréhension de cette mesure.

Nous saluons également votre décision de maintenir la hausse de la CSG sur les revenus du capital à hauteur de 2,6 milliards d'euros, ainsi que celle de revenir sur la très injuste réforme de l'ISF de l'année passée qui prévoyait, pour la fraction de 1 % des contribuables les plus aisés, de réaliser 1,7 milliard d'euros d'économies.

À ces mesures élémentaires de justice s'ajoutent la taxation des banques et des groupes pétroliers, la réduction des niches fiscales et sociales et la hausse de la fiscalité sur les grandes entreprises et des stock-options. L'ensemble de ces mesures représente, en année pleine, un surcroît de recettes attendu de 13,4 milliards d'euros. Ce sont là des recettes indispensables au redressement de nos comptes publics – des comptes que la droite avait laissé dériver, avec la diminution des prélèvements sur les plus aisés.

Ce premier pas encourageant en appelle d'autres. Nous devons poursuivre dans la logique de réduction des niches fiscales. Les marges de manoeuvre restent importantes. Dans la note publiée la semaine dernière par l'OFCE, l'économiste Henri Sterdyniak estime à 28 milliards d'euros les marges de manoeuvre en termes de réduction des niches fiscales et sociales.

Votre texte a prévu de premières mesures de lutte contre les optimisations abusives. Le constat largement partagé est qu'il faut aujourd'hui aller plus loin, mais nous devons également nous atteler à l'épineux dossier de l'évasion fiscale. La commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux, qui a rendu ses conclusions la semaine dernière, a évalué la perte pour les finances publiques à au moins 35 milliards d'euros. Entre les niches fiscales et sociales, inefficaces et injustes, estimées à 28 milliards d'euros, et les conséquences de l'évasion fiscale, on arrive à un total de plus de 60 milliards d'euros, soit presque deux fois le montant jugé nécessaire par la Cour des comptes pour le redressement de nos comptes publics et sociaux ! Si nous faisions ce chemin, la gauche n'aurait pas à se perdre dans une course à la suppression de la dépense publique et sociale. Il y a donc bien urgence à refonder notre architecture fiscale.

Cette situation n'est en effet pas tenable à long terme. J'ai eu l'occasion de rappeler lors de nos débats que lorsqu'un grand nombre d'entreprises du CAC 40 ne paient pas d'impôt sur les sociétés en France, cela pose problème ! Je rappelle qu'entre 2000 et 2010, les entreprises du CAC 40 ont fait 600 milliards d'euros de bénéfice, dont plus de 400 milliards affectés à des dividendes ou au rachat d'actions. Le gaspillage, mon cher collègue Schwarzenberg en conviendra, est donc bien davantage du côté de l'argent privé que de l'argent public – même si cet argent n'a pas été perdu pour tout le monde.

L'état de notre économie, le niveau du chômage, la montée de la précarité, de la pauvreté et du surendettement appellent des réponses inédites dans trois directions. En premier lieu, il est indispensable de favoriser le soutien au pouvoir d'achat des ménages et l'amélioration de la rémunération des salariés, notamment par une augmentation significative du SMIC – bien au-delà des 0,6 % accordés – et le dégel du point d'indice de la fonction publique, ainsi qu'une augmentation des minima sociaux.

M. le ministre du budget a rappelé en première lecture que la consommation des ménages étant faible, elle ne joue plus aujourd'hui son rôle de moteur historique de la croissance. C'est en faisant de l'augmentation du pouvoir d'achat le levier de l'activité que nous redresserons notre économie, et non en comprimant la demande au nom d'une conception proprement libérale, c'est-à-dire exclusivement orientée vers l'offre.

Mes chers collègues, les critères de compétitivité sont loin de se réduire à la question du coût du travail qui n'est, le plus souvent, que le prétexte à réserver une part toujours plus grande de la richesse créée à la rémunération du capital. Faut-il rappeler qu'en vingt ans, dix points de PIB sont passés du travail vers le capital ? C'est donc bien le coût du capital qu'il faut diminuer pour soutenir la croissance.

Le deuxième axe consiste en un profond changement du mode de financement de notre économie et des économies européennes. Cela passe par une banque publique d'investissement qui puisse sortir de la doxa libérale en se finançant directement auprès de la Banque centrale européenne, sans être obligée d'emprunter sur les marchés financiers. Faute d'un tel outil, les PME, les collectivités locales, les établissements publics tels que les hôpitaux continueront d'être victimes de la rente de situation que les libéraux ont octroyée au système bancaire, au détriment de l'économie productive, de l'investissement et des services publics. Cela vaut également pour les dettes souveraines des États, qui doivent être financées directement par la BCE. Cela ferait cesser cette véritable spoliation que constitue l'application de taux d'intérêts à 7 %, voire plus, chez certains de nos voisins.

Cette action résolue ne peut se concevoir dans le cadre de l'austérité et du dogme de l'équilibre budgétaire, c'est ce qui doit constituer notre troisième axe de réflexion. Nous ne pourrons tenir l'objectif d'un équilibre budgétaire en 2017 sans courir le risque d'enfoncer notre pays dans une crise plus grave encore, qui frappera d'abord les Français les plus modestes et les classes moyennes. Il suffit de lire l'étude récente de l'OFCE sur l'évaluation du projet économique du quinquennat, dont les auteurs estiment que la stratégie de sortie de crise retenue par le Gouvernement, fondée sur « la réduction ex ante du déficit par la hausse des impôts et la réduction des dépenses publiques » est « pour le moins risquée » et menace de peser lourdement sur l'activité.

Nous sommes, pour notre part, convaincus qu'il nous faut aujourd'hui doter l'État et les collectivités des moyens de soutenir l'investissement et l'activité, mobiliser l'épargne par la voie d'instruments de financement public. Nous estimons – et je suis très heureux que M. Hamon soit au banc du Gouvernement pour me l'entendre dire – que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique, s'il devait entrer en application, ne ferait qu'alimenter la logique « austéritaire », c'est-à-dire la conjugaison de l'austérité et de la gouvernance autoritaire des politiques économiques et budgétaires.

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