Intervention de Maud Olivier

Réunion du 12 février 2013 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier, députée, co-rapporteure :

le premier débat concerne les impasses de la démocratisation de l'accès au savoir.

Cet échec de la démocratisation, et ce malgré la croissance continue du taux de démocratisation, est patent au vu du renforcement des inégalités sociales induit par le système éducatif. S'y ajoutent les inégalités d'accès aux dispositifs de la CST.

Dans un référé qu'elle a adressé en juillet 2012 au ministre de l'éducation nationale, la Cour des Comptes a très sévèrement critiqué le caractère inégalitaire du système éducatif français. La Cour rappelle que, selon l'enquête PISA de 2006 qui concernait les pays membres de l'OCDE, la France affiche l'écart le plus important de résultats entre les élèves de statuts sociaux favorisés et défavorisés. Cet écart atteint le double de celui du Japon, du Canada ou de la Finlande. Ce constat n'a pas été modifié fondamentalement depuis lors puisque dans l'enquête PISA 2009, la France se classe encore dans les derniers pays, en l'occurrence à la 26ème place parmi les trente pays membres de l'OCDE concernés.

En second lieu, la Cour des Comptes observe que les inégalités dans la réussite scolaire sont insuffisamment prises en compte dans l'attribution des moyens aux académies et aux établissements.

Outre l'analyse de la Cour des comptes, celle de la Conférence des grandes écoles rappelle aussi les inégalités sociales dans la réussite scolaire, en particulier dans l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles. Cette analyse estime que le système accorde la palme à la précocité, puisque, pour les enfants socialement défavorisés, tout est très largement joué à l'entrée en 6ème, la suite du cursus continuant de creuser l'écart.

A ces inégalités dans la réussite scolaire s'ajoutent les inégalités d'accès aux dispositifs de la CST. Ainsi, une étude de la Cour des Comptes de mars 2011 sur les musées nationaux après une décennie de transformations, fait ressortir une absence patente de démocratisation de l'accès aux musées, puisque la proportion des cadres ayant visité un musée en 2008 est quatre fois plus élevée que celle des ouvriers.

En ce qui concerne les inégalités des moyens dont sont dotées les structures, on constate par exemple que, selon cette même étude de la Cour des comptes, la politique muséale nationale est caractérisée par la prépondérance de Paris.

Le deuxième débat a trait aux controverses sur les difficultés du système éducatif à promouvoir l'appétence pour les sciences et les carrières scientifiques.

Ces controverses résultent d'affirmations très répandues, dont la pertinence est toutefois contestée. La désaffection des jeunes pour les études scientifiques – qui toucherait davantage les vieux pays industrialisés que les pays dits émergents – a fait l'objet de nombreux rapports. En France, par exemple, une note d'information récente du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche révèle que c'est une minorité – 43 % des bacheliers scientifiques – qui a choisi en 2008 de poursuivre leurs études dans une formation scientifique. Le rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale considère que cette désaffection est aggravée par la sélection qualifiée d'improductive en termes de diffusion de la CST, jouée par la filière S.

La désaffection pour les carrières scientifiques et techniques est constatée notamment à travers la crise des vocations enseignantes, que le rapport annuel de la Cour des comptes a soulignée. La Cour constate en effet que la réforme de la mastérisation a renforcé le phénomène de la désaffection croissante des étudiants pour les concours d'enseignants, comme le montre le CAPES externe de mathématiques, pour lequel, en 2011, le jury n'a pu pourvoir que 60 % des postes offerts.

Cette crise des vocations suscite des craintes quant aux possibilités de renouvellement du vivier d'enseignants, de chercheurs et de techniciens.

L'une des affirmations les moins contestée concerne la sous-représentation des femmes dans les études et les carrières scientifiques. S'agissant de la France, la parité est à peu près atteinte dans l'enseignement secondaire, puisqu'en 2010, les filles représentaient 40 % des élèves des terminales scientifiques. L'objectif de la LOLF était d'atteindre 42 % en 2013. En revanche, la situation se dégrade dans l'enseignement supérieur : les filles suivent majoritairement des études médicales. Mme Sylvia Serfaty, prix Henri Poincaré 2012, professeure à l'Université de Paris VI, explique la sous-représentation des filles dans les classes préparatoires scientifiques par le « bizutage » dont elle-même a souffert. Jouent également d'autres facteurs, tels que le faible soutien des familles à l'inscription des filles dans ces filières dominées par les garçons.

Quoi qu'il en soit, les rapporteurs considèrent que ce combat pour la parité doit être mené avec détermination, une plus grande implication des femmes dans la vie économique pouvant permettre un accroissement du PIB de 7 %, si les taux d'activité des deux sexes étaient identiques.

Ces affirmations très répandues sur la désaffection des jeunes sont néanmoins contestées. Certains invoquent une étude du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui indique que le nombre de doctorants a augmenté de près de 6000 entre 2001-2002 et 2008-2009 pour atteindre 67 600 personnes. Pour ce qui est des effectifs des écoles d'ingénieurs, ils ont augmenté de 16,7 % entre 2000 et 2007.

En second lieu, ces affirmations ne tiennent pas compte du fait qu'une part de plus en plus importante des bacheliers scientifiques contournent les DEUG généralistes en empruntant des filières plus professionnalisantes comme les DUT, pour ensuite poursuivre vers les diplômes supérieurs.

Le troisième débat porte sur la possibilité d'instaurer un dialogue durable et confiant entre la science et la société.

Cette question serait posée de façon cruciale à la société française, laquelle manifesterait une défiance à l'égard de la science, comme le montreraient, entre autres, l'interminable polémique sur les OGM, les débats autour du principe de précaution et les difficultés de la médiation scientifique.

Cette absence de confiance se double d'une méconnaissance du travail des scientifiques. Car, d'après le sondage IPSOS de juin 2012, 60 % des français déclarent mal connaître ce travail, tandis que 81 % estiment que les citoyens sont insuffisamment informés et consultés sur les débats et les enjeux de la recherche.

Cependant, le sondage IPSOS de juin 2012 indique que 89 % des personnes interrogées considèrent que les études scientifiques mènent à des métiers intéressants et épanouissants.

En second lieu, se fait jour un contexte propice au développement d'une culture du débat. Le rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale fait ainsi état du souhait d'une majorité de chercheurs et de fonctionnaires d'associer les citoyens à une gouvernance moderne basée sur la transparence, la participation et le partage des responsabilités. Il nous incombe de viser au partage de la connaissance par tous les publics, à travers des réponses adaptées aux questionnements des citoyens.

Le quatrième débat touche à la gouvernance de la CST.

Cette question concerne le rôle d'Universcience et les modifications que les projets du Gouvernement sont susceptibles d'entraîner. Le rôle d'Universcience est l'objet de controverses. En premier lieu, la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l'Industrie suscite des appréciations contradictoires. Intervenue en 2009, cette fusion est le résultat des conclusions d'une inspection effectuée au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ces conclusions ont souligné la nécessité pour les deux établissements de coopérer à un objectif commun, à savoir, rendre accessible à tous la CST et devenir un pôle national de référence. En 2011, Universcience a été ainsi le quatrième établissement culturel le plus visité de France. Sur le plan international, il est le premier centre de science européen et il a été sollicité pour participer à 80 projets de partenariats.

Pour autant, des craintes sont exprimées quant à l'avenir du Palais de la Découverte. Les uns mettent en cause le fait que la fusion a gommé la spécificité du Palais de la Découverte, ce que Mme Claudie Haigneré, présidente de l'établissement public, a contesté lors de son audition. Pour elle, les services offerts par la Cité des Sciences sont différents de ceux du Palais, lequel permet toujours de voir la science « en train de se faire et en train de se comprendre ». Les autres font valoir une baisse de fréquentation de 23 % en 2011 par rapport à 2010. Quant aux relations entre Universcience, les régions et les associations, les régions reprochent à Universcience d'être un établissement parisien, plutôt que national. Sur ce point, Universcience a fait valoir dans sa contribution aux Assises, qu'il avait défini, en concertation avec 500 acteurs de la CST, une nouvelle organisation favorisant les synergies et les dynamiques territoriales. Parallèlement, certains de nos interlocuteurs ont déploré qu'Universcience ait été juge et partie dans l'attribution des financements au titre des investissements d'avenir et de certains crédits du ministère de la Recherche. D'un montant de 3,6 millions d'euros, ces derniers ont été délégués à Universcience en vue de leur gestion. Les Directions régionales de la Recherche et de la Technologie sont, quant à elles, en charge de choisir les secteurs destinataires de ces crédits.

Enfin, pour ce qui est des incidences des projets législatifs du Gouvernement sur la gouvernance de la CST, les acteurs auditionnés se sont réjouis que le projet d'Acte III de la décentralisation confère une compétence obligatoire aux régions dans le domaine de la diffusion de la culture scientifique et technique. Ils considèrent toutefois que l'État doit conserver sa fonction de stratège. S'agissant de la refondation de l'école, le projet de loi indique explicitement que la formation des enseignants dans les écoles supérieures de professeurs des écoles doit comprendre les éléments d'une CST.

En conclusion, il faudra cibler nos préconisations différemment selon les publics visés : enfants, parents, enseignants, acteurs sociaux des quartiers, décideurs ou médias.

Si l'Office nous autorisait à poursuivre cette étude, il conviendrait de viser aussi la culture industrielle dans son intitulé. Il s'agit non seulement de se conformer aux dénominations officielles, mais aussi de bien marquer la dimension économique de cette politique publique.

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