Au vu des réactions aux propos du représentant du groupe socialiste et aux vôtres, monsieur le directeur général, je me dis que vous avez encore un gros travail de pédagogie à faire dans notre pays pour expliquer ce qu'est la réalité du monde. Le diagnostic – celui d'un basculement de la production dans le monde – est imparable. Si l'on veut de la croissance en Europe, il faut aller la chercher ailleurs, là où elle est – puisqu'elle existe –, mais il ne faut pas se tromper d'adversaire.
Que pensez-vous des propos tenus dans les plus hautes sphères de l'Etat qui attribuent les problèmes de compétitivité de la France à l'euro et à la politique d'austérité imposée par la Chancelière allemande ? Sont-ce vraiment les causes de la chute de nos exportations alors que, vous l'avez dit, la balance commerciale de l'Europe est excédentaire et que certains pays, avec la même politique commerciale, réussissent bien ? Il faudrait, mes chers collègues, vous intéresser aux sujets de fond, c'est-à-dire aux problèmes de compétitivité spécifiquement français, sans en faire porter la responsabilité au voisin allemand ou à l'euro. Le discours de M. Lamy est salutaire, mais force est de constater le décalage consternant entre la réalité du monde – la mondialisation – et la perception que nous en avons. Il explique d'ailleurs en partie notre problème.
On voit apparaître, de la part des pays émergents, de nouvelles formes de protectionnisme qui battent en brèche le principe de la réciprocité : les subventions massives destinées à protéger l'industrie nationale ou les codes d'investissement. Ainsi, selon le code d'investissement chinois, pour pouvoir produire en Chine, il faut installer non seulement l'usine, mais aussi le laboratoire de recherche et tout ce qui en sort devient propriété intellectuelle chinoise, ce qui est sans équivalent en Europe. La réciprocité concerne l'ensemble de la politique commerciale de l'Union vis-à-vis des grands émergents, qu'il s'agisse d'aéronautique, d'espace ou de technologie.
Que pensez-vous, compte tenu de votre expérience, de l'initiative de Barack Obama d'un grand accord de libre-échange euro-atlantique dans un contexte où l'approche multilatérale de Doha recule au profit des accords régionaux ?
Je conclus en soulignant encore le divorce total entre la vision de M. Lamy et celle d'une partie d'entre vous alors que, philosophiquement, vous n'êtes pas très éloignés.