Que M. Lamy veuille bien m'excuser d'être caricaturale à cause du temps qui m'est imparti.
L'OMC coordonne le commerce mondial pour éviter la prolifération des accords entre États. Cependant, après l'échec du cycle de Doha, les négociations bilatérales pourraient de prendre le pas sur le multilatéralisme. Quels risques y voyez-vous ?
L'objectif de libérer le commerce s'appuie sur le principe d'une concurrence sans distorsion, au moins entre pays riches. Or, les États-Unis subventionnent leur agriculture, certaines de leurs banques et quelques industries, et interdisent l'importation depuis la Chine de matériels lourds de téléphonie, pour des raisons de sécurité nationale. La Chine subventionne ses exportations et l'Union européenne son agriculture, battant en brèche le principe de réciprocité. On est donc très loin du « juste échange ». Comment l'espace européen peut-il, dans une conjoncture morose, mieux se protéger ? L'OMC envisage-t-elle d'adopter des normes ? Comment, alors, les faire respecter ?
Le dumping fiscal, social et environnemental constitue probablement le défi des années à venir, y compris au sein de l'Union européenne, monsieur Lellouche, avec le risque d'un appauvrissement du plus grand nombre et d'une déstabilisation, sinon d'une déstructuration des États. Comment remettre la notion d'équité au centre des négociations ? Comment mieux y faire participer les pays les moins avancés et les ONG ?
Est-il judicieux de raisonner encore d'après un modèle d'échanges mondiaux fondé sur une circulation toujours plus intense et une croissance forte, quand s'annonce le changement climatique et que de plus en plus d'États et d'ONG appellent à une « relocalisation » de leurs économies, à la souveraineté alimentaire et à une meilleure prise en compte de l'environnement ? Quels changements préconiseriez-vous ?
Le problème de la pauvreté dans le monde n'est pas réglé. En particulier, l'ouverture des pays pauvres aux produits manufacturés des pays plus riches ne s'est pas traduite par une réciprocité en matière agricole. En quoi le cycle de Doha aurait-il profité aux pays en voie de développement ? Les prix agricoles ne seraient-ils pas devenus plus instables ? Pour promouvoir un développement durable, quelle politique d'échanges prônez-vous pour ces pays ?
Dans le souci de défendre les droits de l'homme, des normes fiscales, sociales et environnementales, l'OMC ne devrait-elle pas être soumise aux règles de l'ONU et de l'Organisation internationale du travail (OIT) ? Que pensez-vous de la création d'une organisation mondiale de l'environnement ? En somme, comment concilier toujours plus d'échanges, toujours plus libres, avec nos valeurs humanistes et la finitude de la planète ?