Intervention de Pascal Lamy

Réunion du 27 février 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce :

Monsieur Dupont-Aignan, plutôt qu'une question, vous avez exposé votre vision du monde, qui est apocalyptique. Cela vous regarde. Votre idée de nivellement par le bas ne correspond pas à la réalité, en tout cas pas à la perception des quelques centaines de millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté au cours des trente dernières années : c'est au contraire un nivellement par le haut ! Que cela se fasse au prix d'inégalités excessives, j'en conviens, c'est aussi une réalité. Je n'ai jamais été un apôtre de la mondialisation heureuse. La mondialisation a ses forces et ses faiblesses, ses bienfaits et ses méfaits. C'est une entreprise humaine que de la maîtriser, voire de la domestiquer. Pour autant, on ne peut pas nier que, globalement, les populations sur la planète y ont gagné. Dans l'ensemble, elles sont moins pauvres. Dans tout processus de changement, il y a des gagnants et des perdants : certains pays se sont très bien débrouillés, d'autres moins bien, mais on ne peut pas dire simplement que c'est un vaste nivellement par le bas et que, si chacun se replie sur soi comme au Moyen Âge, l'humanité s'en portera mieux. Quant à l'Europe qui s'incline, c'est encore une vision polémique. L'Europe a engagé contre la Chine autant de procédures anti-dumping que les États-Unis. Le seul pays qui en ait fait plus, c'est l'Inde.

Le GATT comporte effectivement des dispositions en matière de change. Elles sont regroupées à l'article XV dont la légende dit qu'il aurait été rédigé par lord Keynes lui-même. Grosso modo, et au risque de me faire arracher les yeux par mes juristes, cet article énonce qu'on ne peut pas contredire ses engagements d'ouverture commerciale en manipulant son taux de change. Jusqu'à présent, cet article n'a jamais été testé en contentieux à l'OMC. Le mécanisme de règlement de l'Organisation peut certes jouer, mais ce n'est pas le directeur général qui décide d'intervenir. Je n'ai pas le pouvoir de la Commission européenne, qui peut décider de lancer une procédure d'infraction contre un État qui ne respecte pas les règles de l'ordre juridique européen. À l'OMC, ce sont les États qui intentent des procès à d'autres États. À mon avis, ce n'est pas demain la veille que le directeur général de l'OMC sera le procureur mondial du commerce, si tant est que cela soit proposé par quelqu'un et que ce soit souhaitable.

Une procédure de coopération entre le FMI et l'OMC existe pour le cas où un contentieux se produirait, mais l'essentiel des disciplines en matière de taux de change relève du FMI, pas de l'OMC. Les règles du FMI n'obligent aucun de ses membres à avoir un compte de capital ouvert ou un marché des changes libre. Regardons les règles internationales pour ce qu'elles sont. Beaucoup de pays sont membres du FMI, depuis sa création même, sans avoir un taux de change libre.

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