Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au dernier jour de cette courte session d'été, nous touchons à la fin du préambule de cette nouvelle législature. Le ton est donné.

Nous allons revenir très vite, à l'automne, pour écrire, après le préambule, le premier chapitre – notre premier budget. Les Français sont impatients. Il y a tant d'attentes, tant de besoins, tant de souffrance, tant de défis à relever, tant de lien à retisser, tant de choses à inventer. C'est de ce premier chapitre que je veux parler en quelques minutes, pour poser quelques jalons, plutôt que d'épiloguer sur le préambule.

Oui, bien sûr, il fallait abroger l'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, qui avait consacré le « gagner plus pour payer moins », en totale contradiction avec le principe républicain de progressivité de l'impôt.

Quant au coût prétendument exorbitant de cette mesure, je vous invite, chers collègues, à le mettre en parallèle avec celui des emplois d'avenir, tant attendus sur nos territoires urbains ou ruraux : 100 000 emplois d'avenir coûteront 500 millions au budget de l'État. Le coût total des exonérations sur les heures supplémentaires équivaut à près de 1 million d'emplois d'avenir. Le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ? Le pouvoir d'achat des personnes qui sont au chômage m'intéresse tout autant que le pouvoir d'achat de celles qui ont un travail.

Le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité ont changé de cap. Ils ont donné un signal clair et fort ; ils ont affiché une volonté – la volonté de justice sociale. Nous allons amplifier le mouvement lors de la loi de finances pour 2013. Nous parlerons alors, naturellement, de fiscalité. Aussi serait-il utile de ne pas se contenter de raisonner en termes de tranches d'imposition : il faut aussi parler de reste à vivre. Si, après paiement de l'impôt, il vous reste 5 000 ou 7 000 euros par mois, ce n'est pas mal, non ? Cela relativise le niveau de la tranche marginale d'imposition.

Parallèlement, nous devrons donner un second signal, celui de la révolution économique, celui de la conversion écologique de l'économie.

Ne nous y trompons pas, chers collègues : la dette financière, qui affole toutes les économies, n'a d'égale que la dette envers la nature, la dette environnementale, que beaucoup sous-estiment ou méconnaissent.

Dette financière, dette écologique, l'une et l'autre ont la même origine : le profit, l'individualisme, le court terme, l'accumulation, la cupidité, que le libéralisme n'a cessé d'encourager.

La première peut détruire l'économie ; la seconde a commencé de l'assécher depuis longtemps. Nous puisons dans les ressources naturelles avec une avidité rare, au risque d'épuiser notre terre, sans nous soucier de la dette que nous contractons envers elle. La Terre est généreuse, mais elle a, elle aussi, ses limites.

Alors il faudra passer à la caisse. Quand l'argent est rare, il coûte cher et les taux d'intérêt grimpent. Quand les ressources naturelles sont rares, elles coûtent cher également, en capital et en intérêts.

Mais notre système économique, simpliste et encore mal dégrossi, n'a pas encore appris à internaliser le coût de la dette écologique. Bien qu'on ne recapitalise pas la nature à l'échelle humaine comme on recapitalise les banques, la dette environnementale, en capital, se traduira par un renchérissement croissant du coût des matières premières.

Celui-ci est en marche. Les intérêts de la dette naturelle se paieront, si c'est encore possible, en actions coûteuses. Face aux effets néfastes du changement climatique, d'abord ; il suffit de suivre l'évolution des primes d'assurances pour catastrophes naturelles et surtout les primes de réassurance pour le comprendre. Face à la perte de la biodiversité et aux innombrables services gratuits rendus par la nature, ensuite. À titre d'exemple, la contribution au PIB de l'activité des insectes pollinisateurs en 2005 était de 153 milliards, soit 10 % de la valeur de la production alimentaire mondiale. Si je vous donne cet exemple, c'est qu'il semble que la question de l'épuisement de la biodiversité ne puisse être comprise que si celui-ci est évalué en euros ou en dollars.

La dette écologique est assise sur un emprunt véritablement toxique. Toxique, parce que les pollutions, en pénétrant notre environnement et l'ensemble des organismes vivants entraîneront des coûts colossaux. Toxique, car plus le temps passe, plus les effets dévastateurs de l'épuisement et des pollutions seront coûteux.

Nous sommes entrés dans l'ère de l'insolvabilité généralisée. L'ensemble des acteurs économique est insolvable. Si les États, les entreprises, les ménages peinent à boucler leur budget, la solvabilité de la terre est maintenant hypothétique. La dette abyssale que nous contractons envers elle exige autant de nous que la dette financière, autant de prise de conscience, autant de rigueur.

Je suis certain que personne dans cette assemblée, quel que soit le banc où il se situe, ne souhaite léguer une telle situation aux générations futures.

Chers collègues, la loi de finances pour 2013 va nous mettre à l'épreuve. La simplicité, la proximité, la modération doivent désormais guider nos choix. Mais je vous rassure, cela n'annonce pas un monde triste et n'empêchera en rien la créativité et la fantaisie de s'exprimer, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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