Sans préjuger les résultats du vote, j'espère me délecter d'une unanimité sur ce texte, ce qui serait un pur bonheur, je vous le dis sans ambages.
La semaine dernière, je m'étais engagée devant vous à publier la circulaire d'application, vingt-quatre heures après la promulgation du texte. Nous ferons mieux : nous publierons la circulaire le jour même de la promulgation. Les services de la Chancellerie ont travaillé sans répit et ils ont relevé, pendant toute la durée des débats au Sénat et à l'Assemblée nationale, à la fois le contenu des échanges et les engagements que j'ai pris, de sorte que la circulaire est pratiquement prête.
Les parquets recevront en même temps la loi et la circulaire d'application qui en précise le sens, la portée et qui les alerte sur certains points particuliers : la minorité de quinze ans et de seize à dix-huit ans ; les personnes transsexuelles et transgenres sont bien concernées par l'identité sexuelle ; le fait unique assimilé au harcèlement sexuel ne peut permettre de déqualifier des actes plus graves tels que la tentative d'agression sexuelle ou la tentative de viol, même si nous sommes persuadés que le risque de déqualification n'existe plus. Enfin, la circulaire comportera un point relatif à l'article 39 quinquies la loi de 1881 sur la presse et sur la protection des victimes par l'anonymat, sauf autorisation expresse de celles-ci
Au cours de ces dernières semaines, nous avons travaillé sur un sujet fortement chargé en émotions. Tout en étant extrêmement sensibles à cette émotion, nous avons décidé d'y répondre par le droit, tout le droit mais rien que le droit. Nous l'avons fait pour apporter protection et sécurité aux victimes, et surtout parce que nous légiférons pour vivre ensemble. Il s'agit ici d'un projet de loi et non d'une expédition punitive.
Nous avons choisi d'armer les victimes et d'infliger des sanctions aux auteurs. Nous visons à restaurer l'estime de soi des victimes, à leur donner la possibilité d'échapper à l'emprise et au joug d'autrui pour qu'elle puisse retrouver la maîtrise de leur vie. En ces circonstances, le droit nous montre à quel point il est une matière vivante au service des libertés individuelles.
Quant aux auteurs présumés de harcèlement sexuel, ils bénéficient évidemment de la présomption d'innocence. En cas d'accusations portées à tort et de mauvaise foi – dont la probabilité est statistiquement assez faible – le droit, grâce à ses règles, à ses procédures et à ses niveaux de juridiction offre les moyens de réparer, notamment par le bais de l'article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse.
Dans une certaine mesure, nous en sommes à un temps de fabrication. C'est seulement en 1980 que la France a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966 dont l'article 2 stipule la non-discrimination sexuelle et l'article 3 l'égalité entre les hommes et les femmes. La Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes date de 1979 et elle a été ratifiée en 1983. Il demeure que le harcèlement sexuel en tant que tel n'apparaît dans notre droit pénal qu'en 1992.
Depuis, l'arsenal pénal s'est enrichi. Parfois, les lois suivent ; parfois, elles précèdent et transforment les moeurs. C'est tant mieux. Je crois que la présente loi remplira également cet office.
L'égalité n'est pas naturelle, mais elle est un principe, une valeur, une construction sociale qui permet que se forgent les destinées individuelles. C'est le fondement même du contrat social et c'est l'une des plus belles promesses républicaines.
Il revient dorénavant aux magistrats de traduire dans leurs décisions cette forte réprobation sociale que nous venons d'inscrire dans la loi commune. Mais il nous revient, à nous, au-delà des moyens de droit que nous avons accordés aux victimes, au-delà de l'injonction que nous avons adressée aux harceleurs, de nous impliquer, de participer et d'accompagner cette effervescence sociétale sur ce sujet extrêmement sensible de l'égalité, malgré le foisonnement des différences et quelle que soit la perplexité que ce dernier peut parfois nous inspirer.
C'est à cela aussi que contribuera la campagne gouvernementale de sensibilisation et d'information.
Pour le reste, soyons optimistes. La société va à son pas, mais nous avons toutes les raisons de rester optimistes si nous savons regarder ses évolutions et ses bouillonnements et si nous prenons sous un bon angle cette affirmation de René Char : « l'homme est capable de faire ce qu'il est incapable d'imaginer. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)