Intervention de Emmanuelle Cosse

Réunion du 7 février 2013 à 11h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Emmanuelle Cosse, vice-présidente du conseil régional d'Île-de-France, chargée du logement, de l'habitat, du renouvellement urbain et de l'action foncière :

Nous vous avons apporté l'étude de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) relative à la création de cette Autorité.

Différentes voies sont possibles pour optimiser les aides au logement, mais les difficultés sont majeures. La baisse des aides à la pierre dans la période récente – même si l'Île-de-France a été moins impactée, en pourcentage, que d'autres territoires – a créé des difficultés. Elle a commencé en 2010, alors même que les collectivités locales – régions, communautés d'agglomération, communes – et l'EPF avaient renforcé leurs moyens en la matière sur la période 2005-2010. Cette baisse a eu des effets négatifs, y compris en Île-de-France alors même que nos moyens étaient maintenus car les objectifs de production de logement social étaient particulièrement élevés.

Le débat sur l'optimisation des aides financières a changé de nature depuis un an. En 2010, de nombreux acteurs contribuaient au financement du logement – qu'ils en aient ou non la compétence. On a assisté à un vrai renforcement de la mobilisation. Mais depuis un an, si la région a maintenu ses budgets et ses conditions de financement, on assiste à un phénomène inverse au niveau des départements, excepté à Paris et dans les Hauts-de-Seine, qui sont délégataires de l'aide à la pierre. Certains départements ont gelé leurs crédits logement dans l'attente de nouvelles politiques ; d'autres ont supprimé toute aide à l'investissement ; d'autres, enfin, ont durci drastiquement les conditions d'éligibilité à leurs aides, notamment en les ciblant sur les seuls opérateurs « locaux ». On exige par exemple que le siège social de l'opérateur, ou la plus grande part du parc à traiter soient situés dans le département - ce qui n'a guère de sens compte tenu de la mobilité qui est une réalité dans notre région. En raison de ses difficultés budgétaires, le département de la Seine-Saint-Denis a dû suspendre du jour au lendemain ses aides au logement, qui s'élevaient à 5 000 euros par logement. Or, dans ce département, nombre d'opérateurs, sérieux mais n'ayant pas nécessairement beaucoup de ressources, gèrent un parc ancien qu'il faut réhabiliter. Le bouclage des programmes de l'année 2012 s'est donc avéré délicat. Les opérateurs ont demandé à la région d'augmenter ses subventions au maximum. Au même moment, les aides à la pierre ont été réduites. Sur certains programmes situés en zone dense, l'aide à la pierre de l'État est désormais inférieure à 500 euros par logement.

Il y a encore un an et demi, beaucoup estimaient que l'optimisation des aides à la construction de logements sociaux passait par la création d'un guichet unique. Cette vision est sans doute un peu simpliste, mais il faut se mettre à la place des opérateurs, qui sont lassés de devoir présenter huit dossiers quand ils pourraient en faire un seul… Le problème est que les conditions ne sont pas les mêmes chez tous les financeurs du logement social. Cette question est liée à celle de la gouvernance, et même à celle de la politique du logement. Si l'action du conseil régional d'Île-de-France est très orientée vers le soutien aux logements qui manquent le plus, dans une optique de priorisation, certains départements ne veulent financer que du PLS, ou une très forte proportion de PLS. Dans ces conditions, envisager un guichet unique reste problématique.

À terme, il faudra néanmoins simplifier le dispositif. Force est de reconnaître qu'aujourd'hui, la situation financière des collectivités les conduit plus à délaisser le logement qu'à simplifier et mutualiser ce dispositif. C'est inquiétant pour la région, qui ne pourra pas indéfiniment investir davantage pour pallier le retrait des autres partenaires.

J'ajoute que ce mouvement de retrait des collectivités s'est accompagné de celui du 1 % logement, qui jouait un rôle majeur dans les opérations en Île-de-France, et permettait de faire baisser fortement les loyers. C'est la raison pour laquelle les opérateurs sont aujourd'hui dans l'expectative : tant que le décret sur l'emploi des fonds Action logement ne sera pas publié et qu'on n'aura pas l'usage des prêts, il restera difficile de boucler les dossiers de financement. Nous l'attendons donc avec impatience !

La région réfléchit également depuis plusieurs années aux questions de gouvernance des politiques du logement. Elle l'avait déjà fait en 2008, dans le cadre d'une commission présidée par Jean-Paul Planchou. Cette question a aussi été soulevée par le Conseil d'État et le Conseil économique, social et environnemental (CESE). L'IAU a donc travaillé l'année dernière sur une étude qui s'efforce de définir ce que pourrait être une Autorité organisatrice du logement en Île-de-France. Nous avions choisi à dessein le titre d'Autorité, qui renvoie aux notions de décision et de coercition. L'idée est bien d'organiser – et donc de réguler – les politiques du logement. L'étude a proposé plusieurs schémas, allant d'un renforcement des compétences et du poids des avis du CRH actuel, qui pourrait ne plus être présidé par le préfet de région, à une vraie Autorité rassemblant les collectivités territoriales, qui contracteraient avec l'État. Dans ce cadre, l'État pourrait décentraliser les aides à la pierre, mais aussi l'hébergement d'urgence, la gestion du droit opposable au logement (DALO), ou le pouvoir de sanction. Celui-ci pourrait être soit conservé par l'État, soit exercé par l'Autorité, à moins que l'on ne définisse un système hybride faisant intervenir un commissaire du Gouvernement… En tout état de cause, l'idée est de promouvoir une approche régionale des politiques de logement en Îe-de-France, avec une Autorité qui soit chargée de la prospective, de l'observation, de l'évaluation des besoins actuels et à venir et de la programmation, ainsi que des sanctions de la loi SRU.

Pourquoi privilégions-nous l'approche régionale, alors qu'il y a un débat entre approche métropolitaine et approche francilienne ? Il nous faut d'abord constater que le schéma d'intercommunalité francilien n'est pas au niveau : non seulement son élaboration a pris du retard, mais beaucoup d'intercommunalités ont été créées sans réflexion préalable. Le texte sur la décentralisation parle de créer des intercommunalités d'au moins 300 000 habitants en zone dense et 200 000 en zone moins dense. C'est important pour l'Île-de-France, qui compte un certain nombre d'intercommunalités dont la constitution a été inspirée par la seule logique partisane, et qui, très petites, sont dépourvues d'intérêt et de moyens. Dans les territoires très pauvres, on observe même de fortes discriminations entre communes pauvres et communes encore plus pauvres, chacun évitant soigneusement de s'associer avec plus pauvre que soi…

Cette question est liée à celle du logement. Compte tenu de la faiblesse des intercommunalités, nous avons très peu de programmes locaux de l'habitat (PLH) intercommunaux. Dans une région qui compte 12 millions d'habitants, on examine des PLH pour des communes de 10 000, 20 000 ou 30 000 habitants, sans s'intéresser à ce qui se passe au-delà des frontières communales… Cela n'a plus de sens, y compris pour des villes bien équipées en logements.

Se pose aussi la question des plans locaux d'urbanisme (PLU). De nombreuses communes franciliennes sont encore sous le régime des plans d'occupation des sols (POS), et ont organisé, de fait, la non-constructibilité de leur territoire, par le choix des conditions relatives à la taille des parcelles ou des seuils de densité.

Il ne s'agit pas de dire que la gouvernance doit revenir à la région, mais simplement que l'approche de la question doit être régionale. Cette discussion est aussi liée à l'examen de la répartition de la population et de ses mouvements en Île-de-France. Le problème du logement explique en effet, en partie, le « renvoi » des populations moins fortunées vers les territoires les plus reculés de l'Île-de-France – on note par exemple un boom démographique en Seine-et-Marne, ou aux confins du Val-d'Oise ou encore de l'Essonne, dans des zones où l'on n'a pas les moyens d'implanter des services publics. Bref, on peut parler d'une relégation des classes moyennes, qui sont obligées de se loger loin de Paris – ce qui ne va pas sans poser problème à l'heure de la hausse des prix du carburant. Il est temps de retrouver une cohérence ! Les politiques de logement dans la zone dense ont toujours des conséquences sur les territoires limitrophes. Le phénomène va d'ailleurs au-delà de la région francilienne – à la limite, nous devrions discuter avec les villes d'Orléans ou de Rouen. Le boom des loyers à Rouen est directement lié à la situation de l'Île-de-France, et notamment à celle des Yvelines.

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