Intervention de préfet érard Corbin de Mangoux

Réunion du 20 février 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

préfet érard Corbin de Mangoux, directeur général de la sécurité extérieure :

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) a succédé au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE). Elle est régie par le décret du 2 avril 1982. Spécificité française, notre service de renseignement en charge de la sécurité extérieure est rattaché au ministère de la Défense. Ailleurs, les services homologues sont plutôt rattachés aux services diplomatiques en raison de la « couverture » qu'ils utilisent ainsi fréquemment. C'est le cas du Royaume-Uni. Le rattachement à la Défense offre plusieurs avantages à la DGSE. Il lui permet de « sanctuariser » plus facilement son budget, qui représente environ 1,3 % du budget du ministère. Il est cohérent avec l'origine de ses personnels : 25 % est d'origine militaire, sans compter les membres du service action dont la direction générale dispose pour emploi.

La DGSE est un service de renseignement extérieur dont la mission est de recueillir des informations concourant à la sécurité de la France et à la défense de nos intérêts à l'étranger. L'information que nous recherchons étant par nature cachée ou secrète, il nous incombe donc de la recueillir de façon clandestine, ce qui exige des capacités et des modes d'action particuliers. À ce titre, la DGSE est un service intégré concentrant entre ses mains différentes capacités de recueil du renseignement, qu'il soit d'origine humaine, technique, opérationnelle ou d'échanges avec les services partenaires. Cette concentration optimise l'analyse et limite les difficultés de coordination, ainsi que les pertes en ligne d'informations.

La DGSE dispose aussi d'une capacité d'action clandestine et d'entrave. Cette dernière vise à empêcher la survenance d'un événement non désiré par tout moyen, y compris militaire. Le service est soucieux du respect de la légalité et je m'attriste des allégations de la presse lorsqu'elle nous qualifie de « barbouzes ». Nous sommes des agents de l'État agissant sous les ordres de l'autorité politique pour la défense des intérêts de la République. Si le secret est au coeur de son travail, la DGSE est la première à réclamer un contrôle de ses activités. Je me félicite en particulier de la création, en 2008, de la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), qui vient s'ajouter aux dispositifs de contrôles déjà existants, tels que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Commission de vérification des fonds spéciaux, la Cour des comptes, la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou encore la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Si nous pouvons présumer que les orientations du prochain Livre blanc proposeront de renforcer la capacité de contrôle de la DPR, il existera toujours une « ligne rouge constitutionnelle » prohibant toute divulgation d'éléments relatifs aux opérations en cours.

Nos missions sont de recueillir, d'analyser et de diffuser le renseignement stratégique. Néanmoins, la différence avec le renseignement tactique tend à s'estomper, dans la mesure où la DGSE est de plus en plus impliquée sur des théâtres d'opération extérieure. Elle est ainsi intervenue aux côtés de la Direction du renseignement militaire (DRM) en Afghanistan, avec de nombreux moyens techniques, sachant qu'elle est en charge des interceptions électromagnétiques à l'étranger. Dans ce cadre, elle a souvent assuré des missions de renseignement tactique visant à la protection des forces armées, étant alors placée sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées.

Ses champs d'intervention sont divers. Je mentionne tout d'abord le renseignement géopolitique et de crise ainsi que le contre-terrorisme. On compte également la contre-prolifération, qui concerne les États dotés ou non de l'arme nucléaire, ainsi que contre les trafics duaux. Enfin, la DGSE s'investit particulièrement dans la sécurité industrielle.

Elle recueille le renseignement par tous moyens, notamment en disposant d'une centaine de postes à l'étranger et en diligentant entre 1 500 à 1 800 missions par an. S'agissant des moyens techniques, nous disposons de l'ensemble des capacités de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM). À la suite des préconisations du Livre blanc de 2008, nous avons pu développer un important dispositif d'interception des flux Internet. En outre, nous travaillons également beaucoup sur l'imagerie, même si ce secteur relève davantage de la DRM. Ceci établi, c'est le croisement des sources d'origine humaine, technique et opérationnelle qui fait notre force.

Notre dernière source d'information est alimentée par les partenariats avec les services étrangers. Nous travaillons avec un peu plus de 200 services ; 50 appartiennent à un « deuxième cercle » avec lequel les relations sont fréquentes. La relation est très dense avec 10 d'entre eux : « le premier cercle ». Nous traitons des informations et faisons des recherches communes. Il s'opère parfois une sorte de partage de compétences en fonction des points forts de chacun, certains pays pouvant disposer d'informations de « niches » particulièrement utiles.

Nous n'avons qu'un petit nombre de lecteurs : nos notes n'ont généralement que 10 à 15 destinataires, parfois un seul. Dans pratiquement tous les cas, le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense en font partie.

Nous disposons d'environ 5 000 agents. Le Livre blanc ayant consacré la fonction « connaissance et anticipation », nos effectifs ont augmenté depuis 2008, notamment parmi le personnel technique. De surcroît, la DGSE bénéficie d'un soutien sans faille des armées. Grâce à elles, nous disposons d'une capacité opérationnelle permanente.

Nos effectifs comprennent environ 25 % de militaires – proportion en deçà de laquelle nous ne voulons pas descendre – et 25 % de femmes, ce qui n'est pas assez. La moyenne d'âge de nos agents est de 41 ans et 70 % d'entre eux se situent dans la fourchette 30 – 40 ans. Nous disposons d'un statut autonome, indépendant de celui de la fonction publique, mais qui permet la mobilité.

Notre budget est essentiellement inscrit dans les programmes 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense » mais aussi dans le programme 129 « Coordination du programme gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». La loi de finances initiale pour 2013 nous a octroyé 655 millions d'euros d'autorisations d'engagement.

Ce budget doit nous permettre de prolonger nos efforts d'équipement. Il s'agit d'une course permanente : la cryptologie, qui constitue le coeur de notre métier, requiert des techniques de plus en plus sophistiquées et demande un investissement constant.

Nos priorités sont fixées par le Livre blanc et le plan national d'orientation du renseignement (PNOR). Ce document, validé par le Président de la République, fixe l'orientation du renseignement pour l'ensemble des services, afin d'éviter les chevauchements. Il fixe un cap pour trois ans mais est réactualisé chaque année. Il est important pour nous de disposer d'un horizon pluriannuel, car nous ne travaillons pas dans l'actualité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion