Pour que ce débat sur l'école soit vraiment productif et constructif, ne nous perdons pas, comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, et comme l'ont fait certains de mes collègues, dans des polémiques inutiles.
Regardons plutôt les tendances qui peuvent expliquer l'état actuel de notre système éducatif. Regardons les évolutions qui ne sont pas allées dans le bon sens. Selon nous, trois grandes tendances – nous pouvons même parler de dérives – doivent être analysées et prises en considération, si nous voulons vraiment refonder l'école.
La première dérive tient au fait que notre société a beaucoup demandé à l'école. Elle lui a même trop demandé. Elle l'a fait notamment pour masquer ou pour pallier ses propres insuffisances. Parce qu'on en a demandé toujours plus à l'école, les missions premières de celle-ci ont été peu à peu noyées au milieu d'autres tâches. Pour chacune de ces nouvelles tâches, il y avait sans aucun doute de bonnes raisons de solliciter l'école, mais, en la chargeant de plus en plus, on a rendu cette école de moins en moins capable d'assurer sa vocation première.
Les résultats se sont donc progressivement dégradés ; le nombre de jeunes sortant du système éducatif sans maîtriser les savoirs fondamentaux a augmenté, ainsi que le nombre de jeunes sortant sans qualification. Loin des discours revendiquant l'égalité, notre système éducatif est devenu de plus en plus inégalitaire, les écarts se creusant de plus en plus, au détriment des catégories sociales les plus défavorisées.
Qui trop embrasse, mal étreint : l'école ne peut plus pallier toutes les insuffisances de la société, comme elle ne peut plus répondre à toutes ses attentes. Il faut recentrer l'école autour de certaines priorités : c'est la première exigence qui guide notre position dans ce débat sur l'école, j'y reviendrai un peu plus tard.
La seconde dérive tient à la trop grande rigidité de notre système éducatif : il souffre depuis des décennies d'un excès de centralisation qui étouffe les initiatives. Notre système scolaire se révèle incapable de prendre en compte la diversité des élèves, alors que l'enjeu, aujourd'hui, n'est plus la massification de l'enseignement, mais bien la personnalisation de celui-ci.
Notre système scolaire est incapable d'accorder une autonomie suffisante aux établissements, alors qu'on sait que la diversité des réalités territoriales et sociales doit être prise en compte, notamment au travers d'expérimentations évaluées. Notre système scolaire est incapable de faire vraiment confiance aux enseignants, alors que les comparaisons internationales montrent bien que l'effet-maître est primordial dans la réussite scolaire.
Notre système éducatif, on le voit, doit laisser davantage de liberté à la communauté éducative : c'est la deuxième exigence à laquelle nous devons nous soumettre. Il doit valoriser beaucoup plus la diversité des élèves et prendre mieux en compte les différences sociales et territoriales.
La troisième dérive, enfin, tient au fait que notre école n'est plus, depuis des décennies, portée par une véritable ambition nationale. Sans doute n'avons-nous pas su, ni les uns, ni les autres, renouveler cette ambition. Dans tous les cas, le résultat est là : l'éducation est devenue un sujet de clivages, plus que de rassemblement. Ces clivages sont devenus si profonds et sont si durablement installés qu'ils freinent et paralysent toute velléité de réforme. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre, vous qui rencontrez actuellement des difficultés dans la réforme des rythmes scolaires. Il serait donc indispensable, et c'est la troisième exigence, que nous cherchions à retrouver une ambition partagée pour notre école, une ambition qui dépasse enfin les polémiques stériles.
Recentrer l'école sur ses priorités, la libérer de son carcan et partager une ambition nationale pour elle : ce sont les trois exigences essentielles, aux yeux du groupe UMP, avec lesquelles nous devons entamer l'examen du texte que vous nous proposez.
Et vous, que nous proposez-vous avec ce projet de loi ?
Le recentrage que nous appelons de nos voeux est malheureusement absent. Je pourrais bien entendu évoquer les 253 alinéas du rapport annexé, dont le nombre est d'ailleurs monté à 264 à l'issue des travaux de notre commission.