Intervention de Xavier Breton

Séance en hémicycle du 11 mars 2013 à 16h00
Refondation de l'école de la république — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Breton :

Les experts, nous le savons, sont divisés à ce sujet. Cette généralisation est-elle seulement possible, à l'heure où nous devons faire des choix budgétaires draconiens ?

Ce manque de priorité, nous le retrouvons également dans le message que ce texte adresse aux enseignants et aux élèves : un message qui appelle à moins d'exigence.

En effet, quel message adressez-vous quand vous dites vouloir supprimer les notations, les redoublements et les devoirs à la maison, sans rien proposer à la place ? Je le répète : si certaines mesures peuvent s'entendre et être débattues, nous ne devons pas les prendre isolément, mais par rapport à l'ensemble du texte que vous nous proposez. Force est de constater que ce texte ne recentre pas l'école sur ses priorités.

Ce texte présente un autre motif d'inquiétude : au lieu de chercher à libérer les initiatives, à accorder plus d'autonomie aux établissements et à faire davantage confiance aux enseignants, ce texte risque, tout au contraire, de renforcer les blocages existants et de créer de nouvelles rigidités.

N'y a-t-il pas, par exemple, une contradiction à vouloir faciliter la transition entre l'école et le collège en créant un cycle à cheval entre les deux et à supprimer, dans le même temps, le cycle qui existe aujourd'hui entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire ? N'allez-vous pas inciter l'école maternelle à se refermer sur elle-même, avec ce cycle à part ?

Pourquoi, par ailleurs, réaffirmer le principe du collège unique et supprimer les dispositifs de préapprentissage institués notamment par la loi Cherpion ? Pourquoi adopter une approche purement quantitative des effectifs enseignants, alors qu'on sait que le véritable enjeu est l'attractivité du métier d'enseignant ? Ce texte ne dit rien, ou presque, des conditions de travail des enseignants. Pourquoi, enfin, créer un nouveau service public, celui de l'éducation numérique ? Comment, surtout, va-t-il pouvoir se développer sans freiner les initiatives dans ce secteur prometteur ?

S'agissant de la formation des enseignants, quelles mesures vont empêcher concrètement que ne réapparaissent les inégalités et les rigidités que nous avons constatées dans les IUFM ? Comment va se faire l'articulation entre les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation, d'une part, et l'université d'autre part ? Le texte actuel ne fixe pas le cadre qui permettrait d'éviter à l'avenir des blocages entre ces écoles et les universités.

J'aurais également pu évoquer les projets éducatifs territoriaux, dont la consécration législative pourrait bien signifier l'instauration d'une tutelle, venue du haut, sur les initiatives des établissements. Voilà autant de questions que nous avons posées en commission, au travers de nos amendements, et auxquelles nous n'avons pas obtenu de réponse.

Alors que de nouveaux blocages se profilent et que de nouvelles rigidités apparaissent, ce texte ne prévoit rien qui aille dans le sens d'une plus grande autonomie des établissements, rien qui annonce un véritable statut des directeurs d'école, rien qui introduise davantage d'initiative et de souplesse.

Alors que d'autres pays fixent des objectifs clairs à leur école, tout en laissant une grande souplesse dans les moyens de les atteindre, nous continuerons, de notre côté, à encadrer à l'excès notre système éducatif, sans avoir pour autant fixé l'objectif à atteindre.

Pour terminer, je voudrais évoquer l'exigence d'une volonté commune, d'une ambition partagée pour notre école. Notre école n'est plus assez soutenue par notre société. Le malaise des enseignants s'explique aussi par cette carence. Notre devoir est d'exprimer cette volonté nationale.

Malheureusement, ce texte n'exprime pas cette ambition. Le constat sur lequel il se fonde est inutilement polémique : les insuffisances de notre système éducatif ne datent pas des cinq dernières années. Cette vision choisit délibérément le clivage ; nous le regrettons.

Nous ne ressentons pas non plus de volonté de rassemblement dans le recours excessif, voire abusif, au décret. Pourquoi dessaisir le Parlement du soin de définir le socle commun ou de déterminer le nombre de cycles, par exemple ? Les débats sur l'éducation ont été trop longtemps confisqués par la rue de Grenelle, et ce texte trahit une tentation du ministère de se refermer sur lui-même.

On le constate également dans la composition des deux nouveaux conseils créés, l'un dédié aux programmes, l'autre à l'évaluation. Le projet de loi propose que cette composition soit pratiquement verrouillée par le ministère.

Ce repli du ministère sur lui-même ne permettra malheureusement pas à notre pays de se rassembler autour d'un projet pour son école, et ce d'autant moins que ce texte est porteur de nouvelles divisions potentielles. Vous proposiez ainsi, monsieur le ministre, à l'article 3 du texte initial, une définition partiale des valeurs de la République. Heureusement, le rapporteur a bien compris les enjeux de l'exercice et nous a proposé en commission de supprimer cet article, ce que nous nous sommes empressés de faire.

Il reste cependant des sujets d'importance sur lesquels il sera possible de mesurer concrètement votre volonté de concorde républicaine. Quid de la morale laïque ? Quelle conception de la laïcité inspirera ce texte ? Quelle conception de l'égalité entre les hommes et les femmes ? Vous savez que sur tous ces sujets, nos convictions sont souvent différentes. Nous sommes respectueux des différences, et nous ne cherchons pas à les supprimer en niant leur existence par une vision égalitariste.

Monsieur le ministre, vous déclariez dans une entrevue : « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel () »

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