En outre, la suppression de la formation professionnelle des futurs enseignants a des effets catastrophiques sur l'image des métiers de l'enseignement, sur l'éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes et sur l'absence de préparation des futurs professeurs. Mettre des nouvelles recrues face à une classe, sans préparation ni accompagnement adéquats, revient à les mettre en situation d'échec, et ainsi à faire peser sur nos enfants les conséquences de choix politiques dramatiques.
Une autre réforme très symbolique illustre le manque de considération du gouvernement Fillon et de Nicolas Sarkozy à l'égard de l'école de la République : il s'agit de la suppression de la carte scolaire. L'ancienne majorité a ainsi donné sa bénédiction à l'accentuation du consumérisme scolaire et au renforcement des inégalités territoriales. Les parents qui en ont les moyens ont la possibilité d'inscrire leur enfant dans un établissement réputé, contribuant à faire de l'école, du collège ou du lycée délaissé un établissement de relégation.
Dans ce contexte, confrontée quotidiennement à une école où se creusent les inégalités et face à la crise économique, la jeunesse se met à douter. Elle doute que ses efforts suffiront, et qu'ils seront récompensés. Elle doute de son avenir. C'est pourquoi nous devons lui redonner confiance et renouveler la promesse de l'école à nos enfants. C'est ce que nous entendons faire aujourd'hui ! Il s'agit de redonner de l'ambition à l'école, de lui permettre de renouer avec ses missions d'école de la République garante de l'égalité des droits quels que soient les origines des élèves ou les moyens de leurs familles.
Cette refondation ne doit pas se limiter à une simple réparation, mais avoir l'audace et l'envergure nécessaires pour faire mieux et autrement. Il ne s'agit pas de donner des moyens sans réformer, ni de réformer sans moyens. Non : investir pour notre jeunesse, c'est construire l'avenir. Sur ce point, je souhaite d'ores et déjà saluer les efforts budgétaires entrepris. Par-delà les moyens, c'est aussi la volonté de changement que nous soutenons : la priorité au primaire, le « plus de maîtres que de classes », la réforme des rythmes scolaires, la scolarisation des moins de trois ans dans les zones en difficulté. Nous soutenons toutes ces avancées mais, plus encore, l'urgence de la situation appelle des changements de fond et d'envergure.
Monsieur le ministre, soyez assuré que votre réforme rencontre le soutien déterminé des écologistes. C'est dans cet état d'esprit et pour renforcer encore l'ambition de cette réforme que nous vous ferons des propositions.
Tout d'abord, concernant les projets éducatifs territoriaux, l'expérimentation pédagogique et le décloisonnement doivent être aux fondements de la refondation de l'école de la République. Les PEDT constituent là un outil essentiel. C'est à travers leur déclinaison que les rapports entre le cadre national et les adaptations aux spécificités locales seront mieux équilibrés. Ce sont eux qui donneront sens à la réforme des rythmes. En organisant une continuité éducative entre le temps scolaire et les autres temps de l'enfant – périscolaires et extrascolaires –, les PEDT impliquent une approche plus globale de l'éducation et nécessitent une collaboration de l'ensemble des acteurs : enseignants, services du ministère, associations culturelles et artistiques, structures de l'éducation populaire, représentants des parents d'élèves mais aussi des associations de parents d'enfants handicapés, pour ne citer que ces exemples. L'enjeu fondamental est de permettre à toutes les parties prenantes de construire ensemble une politique éducative cohérente.
C'est dans ce cadre que le rôle des collectivités territoriales doit être appréhendé. Sur cette question, j'insiste sur notre souhait de voir le fonds d'amorçage se transformer en fonds d'accompagnement, car c'est dans la durée que les enjeux d'égalité territoriale doivent être pris en compte.
Nous souhaitons également que la refondation permette des évolutions pédagogiques. Avec les PEDT et la réforme des rythmes, le champ des possibles vers une réforme des pratiques est ouvert : alors, soyons audacieux ! Ouvrons l'école sur l'extérieur, renforçons les projets co-élaborés, inventons de nouveaux emplois du temps pour faire vivre les projets collectifs ! La démarche existe déjà : je pense au collège Clisthène de Bordeaux, ou encore à la ville de Brest, où l'innovation pédagogique a déjà fait ses preuves. La nouveauté doit résider dans l'affirmation de ce droit à l'innovation et à l'expérimentation, et dans notre volonté de le généraliser pour que ce ne soient pas quelques-uns qui profitent de ces initiatives, mais le plus grand nombre.
Nous souhaitons aussi une gouvernance plus ouverte et collaborative. Il s'agit notamment de donner plus de place aux élèves et à leurs familles. Il est d'ailleurs grand temps de considérer les élèves comme des acteurs à part entière de leur parcours, qu'il s'agisse de leur orientation ou de leur participation à la vie scolaire et périscolaire. Leur évaluation devrait, elle aussi, mieux les impliquer. L'école ne doit pas être le lieu d'apprentissage de la compétition : c'est donc la totalité du système d'évaluation qu'il convient de revoir, du CP jusqu'au bac, sans oublier le système de notation à réviser lui aussi en profondeur. Il faudra s'intéresser un peu plus aux compétences des élèves, à leurs capacités réflexives, et les évaluer sur des projets personnels et collectifs de long terme. L'engagement des jeunes dans la vie de l'établissement ou des projets citoyens, associatifs, sportifs, culturels pourraient alors aussi faire partie de cette évaluation rénovée.
J'ajoute que l'école fondamentale que nous appelons de nos voeux doit mettre en cohérence le primaire et le secondaire pour scolariser les enfants jusqu'à seize ans sans sélection ni orientation. À ce titre, le conseil école-collège aura un rôle essentiel à jouer.
Je souhaite également rappeler la nécessité d'aller plus loin en ce qui concerne la scolarisation des élèves handicapés. Soyons, là aussi, ambitieux ! Les progrès à faire pour que l'école inclusive devienne une réalité sont grands. Nous devons être à la hauteur de cet enjeu.
Enfin, c'est par les enseignants que la refondation de l'école se fera. Si la revalorisation du statut des enseignants est à envisager au plus vite et sera, je l'espère, à l'ordre du jour des prochaines priorités gouvernementales, je souhaite m'arrêter quelques instants sur leur formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Tout d'abord, pour que les étudiants se consacrent pleinement à leur formation, les deux années de master devraient être dégagées de toute préparation au concours. En outre, il est nécessaire d'organiser un pré-recrutement digne de ce nom ; les contrats d'avenir professeur sont nécessaires mais ne sauraient être une réponse suffisante. Il convient aussi de diversifier davantage encore les voies d'accès au métier d'enseignant.
Sur le fond, les élèves professeurs doivent apprendre à apprendre : leur formation doit donc contenir des modules de pédagogie. Ils doivent aussi apprendre à travailler avec les autres acteurs de l'éducation, comme les parents, les animateurs, les auxiliaires de vie scolaire ou les structures associatives, pour ne citer que ces quelques exemples. Ils doivent également être formés à la scolarisation des enfants handicapés et, plus généralement, à la scolarisation des enfants en difficulté. Enfin, la formation continue doit être considérablement améliorée et renforcée.
Monsieur le ministre, madame la ministre, je vous le répète : voyez en nos nombreuses propositions, que je détaillerai lors des débats, des signes de soutien ayant vocation à donner encore un peu plus à cette refondation toute l'ambition qu'elle nécessite. C'est ainsi que nous redonnerons confiance à notre jeunesse et que l'école de la République représentera à nouveau une promesse réaliste et crédible. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)