Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'école, pilier de la République, ne réduit plus les inégalités. Elle aurait même tendance à les accentuer.
En effet, notre école est connue pour favoriser les bons élèves. Elle ne prévoit pas grand-chose pour ceux qui se positionnent en fin de classement, ni pour ceux à qui la méthode d'apprentissage scolaire traditionnelle ne convient pas. Sur ce point, je souhaite insister ici sur un certain nombre d'amendements que le groupe RRDP a déposés et qui concernent notamment le cas des élèves intellectuellement précoces. Paradoxalement, les deux tiers de ces enfants sont en échec scolaire. La République n'a pas le droit de laisser tomber ces pépites : le personnel enseignant et non enseignant doit être formé à cette problématique pour participer à la réussite scolaire de ces enfants.
Les inégalités se cristallisent très tôt. Les retards accumulés à l'école primaire ne se rattrapent pas au collège, et encore moins au lycée. À la sortie de l'école primaire, un quart des élèves ont des acquis fragiles et 15 % sont déjà en décrochage. De plus, l'écart se creuse entre les élèves en difficulté de plus en plus nombreux et entre ceux qui s'en sortent.
En outre-mer, malgré une amélioration constante ces dernières années, les taux de redoublement dans les écoles primaires publiques sont encore supérieurs à ceux des écoles de France métropolitaine, notamment pour les niveaux de CP et de CM2. Nous notons aussi que l'origine sociale des élèves dans les départements d'outre-mer est très différente de celle observée en France métropolitaine : plus d'un tiers des élèves – contre 6,6 % en France métropolitaine – sont issus de familles dont le responsable est inactif. L'évaluation des compétences en lecture de l'ensemble des jeunes âgés de dix-sept ans effectuée lors de la journée d'appel de préparation à la défense en 2009 a montré que les proportions de lecteurs présentant de grandes difficultés s'élèvent à plus de 15 % outre-mer et atteignent même 25 % en Guyane, contre 5 % en moyenne nationale.
J'attends donc beaucoup de ce projet de loi sur la refondation de l'école de la République. Il faudra au moins une refondation pour que l'école respecte enfin pleinement l'engagement républicain d'assurer à chaque élève, à travers la formation scolaire, la transmission des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires au plein exercice de la citoyenneté dans la société de l'information et de la communication.
De multiples rapports montrent en effet que, bien avant l'entrée au collège, le décrochage des élèves en difficulté est souvent irréversible. Le collège ne permet pas de rattraper ces élèves. Pire, l'orientation qui y est pratiquée est souvent la conséquence d'un tri par défaut, dont le classement s'établit dès l'école primaire.
Le collège doit conduire tous les élèves à la maîtrise d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il faudra donc veiller à ce que disparaissent les filières ségrégatives qui servent surtout à se débarrasser des élèves en difficulté. Faute de trouver dans le système une voie vers l'épanouissement professionnel et citoyen, certains élèves en situation de décrochage scolaire perdent confiance dans cette institution censée les accueillir. Parfois, cette même institution leur fait comprendre qu'ils n'y ont pas toute leur place.
L'échec – jusqu'ici – du collège unique ne doit pas conduire à abandonner cette idée, mais à accorder plus de place à des expérimentations encadrées. Ces expérimentations doivent être les fruits, sur le terrain, à la fois d'un travail concerté entre parents et professionnels de l'éducation et d'un dialogue plus large entre les acteurs de l'école et la société. L'esprit de ce projet de loi semble permettre, ou du moins envisager de telles expérimentations : je serai vigilant sur leur mise en oeuvre.
La refondation de l'école doit passer par la mise en place d'un dialogue effectif, impliquant aux cotés de tous les acteurs de l'éducation, sans discrimination, tous les parents, y compris – il faut insister sur ce point – ceux qui se trouvent en situation sociale défavorable.
C'est pourquoi j'ai érigé l'égalité des chances comme fondement de mon action politique. Dans ma commune, nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour accompagner les familles, dont un conseil pour les droits et devoirs des familles qui associe l'ensemble des acteurs : chefs d'établissements scolaires, principaux de collèges, directeurs de centres de formation, police municipale, élus, travailleurs sociaux, associations. Il s'agit de mettre en oeuvre des mesures d'aide adaptées aux besoins des familles afin de soutenir la fonction parentale, de prévenir et de lutter contre l'absentéisme ou la rupture scolaire, ainsi que de prévenir et de protéger les mineurs des dérives de la délinquance.
Le CDDF constitue un cadre de dialogue et non de répression : le maire peut, sans formalisme particulier, entendre les parents, leur rappeler leurs devoirs et obligations liés à l'éducation de leurs enfants, étudier avec les familles les raisons de l'absentéisme scolaire et envisager avec elles des solutions concrètes garantissant le retour des enfants à l'école. Depuis sa mise en place en 2010, nous avons ainsi accompagné 340 familles. Grâce au réseau partenarial mis en place et à l'implication des chefs d'établissements scolaires, c'est plus d'une dizaine d'enfants ou jeunes décrocheurs qui ont réintégré leur parcours scolaire.
Parallèlement à l'accompagnement individualisé et personnalisé des familles, des actions dites collectives sont mises en place : la formation parentale, l'extension d'un point « info famille », l'organisation de clubs de parents dans l'enceinte des établissements scolaires du premier degré, la création d'une unité d'écoute pour jeunes en difficulté et des espaces d'échanges sur la parentalité et la relation parent-enfant. Nous prévoyons également une action de lutte contre l'illettrisme en direction des parents en difficulté pour leur permettre le suivi scolaire de leurs enfants.
Au-delà du CDDF, d'autres actions sont menées, comme l'intégration des jeunes dans la vie scolaire dès le plus jeune âge ou l'organisation de challenges à l'école primaire et au collège comme outil de motivation. Ces dispositifs ont contribué à diminuer considérablement le décrochage et l'absentéisme, si bien que le collège Maurice Satineau a affiché un taux de réussite de plus de 88 % en 2012, contre 70 % en 2009.
J'ai donc beaucoup d'espoir dans le projet de refondation de l'école présenté par le Gouvernement, et je soutiendrai toute initiative qui cherchera à placer l'élève au coeur de la politique nationale d'éducation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)