Le président de l'AFITF n'est pas le ministre des transports. En effet, il n'a pas pour mission, vocation ou compétence de choisir des politiques ou des projets à la place du Gouvernement ou du Parlement, et ce serait une très mauvaise idée qu'il en aille autrement. Je m'exprimerai donc essentiellement à titre personnel plutôt qu'en tant que membre du conseil d'administration de l'AFITF.
Je remercie M. Jean-Yves Caullet pour ses propos et la confiance qu'il me porte ainsi, d'ailleurs, que le groupe SRC. L'AFITF joue en effet un rôle essentiel.
Comme la Cour des Comptes mais aussi les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, M. Guillaume Chevrollier, nous pourrions en effet affirmer qu'il convient de revenir à l'orthodoxie budgétaire, de respecter le principe d'universalité budgétaire et de bannir les recettes affectées qui pourraient nuire à la lisibilité ou à la consolidation des comptes de l'État. Mais si l'on procède ainsi, l'AFITF connaîtra le sort du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables – FITTVN –, du Fonds spécial des grands travaux – FSGT – et de tous les fonds dédiés à des politiques publiques ambitieuses. Nous nous retrouverions alors dans la situation de la fin des années 80 et du début des années 90 où un certain nombre de grands projets publics manquaient de financement. L'AFITF ne « détourne » évidemment pas des fonds : elle les sanctuarise pour les dédier aux politiques publiques décidées par les gouvernements et le Parlement.
L'AFITF, M. François-Michel Lambert, dispose de plusieurs modes d'intervention : des fonds de concours pour financer des politiques d'État gérées par l'État – contrats de projets et de plans –, la concession, mode de délégation déjà ancien mais toujours solide et efficace, les PPP, plus récents et fortement encouragés par la Commission européenne. Les Britanniques ont en l'occurrence expérimenté ces derniers avant nous, quoique après les travaux de la mission d'appui présidée par Noël de Saint-Pulgent, et ceux de l'Institut de la gestion déléguée – IGD – présidé par Claude Martinand, nous les ayons normés d'une manière un peu différente dans le cadre des contrats de partenariats. Faut-il se défaire des PPP ? Je n'en suis pas convaincu car ils conservent leur pertinence.
Observons la situation des infrastructures ferroviaires et ce qui nous menace avec les infrastructures routières, soit un défaut de maintenance entraînant le délitement voire la mise en danger de l'infrastructure. M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, a été contraint de faire réaliser un audit des infrastructures ferroviaires par l'École polytechnique de Lausanne qui a montré que, faute d'une intervention rapide et massive de l'État, un tiers du réseau ferroviaire français était en danger. Sur le réseau routier non concédé, et donc demeurant dans le giron de l'État, nous constatons là aussi depuis deux ou trois ans une véritable dégradation. J'ajoute que la situation est la même pour le patrimoine de la justice et dans bien d'autres secteurs. Si l'État est capable d'investir, il éprouve en revanche beaucoup plus de difficultés pour maintenir. Or, les PPP permettent non seulement de construire – souvent au meilleur coût –, mais de faire en sorte que pendant vingt ou trente ans les infrastructures soient maintenues au bon niveau par des remises en état si nécessaire. Il convient donc, aujourd'hui, de les évaluer. Peut-être serait-il également opportun de bâtir d'autres formes de partenariats en utilisant une ressource différente de celle que nous quêtons sur les marchés financiers et qui permettrait, elle aussi, de favoriser à la fois la construction et la maintenance.
M. Denis Baupin, M. Claude de Ganay, je considère que la grande vitesse ne répond pas à l'ensemble des problèmes qui se posent. Dans la région de Haute Normandie, d'aucuns ont réclamé des LGV pour se rendre au Havre ou à Caen. Le groupe de travail mis en place par le Gouvernement et présidé par M. Jean-Pierre Duport, a proposé de créer une ligne nouvelle Paris-Normandie qui n'en fait pas partie puisque les trains ne circuleraient pas au-delà de 250 kilomètresheure. La grande vitesse n'aurait de surcroît aucun sens sur des distances inférieures à 300 kilomètres. Depuis deux ans, l'Allemagne développe également des offres différentes de celles, rapides, de l'Intercity Express – ICE – et a passé commande à Siemens de 300 rames ICx de trains qui roulent entre 220 et 250 kilomètresheure. La réponse que nous devons quant à nous apporter doit être fonction des distances, des bassins de population à desservir et de bien d'autres critères encore. À ce propos, il me semblerait utile que l'AFITF ou le Gouvernement mènent des études afin d'évaluer les réponses faites aux légitimes besoins des territoires. En ce qui me concerne, j'ai lancé une étude avec TDIE il y a quelques mois sur la pertinence de la grande vitesse. Nous rendrons publics les résultats au mois de septembre, mais je peux d'ores et déjà vous dire qu'il n'existe pas de réponse univoque.
S'agissant, plus précisément, du POCL, je rappelle que le débat public a eu lieu et que les études ont commencé. Nous constatons en effet que la ligne Paris-Lyon arrive à saturation puisque l'on est très rapidement passé de 6 à 20 millions de voyageurs et que les prospectives font état d'un doublement de la fréquentation. Parce que le corridor actuellement en exploitation ne permettra pas de satisfaire pareille demande, sociale et économique, le dédoublement de la ligne sera vraisemblablement nécessaire, d'où la pertinence du POCL.
Les pouvoirs publics sont tentés de promouvoir d'ambitieux programmes. Souvenons-nous des annonces contenues dans la première loi d'orientation et d'aménagement du territoire, dite loi « Pasqua ». Selon Charles Pasqua, tous les territoires devaient être à vingt-cinq minutes d'un échangeur autoroutier et à moins d'une heure d'une gare TGV. Or, face aux coûts engagés, il est vite apparu qu'aucune réalisation n'était possible à l'horizon d'une vie humaine puisqu'il fallait quatre-vingt-dix ans pour résoudre le problème routier et trois siècles pour régler celui du ferroviaire. Le CIADT de 2003, de ce point de vue-là, a constitué un progrès : outre un meilleur discernement des projets, ces derniers ont été crédibilisés par des recettes affectées.
M. Gilles Savary, le SNIT a demandé beaucoup de travail. Il n'est pas encore complètement achevé puisque les évaluations n'ont pas été rendues publiques, mais il a récapitulé l'ensemble des besoins connus de tous les territoires. Ces derniers ne pourront pas être intégralement satisfaits à court ou moyen terme, mais il reviendra au pouvoir politique d'établir des priorités qui leur sont essentielles ainsi qu'à la population et à l'économie nationale. Si aucun projet n'est en soi illégitime, tous ne sont évidemment pas réalisables.
Le projet de canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe constitue un grand projet dont les études sont également très avancées. Il appartiendra aux pouvoirs publics de décider s'ils peuvent ou s'ils veulent le réaliser dans les mois à venir puisque, en théorie, il serait possible de signer les contrats de PPP avant la fin de l'année. L'AFITF, quant à elle, se satisfera des solutions choisies par le Gouvernement.
S'agissant de la mobilité, l'AFITF finance les deux premiers appels à projet de transports en commun en site propre. Un troisième est envisagé mais, là encore, il appartiendra au Gouvernement de dire quand et comment il pourra être réalisé. Quoi qu'il en soit, tous sont nécessaires afin que les usagers, en milieu urbain, privilégient les transports collectifs.
S'agissant des zones périurbaines et rurales, nous savons fort bien qu'il sera très difficile d'inciter les usagers à privilégier les transports en commun compte tenu de la faible densité de certains territoires et aussi des coûts. Sans doute conviendra-t-il de rechercher d'autres solutions, notamment avec les véhicules décarbonés.
M. François-Michel Lambert, la modernisation de l'AFITF peut en effet fort bien passer par la création de France Infrastructures, appellation qui aurait d'ailleurs le mérite de ne pas la faire confondre avec une institution de régulation des marchés financiers !