Intervention de Frédéric Reiss

Séance en hémicycle du 11 mars 2013 à 16h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Qui plus est, ce socle est commun : il est fondé sur le partage de références et de valeurs communes dans une période où les facteurs de division sont légion et où la différence à la naissance tend à primer la volonté d'un destin commun.

Voilà donc bien un facteur de cohésion nationale, car le socle vise non seulement à combattre l'échec scolaire mais aussi à permettre la poursuite d'études. Avec le socle commun, la nation voit haut et loin : haut pour l'avenir professionnel et loin pour la réussite de la vie en société.

L'article 7 du projet confirme, selon moi, cette ambition, avec l'adjonction de la culture que le rapporteur et Martine Faure ont présentée comme incontournable : soit. Nous restons toutefois sur notre faim : les modalités du socle seront précisées par décret et son contenu comme son articulation avec les programmes seront au menu du nouveau Conseil supérieur des programmes.

Au-delà des trois piliers sur lesquels repose la refondation, qu'ont largement exposés M. le ministre et M. le rapporteur, où sont les innovations de ce projet de loi, celles qui doivent permettre à nos élèves de progresser et de choisir librement leur orientation au cours de leur scolarité ; celles qui doivent contribuer à réduire le nombre de décrocheurs ; celles qui doivent prendre en compte les aptitudes et les aspirations des élèves et de leurs familles ? Monsieur le ministre, je dois vous dire que je n'en ai pas trouvé beaucoup !

S'agit-il de la volonté de scolariser davantage d'enfants de deux ans, clairement affichée dans le rapport annexé ? La rédaction de l'article 5, même améliorée en commission, n'apporte rien de plus que l'ancien article L.113-1. Les avis sont en outre loin d'être unanimes sur ce sujet.

S'agit-il de la création d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, qui rappellent à s'y méprendre les IUFM pourtant décriés avant la mastérisation et leur intégration à l'université ? Je n'ai pas trouvé de réponse à la nécessité de développer des liens entre recherche et éducation. Une formation initiale en alternance avec un tutorat des jeunes professeurs par des professeurs expérimentés garantirait une véritable professionnalisation du métier d'enseignant. Les perspectives d'évolution de carrière, la revalorisation salariale initiée durant le quinquennat précédant et la réforme du statut des enseignants sont dans une impasse. L'attente est pourtant grande en ce domaine !

S'agit-il de la réaffirmation du collège unique, à structure cylindrique, dont chacun sait pourtant qu'il est un échec ? La suppression du dispositif d'initiation aux métiers en alternance, le DIMA, et des acquis de la loi Cherpion à l'article 38 est une grave erreur, car l'alternance pour des collégiens de quatrième et troisième qui se destinent à l'enseignement professionnel constituait un réel progrès. L'excellence du travail de la main permet de valoriser la scolarité de ces élèves dont certains se réconcilient avec l'école, deviennent de très bons artisans ou alors continuent leurs études. L'image des filières professionnelles n'en serait que bonifiée.

S'agit-il de la fin des cycles Jospin datant de 1989 ? La liaison entre le CM2 et la sixième, déjà inscrite dans la réforme Haby de 1975, va prendre, semble-t-il, une nouvelle dimension. Mais ne serait-ce pas là un rapprochement incantatoire ? On peut d'autant plus se le demander que les écoles du socle commun, expérimentées dans certaines académies, donnent des résultats tangibles notamment dans des secteurs dotés de programmes « écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite » dits ECLAIR.

Je ne suis pas favorable à la suppression du cycle des apprentissages fondamentaux qui regroupait la grande section de maternelle et le CP. Avec votre projet, l'école maternelle que le monde entier nous envie – vous l'avez encore souligné tout à l'heure – risque de se recroqueviller sur elle-même !

S'agit-il de la réforme des examens du brevet et du baccalauréat ? Le projet est très vague sur le sujet : là encore, des décrets devront préciser les modalités à travers l'organisation et le fonctionnement du Conseil national d'évaluation du système éducatif. Pourtant, avec le raccourcissement des vacances d'été à six semaines et le partage de la France en deux zones, il faudra bien une nouvelle organisation du baccalauréat. Gardera-t-il sa spécificité de sésame vers l'enseignement supérieur ? À quoi sert aujourd'hui le bac ? Faudra-t-il le réinventer ? Votre projet est muet sur la question.

S'agit-il de votre volonté de placer le ministère de l'éducation nationale au centre du système éducatif ? Ce n'est plus l'élève qui est au centre du système, comme le voulait Célestin Freinet, mais bien le ministre… Où sera l'indépendance ? Où sera la transparence ? Le Haut conseil de l'éducation, dont les membres ne sont pas désignés par le ministre de l'éducation, a produit des rapports pertinents qui, grâce à une approche différenciée, complétaient judicieusement les rapports de la Cour des comptes.

Si l'on considère le mode de désignation des membres du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national de l'évaluation du système éducatif, ainsi que le nombre de décrets prévus dans ce projet de loi, l'on en déduit que la France aura besoin d'un hyper-ministre de l'éducation nationale.

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