Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en faisant de l'éducation l'une des grandes priorités de son quinquennat, le Président de la République va à la rencontre de l'une des préoccupations majeures des familles et se présente à l'un des carrefours décisifs de la société tout entière. L'école est le lieu de toutes les attentes et de toutes les espérances. Elle est aussi le reflet du monde dans lequel nous vivons.
L'école va mal. Alors que, pendant de longues années, l'égalité des chances a été le viatique de l'éducation, les études nationales et internationales convergent pour montrer à quel point les déterminismes sociaux et territoriaux se sont alourdis dans le système éducatif français. Loin de les résorber, l'école renforce désormais les inégalités. Dans un article récent, un historien de l'éducation, Antoine Prost, notait que la baisse du niveau scolaire se constate quelles que soient les compétences et que le recul n'épargne que les enfants des cadres supérieurs et des professions intellectuelles, dont les enseignants. Parce que nous refusons de voir ainsi s'éloigner la promesse républicaine, nous participons bien volontiers à cette refondation de l'école que l'on nous propose.
À vrai dire nous l'attendions, avec le sentiment d'une grande urgence. L'ampleur des retards dont souffre l'académie de La Réunion est elle-même un plaidoyer en faveur de cette refondation. Ces retards donnent d'ailleurs la mesure du chemin à parcourir, ne serait-ce qu'au regard des objectifs pédagogiques que la nation fixe à l'école dans ce texte.
Ainsi, pour arriver à ce que tous les élèves maîtrisent les compétences de base en français et en mathématiques, les efforts devront être plus importants. À la fin du CE1, le retard des petits Réunionnais est déjà, en effet, de 10 points supérieur à la moyenne nationale. À la fin du CM2, nous partons encore de plus loin.
De la même façon, diminuer de moitié la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification demandera un effort soutenu, puisqu'elle est chez nous deux fois supérieure à la moyenne, et que notre académie est classée à l'avant-dernière place.
Plus qu'ailleurs sans doute, les limites du système éducatif apparaissent très vite dès le premier cycle et se renforcent de classe en classe. C'est pourquoi il est capital de donner la priorité au primaire pour notre académie. Consolider ce socle, répondre aux difficultés avant qu'elles ne se figent et ne deviennent insurmontables, voilà les meilleurs moyens pour lutter contre l'échec scolaire. Toutes les mesures qui y concourent sont les bienvenues : l'accueil des moins de trois ans, le dispositif « plus de maîtres que de classes », mais aussi la prise en compte véritable de la réalité linguistique des enfants. Rappelons que le créole réunionnais est la langue régionale la plus utilisée.
Un indicateur doit encore nous alerter, celui qui mesure l'illettrisme. Non seulement il augmente, mais il concerne aussi de plus en plus de jeunes. J'en ai d'ailleurs parlé ici récemment, aussi ne m'y attarderai-je pas, sauf pour proposer à nouveau la mise en place d'un recteur chargé spécifiquement de lutter contre ce fléau.
Un autre aspect important de la refondation porte sur la formation initiale des enseignants, avec notamment la création, au sein des universités, des écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Au programme de ces nouvelles ESPE figurera, bien sûr, la question pédagogique. Il est pourtant souhaitable qu'on ne se limite pas à cela. Car ce jeune stagiaire n'est pas destiné à devenir seulement un transmetteur de savoir. Cet enseignant sera aussi, comme le disait François Mauriac, un institutor, un maître qui aidera chaque élève à instituer l'humanité en lui.
Il est aujourd'hui courant de parler de 1'« effet maître » pour évoquer l'influence des enseignants sur la qualité du travail scolaire. Nous retrouvons là un peu de la fameuse formule d'Aristote qui définit l'enseignement comme « l'acte commun du maître et de l'élève ». Cette formule est au fondement même de l'institution scolaire. Nous devons la faire vivre en l'actualisant et la réactualisant constamment. Loin de la périmer, le caractère technique de la société moderne et l'importance croissante du numérique dans l'enseignement la font plus précieuse que jamais.
En conclusion, j'aborderai deux points.
Ce projet de loi ambitieux et exigeant n'aborde certes pas tous les aspects de l'enseignement, mais il en trace les grandes directions. Nous aurions aimé qu'il mentionne un enseignement particulièrement tourné vers l'avenir, celui des métiers de la mer et des océans.
Le deuxième point concerne les difficultés que soulève, à La Réunion, l'affectation des enseignants issus des concours. Nous constatons que, tous les ans, de jeunes enseignants réunionnais sont affectés dans des académies de l'hexagone alors que des postes vacants existent dans leurs disciplines à La Réunion. Outre les difficultés ordinaires des premières années d'enseignement, ces jeunes doivent affronter celles de l'éloignement et des complications familiales qu'elles comportent. Cette question est importante, nous souhaitons qu'elle soit examinée attentivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)