Madame la présidente, monsieur le ministre, l'école n'est ni une formule magique, ni une place forte. Elle est un projet, une construction. Elle s'élabore chaque jour, par chaque enseignant, par tous les acteurs de l'éducation, et cette grande famille déborde largement des murs de l'institution. Parce que l'école, chacun le sait, c'est l'affaire de chaque famille et de chaque citoyen.
L'école est la fabrique du savoir et des valeurs. Elle se loge au creux de l'espérance républicaine. Elle a toujours été le creuset de l'égalité des chances et l'espace de l'expression des mérites et de toutes les excellences. Elle constitue la colonne vertébrale de notre pays et de notre identité nationale.
C'est un projet passionnant, potentiellement celui de toutes les innovations, mais c'est aussi un projet infiniment précaire. Elle est toujours à reprendre, à repenser, à recommencer, à reconstruire.
Et c'est cette fragilité intime, reliée à la vie qui va et aux métamorphoses du monde qui s'opèrent, qui suscite aussi tant de réformes, le plus souvent portées d'ailleurs par les meilleures intentions.
L'école n'a pas à suivre les modes, la pensée commune, les poncifs du moment ou les revendications catégorielles de circonstance. Elle doit à tout prix s'en extraire, car son temps n'est pas celui de l'époque, du zapping permanent : son temps est celui d'une génération.
L'école pour nous est une conquête. Elle se construit dès les premières années de la vie. Or, cette conquête est de plus en plus difficile pour une large part de nos concitoyens. L'échec est considérable, on l'a dit. Pour moi, deux chiffres l'indiquent de manière quelque peu effrayante. Les clés de l'insertion dans notre société, les clés de la compréhension du monde ne sont pas offertes à 20 % de nos concitoyens : ce sont les chiffres du programme international de recherche sur la lecture scolaire qui témoignent qu'à la fin du CM1, au terme de la quatrième année de scolarité obligatoire, nous sommes en deçà de la moyenne européenne. Et ces jeunes élèves sont bientôt de jeunes adultes et ces jeunes adultes, hélas, vont porter le même handicap tout au long de leur vie. Lorsque nous disposons des chiffres des journées de défense et de citoyenneté, anciennes JAPD, on s'aperçoit qu'on a là aussi 20 % de lecteurs inefficaces, avec une régression constatée, de plus en plus forte, sur la compréhension des textes informatiques.
Enfin, pour en terminer sur ces citoyens de notre pays qui ne disposent pas des clés d'accès au monde, les tests PISA montrent que notre système éducatif grippe l'ascenseur social dès l'enfance, dès l'école. Là où on doit rétablir l'égalité des chances, qui est la promesse républicaine originelle, on conforte les inégalités sociales.
Face à un tel désastre, nous aurions dû à mon sens aborder les choses avec humilité, d'abord parce qu'au cours des trente dernières années un certain nombre de personnalités, de droite comme de gauche, ont exercé des responsabilités dans ce domaine et que l'école d'aujourd'hui est le résultat de ce qu'on fait celles et ceux qui ont eu la majorité au cours de la Ve République. Humilité aussi parce que les deux précédentes réformes d'importance, celle de 1989 dite « loi Jospin » et celle de 2005 dite « loi Fillon », qui apportaient des modifications fondamentales comme la création des cycles en 1989 ou la création du socle de compétences, qu'en reste-t-il ? Sur les cycles, c'est le directeur général de l'enseignement scolaire qui le dit en audition, « nous ne parvenons pas à faire en sorte qu'ils soient appliqués, nous avons besoin de conseil, d'accompagnement et de formation pour les enseignants ». Cette année, c'est le rapporteur qui le disait, le socle n'est toujours pas entré en application.
Oui, humilité devant ce qui s'est passé ces trente dernières années, sur deux aspects fondamentaux dont on constate qu'ils ne sont toujours pas appliqués.
Alors, monsieur le ministre, j'en suis à quatre minutes quarante-quatre et je n'aurai pas le temps de développer…