Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque ministre de l'éducation nationale, M. Peillon veut laisser sa trace en donnant son nom à une loi. Souvenons-nous qu'à ce jeu de l'ambition, les derniers ministres socialistes dont les noms sont restés dans les mémoires étaient M. Savary et M. Allègre.
La refondation inscrite dans le programme de François Hollande s'est trouvée éclipsée, ces dernières semaines, par la très polémique réforme des rythmes scolaires combattue par les enseignants, notamment à Paris. Et pour cause : le projet de loi que nous allons examiner est avant tout un droit à l'état gazeux : beaucoup de déclarations d'intention, d'incantations, mais relativement peu de mesures concrètes.
Ensuite, il faut, bien sûr, se mettre les enseignants dans la poche – ou plus exactement les syndicats d'enseignants – en créant 60 000 postes supplémentaires, à rebours de l'effort national de maîtrise des dépenses publiques. En vérité, le problème n'est pas tant le nombre de professeurs que la répartition du travail et ce que vous exigez d'eux par la multiplication des formations, des matières à dispenser et des suivis personnalisés.
Parmi le peu de mesures concrètes figurant dans le projet de loi, il est permis de s'interroger sur la pertinence de l'introduction de l'anglais dès le primaire quand nos élèves ont déjà du mal à acquérir une bonne maîtrise orale, écrite et parlée du français. Le problème n'est pas tant la précocité de l'enseignement que sa méthode et le nombre d'heures qui lui sont consacrées. À titre personnel, je me souviens des deux heures d'anglais par semaine dont je bénéficiais au lycée, deux heures largement axées sur l'écrit, en particulier sur l'anglais littéraire, ce qui n'était certainement pas une bonne solution. De même, si la scolarisation des enfants dès deux ans permet de décharger un peu plus les parents actifs, on ne peut ignorer le coût qui s'ensuivra et viendra encore alourdir le premier budget de l'État.
Parmi les mesures prévues par le projet de loi, j'en remarque une, particulièrement symbolique, celle du retour de la morale dite laïque à l'école. L'éducation civique devient ainsi l'enseignement moral et civique. Mais de quelle morale s'agit-il ? De celle qui veut que l'on respecte les enseignants ? De celle qui invite à respecter le pays qui vous fournit une éducation gratuite, ses symboles, son drapeau et ses représentants ? De celle qui veut que l'on privilégie le travail, le mérite, la loi et le respect de l'autre ? Rien n'est moins sûr.
La morale que la gauche veut voir professer à l'école, c'est celle qui fera, comme l'indique l'étude d'impact, « des citoyens éclairés porteur de valeurs (...) comme la primauté de la raison et le refus des dogmes ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)