Qui, mieux que l'école, peut aujourd'hui renforcer ce modèle interpellé par l'histoire contemporaine ? Qui, mieux que cette institution, pourra demain redonner foi en l'avenir à notre pays ?
Bien évidemment, les failles de notre modèle n'ont pas épargné l'école. Ces dernières années, notamment, ont accentué ce sentiment de déclassement de l'institution et de celles et ceux qui la font vivre. Plus profondément, la difficulté est réelle d'allier massification de l'enseignement, méritocratie républicaine et égalité des chances. La sortie sans diplôme du système éducatif de 150 000 jeunes par an, le doublement du nombre d'élèves en difficulté de lecture, l'apparition de difficultés chez les élèves dès le cours préparatoire sont des signaux d'alerte puissants qui ne pouvaient qu'amener à une réaction, adaptée à la fois à la situation et aux attentes. Toutefois, même si les faits appelaient une refondation, il faut saluer ici le choix de François Hollande d'avoir imposé cette réforme comme thème majeur de sa campagne et la volonté du Gouvernement d'engager sa mise en oeuvre dans les conditions que l'on connaît, c'est-à-dire difficiles, dès le début de la législature.
Retracer les contours d'un grand dessein national en redonnant de la valeur à l'école et en montrant le chemin aux futures générations imposait d'agir au plus tôt, là où naissent les inégalités pour ne cesser ensuite de s'accroître. En décidant d'agir au niveau de l'école élémentaire, le Gouvernement n'a pas seulement fait le choix de s'attaquer aux inégalités à la racine. Il a également inscrit son action en référence à la « communale », c'est-à-dire au lieu emblématique, symbolique, de l'école pour tous, de l'école qui construit l'individu autant que le citoyen, le citoyen autant que le producteur.
Il assume également – nous la retrouvons dans le texte – la démarche jaurésienne qui lie la question éducative à la question sociale. À l'heure où rien ne semble avoir de sens, ces choix sont au contraire porteurs d'espoir.
Bien sûr, personne ici ne nie les difficultés à réformer. En matière d'éducation, des conservatismes multiples oeuvreront, directement ou indirectement, pour ne rien faire évoluer. L'intérêt de l'enfant sera parfois relégué au second plan, peut-être même pour des questions de confort. La refondation ne pourra se faire et ne se fera qu'avec l'ensemble des personnels enseignants. Leurs attentes sont fortes, eux qui sont passés du statut de « hussards noirs de la République » à celui de « fonctionnaires à la sécurité de l'emploi assurée et aux vacances fréquentes et longues ». Les difficultés territoriales sont là également, et c'est la raison même de la présentation de ce texte.
Pour surmonter toutes ces difficultés, il faudra s'appuyer sur les conclusions des débats que les parlementaires engagent aujourd'hui, mais également et surtout mobiliser l'ensemble des acteurs qui oeuvreront concrètement à la mise en place de la refondation : l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, bien sûr, en commençant par les professeurs et les chefs d'établissements, qui en sont la base incontournable, mais aussi les parents d'élèves, les élus locaux, les associations, et bien d'autres encore. Ce ne sera pas toujours facile ; des visions ou des objectifs pourront même s'avérer divergents. Mais le cap fixé est suffisamment mobilisateur pour permettre à tous de sauter le pas, de faire l'effort pour arriver à donner vie à cette réforme.
Pierre Mendès France écrivait justement : « L'heure est venue de consacrer notre capacité d'invention, d'imagination, de talent, en même temps que le maximum de ressources matérielles, pour préparer ce qui est le plus précieux que tout, l'enfant, qui est l'homme et le citoyen de demain. »
Cette loi, présentée et portée par M. le ministre Vincent Peillon, nous y invite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)