Malgré le respect que j'ai pour votre fonction et pour votre personne, j'ai envie de vous dire que votre projet de loi est un excellent catalogue de bonnes intentions, mais vous connaissez le dicton, que je ne vous citerai pas…
Je m'explique. Prenons par exemple l'article 38 : il supprime les dispositions de la loi Cherpion du 28 juillet 2011 qui a introduit le DIMA, le dispositif d'initiation aux métiers en alternance, pour les jeunes âgés de moins de quinze ans. L'objectif principal de cette loi était de faire entrer 800 000 jeunes en apprentissage – à nouveau, c'est un Alsacien qui vous en parle – ou en contrat de professionnalisation à l'horizon de 2015, avec un objectif à terme d'un million de jeunes concernés. Ce dispositif répondait à une vraie demande de diversification des parcours à partir de la classe de quatrième.
L'article susvisé, tout comme l'article 33, est étroitement corrélé à la réaffirmation du principe du collège unique ; vous n'en démordez pas, monsieur le ministre.
Le philosophe anglais John Stuart Mill dénonçait déjà au XIXème siècle ce danger d'uniformisation : « Une éducation générale et étatisée n'est qu'un appareil à façonner les gens pour qu'ils soient exactement semblables entre eux ; et le moule utilisé est celui qui plaît aux pouvoirs prépondérants dans le gouvernement, […] et, dans la mesure où l'appareil est efficace et où il est réussi, il établit un despotisme sur les esprits qui, par une pente naturelle, conduit à un despotisme sur les corps. » C'est une pensée à méditer.
Permettez à l'ancien principal de collège en zone d'éducation prioritaire que je suis de réaffirmer combien il est important – et vous le dites, d'ailleurs – de prendre en compte la diversité des élèves, les origines sociales et géographiques, d'accorder une autonomie suffisante aux établissements et, surtout, de faire confiance aux enseignants.
Sincèrement, monsieur le ministre, je ne suis pas convaincu que votre projet de loi aille totalement dans ce sens, ou en tout cas que vous ayez les moyens de mener votre projet à son terme.
Vous avez fait le choix de créer 60 000 postes d'enseignants sur cinq ans, dont de nombreux emplois partiels, donc à titre précaire ; il faut quand même le dire. Comment allez-vous expliquer aux contribuables aujourd'hui les plus pénalisés, c'est-à-dire les classes moyennes, la manière dont vous allez financer tout cela ? Il y a en effet une grande zone d'ombre sur cette question.
Pour rappel – cela a déjà été dit tout à l'heure –, à la rentrée 2011, il y avait 550 000 élèves de moins qu'en 1990 pour 35 000 professeurs de plus. Voilà qui mérite tout de même, en cette période difficile que nous vivons, une petite réflexion. Monsieur le ministre, quand allez-vous cesser d'augmenter le nombre d'enseignants alors que celui des élèves stagne voire, ici ou là, continue de diminuer ? Vous préférez augmenter les effectifs et sacrifier ainsi le pouvoir d'achat de nos enseignants. Le gouvernement de François Fillon avait quant à lui fait le choix de ne remplacer qu'un enseignant sur deux partant à la retraite…