Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 24 juillet 2012 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut, député, Premier vice-président :

Je salue notre collègue membre de la commission du Développement durable de l'Assemblée nationale, M. Julien Aubert, qui est chargé, avec Christophe Bouillon, de rédiger un rapport sur la gestion des déchets radioactifs.

Je salue bien entendu également M. Jean-Luc Lépine, président de la CNEF, que nous sommes satisfaits de pouvoir entendre aujourd'hui pour la présentation de son premier rapport, très attendu et ce depuis fort longtemps. Avant de lui donner la parole, je vais faire un bref rappel sur les conditions de mise en place de la CNEF et aussi une mise au point, pour ne pas avoir à y revenir par la suite.

Je voudrais souligner d'abord que cette audition devrait contribuer à apporter un démenti à l'idée souvent considérée comme admise dans l'opinion publique, et chez tous ceux qui n'ont pas été amenés à creuser le sujet, que la gestion des déchets nucléaires reste une question non traitée. Cette idée est même parfois véhiculée par des personnes qui sont pourtant par ailleurs généralement bien informées. Cette idée fait fi des efforts accomplis par notre pays depuis 1990, sous l'impulsion de l'OPECST, pour définir un cadre de gestion qui constitue aujourd'hui une référence en Europe et dans le monde.

Sur le plan du financement des charges de long terme, qui incluent la gestion des déchets radioactifs et les démantèlements, l'autorité administrative responsable du premier niveau de contrôle est la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). La création de la CNEF, chargée d'un contrôle de second niveau, parachève en quelque sorte la construction de l'édifice. Car cette commission n'a de sens qu'une fois tous les autres éléments déjà en place.

Si le législateur a prévu, dans la loi de programme du 28 juin 2006, le principe d'une commission indépendante chargée d'évaluer les conditions du financement des charges de long terme de la filière nucléaire, ce n'est pas par hasard.

Cette disposition ne se trouvait pas dans le texte du projet de loi déposé par le Gouvernement en mars 2006. Elle résulte d'un amendement du député Claude Birraux, rapporteur de cette loi, longtemps membre de notre Office et qui en était d'ailleurs le président il y a encore quelques mois.

Comme l'a précisé M. Claude Birraux dans son amendement, sa proposition de création de la CNEF vise à garantir que les ressources nécessaires au financement des charges de long terme sont effectivement disponibles, sous forme non seulement de provisions, mais aussi d'actifs dédiés. Il avait en effet été frappé par l'exemple de la privatisation de British Energy qui avait révélé, malgré le contrôle public, la disparition des provisions pour les déchets et les démantèlements.

Le dispositif proposé par M. Claude Birraux pour assurer ce contrôle, ensuite devenu la loi, c'est-à-dire la création d'une commission formée d'experts indépendants, nommés par le Parlement et le Gouvernement, s'inspirait de celui mis en place, avec succès, en 1991, pour l'évaluation des recherches sur la gestion des matières et déchets radioactifs, avec la Commission nationale d'évaluation, plus connue sous l'acronyme CNE, qui constitue un aiguillon efficace et que nous auditionnons chaque année pour la présentation de son rapport.

M. Claude Birraux avait aussi prévu que la mise en oeuvre de cette mesure risquait de se trouver, malgré la volonté très claire du législateur, contrariée, ou du moins quelque peu retardée. C'est pourquoi il avait également veillé à fixer à deux ans l'échéance de publication du premier rapport de cette nouvelle commission. La suite des événements lui a donné raison, puisque nous nous retrouvons aujourd'hui pour la présentation de ce premier rapport, plus de six ans après la publication de la loi.

Depuis 2008, les membres de l'Office parlementaire ont pourtant appelé sans relâche le Gouvernement à accélérer l'installation de la CNEF, et encore l'année dernière, dans le cadre des deux rapports de l'OPECST sur l'évaluation du Plan national de gestion des matières et déchets radioactif (PNGMDR) et sur la sécurité nucléaire. Nous avions d'ailleurs entendu pour la première fois le président Lépine dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre des recommandations de ce dernier rapport, au mois de septembre 2011.

Même si je ne manquerai pas de faire quelques observations ensuite, je pense qu'il convient d'abord de féliciter son président de ce premier travail accompli par la CNEF.

Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'évaluer le contrôle effectué, et cette mission est parfaitement remplie : au terme de la lecture du rapport, on connaît mieux le dispositif sur lequel s'appuie ce contrôle de la constitution d'actifs, du point de vue institutionnel comme du point de vue des moyens mobilisés, et certaines faiblesses en sont soulignées en toute objectivité ; je retiens particulièrement la difficulté juridique à solliciter, depuis son rattachement à la Banque de France, le service compétent en matière d'expertise pour l'appréciation des risques financiers, ou encore le départ programmé de l'unique fonctionnaire, ici présent, qui a suivi jusqu'ici ce dossier à la DGEC.

Le rapport se termine, comme on pouvait le souhaiter, par un ensemble de recommandations visant à améliorer le dispositif, et c'est là un apport précieux s'agissant d'une situation toute nouvelle reposant sur des fondements conceptuels qui restent encore à rôder au contact des situations pratiques. L'idée, par exemple, de sortir le CEA du champ d'application du dispositif nous apparaît peu conforme à la volonté initiale de transparence du législateur, mais rappelle les particularités de la situation financière de l'établissement public par rapport aux exploitants privés. Je laisserai mes collègues discuter de cette recommandation tout à l'heure.

Dans son introduction, le rapport de la CNEF impute paradoxalement au Parlement le retard de sa mise en route, du fait du temps mis à nommer certaines personnalités qualifiées. Je ne puis donner mon accord à cette interprétation, puisque le décret du 20 juin 2008, qui est cité dans le rapport de la CNEF avec un contenu non exhaustif, mentionnait bien tout à la fois les quatre personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement et les quatre nommées, à l'époque, par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Par conséquent, rien ne s'opposait, à cette date, à l'installation de la CNEF, même si, le temps passant, il a bien fallu, par la suite, remplacer certains des membres initialement désignés, appelés à d'autres fonctions.

Aucune des explications successives données pour justifier ce délai d'installation de la CNEF ne nous ont convaincus, pas plus d'hypothétiques difficultés à dégager les ressources nécessaires à son secrétariat, que le manque de précision de la loi sur les modalités d'élection de son président, point qui relevait clairement du seul domaine réglementaire. Malheureusement, nous constatons fréquemment, en tant que parlementaires, indépendamment du gouvernement concerné, des insuffisances sur la mise en oeuvre réglementaire.

Ce premier rapport met une deuxième fois directement en cause le Parlement, cette fois concernant les difficultés rencontrées pour le réaliser. Je tiens à dissiper dès à présent ce second malentendu. D'une part, personne n'ignore qu'entre juin 2011, date de la première réunion de la commission, et aujourd'hui, les deux assemblées ont été renouvelées, tout comme les présidents des commissions parlementaires qui doivent être représentées au sein de la CNEF.

D'autre part, les présidents de commissions n'ont pas, dans l'esprit du législateur, vocation à intervenir dans l'écriture des rapports en lieu et place des huit personnalités qualifiées désignées à cette fin. Ils n'ont pas non plus à leur dicter un modus operandi pour organiser leur travail. D'ailleurs, je n'ai jamais entendu, dans les vingt années d'existence de la CNE, commission pourtant très proche de la CNEF par sa composition, ses membres réclamer au Parlement une aide quelconque pour la réalisation de leur rapport ou la façon d'organiser leurs travaux. Sur ce point, il faut au contraire que la CNEF puisse conserver toute liberté. A contrario, les représentants du Parlement seront bien entendu toujours à l'écoute pour fournir un appui à la commission si celle-ci venait à rencontrer des obstacles d'ordre institutionnel.

J'ai commencé en vous félicitant parce que vous posiez les bonnes questions, et j'ai levé deux malentendus. Je vais maintenant vous donner la parole pour présenter ce rapport.

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