Intervention de Christian Bataille

Réunion du 24 juillet 2012 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, député, Vice-président :

Je n'entrerai pas dans une polémique avec notre honorable collègue Denis Baupin, mais je tiens à marquer mon désaccord avec certaines affirmations. Lorsqu'il indique que les déchets radioactifs iraient à vau-l'eau, ou que l'on ne saurait qu'en faire, je me félicite que certains parlementaires puissent se trouver réélus plusieurs fois. En tant que mémoire, avec M. Jean-Yves Le Déaut, de notre Office, je rappellerais que la loi du 30 décembre 1991, aménagée en 2006, précise les modalités de gestion des déchets radioactifs. Nous pourrions y consacrer un long débat, en retracer l'histoire et en prouver l'actualité, puisqu'elle a servi dernièrement de modèle à la réglementation européenne.

Avec M. Lépine, nous essayons de discerner les contours du financement des charges de long terme, mais, en dépit de tous ses efforts, je dois reconnaître que la matière reste opaque à la plupart d'entre nous, et ce, pour une raison évidente : nous avons, avec M. Claude Birraux, institué la CNEF en 2006 et il a fallu attendre 2011 pour son installation. De ce fait, le rapport remis aujourd'hui est le fruit d'une unique année de travail. Pourquoi cette commission n'a-t-elle pas été installée plus tôt ? Sans doute en raison du poids et de la pression informelle de ce qui est pudiquement appelé « l'autorité administrative ». Nous trouvons-nous dans un pays sans parlement ni gouvernement, pour qu'une autorité administrative se trouve en position de décider quand une commission instituée par la loi pourra se réunir ? La difficulté à mettre en oeuvre cette disposition prouve bien qu'elle n'allait pas dans le sens souhaité. Au fond, EDF désirait conserver la mainmise sur ce dossier, au point de vue de ses implications techniques comme financières.

Au moment du vote de la loi de 2006, j'ai proposé à son rapporteur, Claude Birraux, la constitution d'un fonds dédié placé sous le contrôle de la Caisse des dépôts. Après avoir, dans un premier temps, acquiescé, Claude Birraux s'est rallié à la position de la majorité de l'époque qui estimait que ce fonds devait être, en quelque sorte, privatisé. Au départ, il s'agissait en effet de quasi-fonds publics, puisqu'EDF restait encore dans la lancée de son ancien statut d'entreprise nationale. Depuis que la privatisation d'EDF est effective, ces fonds sont désormais placés, pour leur plus grande part, sous le contrôle d'une société privée, qui réagit en tant que telle, et non pas du point de vue de l'intérêt public.

Il me semble qu'il y a là matière à réflexion pour la majorité récemment élue. Pour assurer plus de transparence, ne serait-il pas préférable de créer un fonds placé sous le contrôle des pouvoirs publics et dont la gestion serait confiée à la Caisse des dépôts ? Vous avez vous-même souligné des mouvements, avec RTE, qui démontrent que ces sommes ne sont plus véritablement sous contrôle public. Enfin, si nous sommes très satisfaits de vous entendre rapporter devant la représentation nationale, je crois qu'à l'avenir celle-ci doit avoir son mot à dire sur l'utilisation de ces sommes. Ainsi, les parties prenantes au futur centre de stockage débattent entre elles sur des estimations de coût qui vont du simple au double, sans que le Parlement n'ait jamais été informé à ce sujet par un rapport de l'ANDRA, l'organisme public en charge de la gestion des déchets radioactifs.

Sans remettre en cause le rôle de la CNEF, il faut désormais aller plus loin. Vous avez vous-même suggéré plusieurs évolutions possibles, il appartient au législateur d'y réfléchir pour que ces fonds soient placés sous le contrôle permanent du Parlement, et non plus seulement scrutés tous les trois ans. Je crois en l'avenir de notre politique nucléaire, sous réserve d'une application transparente de la loi sur la gestion des déchets.

Il n'est pas tolérable que ces fonds soient sous le contrôle des exploitants. La politique de gestion des déchets et la réalisation du stockage géologique profond, l'un des tout premiers en Europe, engagent l'avenir de l'ensemble de la population. Ce stockage fait d'ailleurs partie intégrante de la sécurité et de la sûreté nucléaire, sujets sur lesquels j'interviens prochainement en séance. En conclusion, tout en donnant quitus à la commission pour le travail accompli, je tiens néanmoins à marquer mon insatisfaction sur la façon dont les textes ont été appliqués par l'autorité administrative. Je considère qu'il est temps de rendre le pouvoir au Parlement. L'autorité administrative doit écouter les décisions du Parlement.

Si je suis sévère, c'est que depuis six ans ce dossier fait l'objet d'une véritable occultation. Il faut en tirer les conséquences. La loi doit être appliquée et, si nécessaire, réformée, pour que le Parlement puisse assurer, dans l'intérêt public, un meilleur contrôle, au nom des citoyens qui l'ont élu.

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