Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 21 février 2013 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l'OPECST, président :

La première table ronde de la matinée visait à prendre la mesure de l'intensité des menaces induites par les attaques informatiques pour notre système de défense. Il s'agissait ainsi à proprement parler de la sécurité numérique. Cette seconde table ronde portera plutôt, quoique non exclusivement, sur la sûreté numérique.

Dans le domaine numérique comme, par exemple, dans le domaine nucléaire, la « sûreté » concerne les conditions du bon fonctionnement en soi et la garantie de réalisation de l'objectif par une mise en oeuvre conforme à la conception, tandis que la « sécurité » concerne la résistance aux agressions volontaires externes et la capacité de continuer à fonctionner face aux attaques délibérées.

Permettez-moi d'illustrer cette différence avec un exemple tiré de l'actualité : dans le cas des lasagnes surgelées, la sûreté garantit que les barquettes mises en vente contiennent bien un mélange de pâtes et de viande de boeuf, tandis que la sécurité garantit que le produit est propre à la consommation. L'utilisation de viande de cheval est ainsi révélatrice d'une défaillance de sûreté du dispositif de production, mais pas à proprement parler d'une défaillance de sécurité.

Dans un monde devenu numérique, cette seconde table ronde vise donc à analyser les conditions permettant de garantir la sûreté des dispositifs numériques au coeur des systèmes d'armes comme des systèmes civils. La sûreté de la fabrication des systèmes numériques comporte, pour l'essentiel, une part qui n'est pas spécifique au domaine de l'armement. Dans tous les domaines en effet il faut modéliser, simuler et calculer le futur. Cet impératif se traduit par une préoccupation de qualité qui est commune aux secteurs civil et militaire : un système de pilotage automatique doit faire l'objet d'un contrôle très poussé, qu'il soit destiné au cockpit d'un avion de ligne ou à la tête de guidage d'un drone.

Je souhaiterais cependant que nos échanges d'aujourd'hui puissent montrer dans quelle mesure les technologies numériques sont effectivement duales, c'est-à-dire s'appliquent indifféremment aux domaines civil et militaire. En tant que nouveau membre de la Commission de la défense et rapporteur de l'avis budgétaire sur la prospective de la politique de défense, je suis en effet amené à m'interroger directement sur les conditions dans lesquelles des solutions du marché peuvent suffire pour répondre à des besoins liés à certains composants d'armement. Quelle recherche duale faut-il susciter ? Comment s'explique la carence de formation et comment y remédier ?

On peut se demander s'il n'existe pas des contrôles supplémentaires touchant en fait plus à la sécurité qu'à la sûreté et visant à repérer des capteurs espions ou des trappes aménagées intentionnellement afin de surveiller ou manipuler ultérieurement les systèmes une fois qu'ils sont en opération. Qui doit, en outre, gérer ces trappes si elles existent ?

Pour ce qui est de l'interconnexion des systèmes, la question de l'arbitrage entre gain et risque se pose pour des systèmes militaires comme pour des systèmes civils, tels les outils dématérialisés de transaction bancaire. Dans le cas des activités bancaires et financières, l'arbitrage a conduit manifestement à choisir le développement des interconnexions. N'y a-t-il pas des dimensions spécifiques à prendre en compte pour les interconnexions dans le monde militaire et les problèmes d'arbitrage ainsi soulevés ne sont-ils pas alors des vieux problèmes, déjà rencontrés face aux possibilités offertes par des formes plus anciennes de réseaux – notamment routiers ou ferrés ? Comment les systèmes d'information des différentes armées communiquent-ils ? Les faire communiquer présente-t-il plus d'avantages que de risques ?

On sent bien, intuitivement, que la multiplication des interconnexions apporte des gains d'efficacité pour la conduite des opérations, mais qu'en même temps elle rend les centres névralgiques plus directement vulnérables si l'ennemi parvient à pénétrer dans le réseau. Quelles sont les évolutions prévues ?

Quels sont les liens avec les milieux académiques ? Quelle recherche en SSI le ministère de la défense et la DGA promeuvent-ils ? Est-ce suffisant ?

Enfin, alors que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction du renseignement militaire soulignaient hier devant la commission de la défense l'importance du traitement des informations, disposons-nous de systèmes suffisants en la matière ?

Avec plus de 1016 opérations à virgule flottante par seconde, la vitesse des calculateurs dépasse aujourd'hui le pétaflops. Combien en coûtera-t-il d'atteindre le chiffre de 1021 ? Les meilleurs seront-ils demain ceux qui possèdent les systèmes de calcul les plus puissants ?

Nous allons maintenant entendre M. Didier Brugère, directeur des relations institutionnelles et de l'intelligence économique du groupe Thales – lequel doit veiller à préserver tout au long de la chaîne industrielle, de la conception à la finition, la qualité et la sécurité des produits qu'il livre, notamment pour ce qui concerne les systèmes numériques qu'intègrent ces produits.

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