Les forces spéciales sont composées de moins de 4 000 hommes, dont près de 2 500 appartiennent à l'armée de terre, laquelle les a regroupées au sein d'une brigade. Celle-ci est composée du 1er régiment de parachutistes d'infanterie de marine, du 13e régiment de dragons parachutistes et du 4e régiment d'hélicoptères des forces spéciales. L'armée de l'air dispose d'unités de commandos parachutistes de l'air (CPA) ; quant à la marine nationale, elle dispose d'unités de fusiliers marins et commandos.
Ces effectifs sont peu nombreux car ils forment une élite : les augmenter en ferait automatiquement diminuer le niveau de qualité. Les soldats des forces spéciales, sélectionnés de façon drastique, sont également hyperentraînés, le coût de leur formation étant plus élevé que celui des forces classiques. On leur confie des missions qu'on ne peut confier aux autres unités, et dont la planification et le commandement dépendent directement du chef d'état-major des armées.
Les trois chefs d'état-major d'armée sont organiquement responsables des forces spéciales, qu'ils supervisent et dont ils assurent l'entraînement et une part de l'équipement sur leurs budgets.
Il faut noter que l'effectif projetable de 72 000 hommes de l'armée de Terre inclut les quelques 2 500 soldats qui appartiennent à ces forces. À ces effectifs projetables, il faut y ajouter les milliers de militaires du rang et les officiers et sous-officiers en formation, qui sont donc non disponibles en opérations. Au total, en ajoutant le personnel occupant des emplois fixes, les effectifs de l'armée de terre atteindront, au terme de la réforme, environ 93 000 militaires et 8 500 civils.
Quant à la distinction entre projection de puissance et projection de forces, monsieur Candelier, j'ai pour habitude de dire que les crises commencent et finissent au sol. La crise libyenne a commencé au sol ; si elle n'est pas totalement terminée, c'est sans doute que le retour au calme et la sécurité ne sont pas encore pleinement assurés au sol...
Il faut par ailleurs rendre à César ce qui est à César : en Côte d'Ivoire, la bataille d'Abidjan n'a pas été remportée par les forces spéciales mais par des forces conventionnelles au sol appuyées par des hélicoptères, en l'occurrence le 12e régiment de cuirassiers, deux compagnies du 16e bataillon de chasseurs et du 13e bataillon de chasseurs alpins ainsi que des parachutistes venus en soutien. Lors des cérémonies du 11 novembre dernier, le Président de la République Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs récompensé ces formations. Cela n'exclut en rien le rôle qu'ont pu jouer des éléments des forces spéciales, bien sûr, mais je n'ai pas à l'évoquer.
Sans l'engagement des hélicoptères de combat en Libye, les forces du Conseil national de transition (CNT) seraient peut-être encore à Ajdabiya et Brega. Une fois que les bombardements ont détruit leurs cibles, l'adversaire se terre et disparaît. Au Kosovo, par exemple, seulement douze chars serbes avaient été détruits après des semaines de bombardements. L'adversaire peut être initialement surpris, comme ce fut le cas pour une unité de blindés en Libye, mais après un moment il s'adapte. Un soutien au sol ou près du sol devient alors nécessaire, comme celui qu'ont apporté nos hélicoptères qui manoeuvraient au plus près des forces terrestres du CNT. Le Président de la République l'a d'ailleurs dit de la façon la plus claire : ce sont notamment les hélicoptères qui ont fait basculer la situation tactique au mois de juin, alors que l'on commençait à parler d'enlisement. Cette prise de décision d'engager des hélicoptères était risquée mais elle fut payante.
Quoi qu'il en soit, j'ai l'intime conviction que l'armée française ne serait plus tout à fait elle-même si elle négligeait le contact avec les populations et la présence au sol, qu'il s'agisse de rétablir la paix ou de faire respecter un cessez-le-feu, au profit de seuls bombardements aériens conduits à distance, sans parler bien sûr du recours ultime à la dissuasion. S'il a été décidé, au plus haut niveau, de faire défiler le 1er régiment de tirailleurs avec un béret bleu ONU en tête des troupes sur les Champs-Élysées, c'est bien pour montrer que les opérations de maintien de la paix, menées dans le cadre de l'ONU, ainsi que les engagements à caractère humanitaire, font aussi partie des missions des armées.