Intervention de Christophe Bouillon

Réunion du 13 mars 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon, rapporteur :

La proposition de loi que notre commission examine aujourd'hui en première lecture est issue d'une proposition de M. Gérard Miquel, sénateur du Lot, par ailleurs président du Conseil national des déchets. Déposée le 22 janvier 2013 et soumise à la procédure d'examen accélérée, cette proposition de loi a été débattue le 12 février dernier en séance publique au Sénat. Elle a été adoptée dans des termes très proches de la rédaction retenue initialement par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de cette assemblée, qui avait été saisie au fond.

Texte d'ambition modeste, certes, cette proposition de loi n'en est pas moins attendue par l'ensemble des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie des producteurs relative aux équipements électriques et électroniques.

Compte tenu de l'urgence qui s'attache à l'adoption de ce texte et du plein soutien dont il bénéficie de la part tant du ministère chargé de l'écologie que de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), j'ai fait le choix de ne pas déposer d'amendements. J'espère que notre commission et notre assemblée se rangeront également au principe d'un vote conforme, qui permettrait à un ensemble de dispositions ayant fait la preuve de leur pertinence de se voir reconduites avec une solution de continuité minimale.

Avant que ne s'ouvre le débat, j'évoquerai en quelques mots la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques – ou « D3E » –, la question de l'équilibre économique des éco-organismes concernés et la finalité des dispositions aujourd'hui soumises à votre appréciation.

La mise en place d'une filière française de collecte et de traitement des D3E est issue de la transposition, opérée en droit français par un décret du 20 juillet 2005 désormais codifié aux articles R. 543-172 et suivants du code de l'environnement, de la directive européenne 200296CE du 27 janvier 2003. Cette filière a officiellement vu le jour le 13 août 2005 pour les déchets d'équipements professionnels et le 15 novembre 2006 pour les déchets d'équipements ménagers.

Cette directive a notamment imposé une série d'obligations. Il s'agit notamment de l'éco-conception des D3E, destinée à favoriser leur réemploi et leur traitement, de la collecte sélective de ces déchets pour valorisation, avec un objectif de 4 kilogrammes par an et par habitant en 2006 pour les D3E des ménages et une obligation de reprise gratuite de l'ancien appareil lors de la vente d'un nouvel appareil similaire, du traitement systématique de certains composants tels que les condensateurs aux biphényles polychlorés (pyralène) ou les cartes de circuits imprimés et de certaines substances dangereuses, comme le mercure ou les CFC, et de la réutilisation, du recyclage et de la valorisation des D3E collectés avec des objectifs de recyclage et de valorisation élevés.

Pour ce qui concerne les D3E ménagers – par exemple les réfrigérateurs, les lave-linge et lave-vaisselle, les robots ménagers, les aspirateurs, les écrans, les ordinateurs ou les téléphones –, les metteurs sur le marché, c'est-à-dire les producteurs, les importateurs et les distributeurs, peuvent s'acquitter de leurs obligations de deux manières : en mettant en place et en faisant approuver un système individuel de collecte et de traitement – mais aucun n'a encore choisi cette solution – ou en adhérant à un éco-organisme agréé pour la collecte et le traitement des D3E ménagers. Quatre de ces organismes ont été agréés à ce jour : Ecologic, Eco-systèmes, ERP France et Récylum, ce dernier collectant uniquement les D3E de cinquième catégorie – c'est-à-dire les lampes.

Pour situer les ordres de grandeur, le tonnage de D3E collecté en 2011 avoisinait 450 000 tonnes au plan national, soit 6,9 kilogrammes par an et par habitant en moyenne, donc bien au-dessus de l'objectif de 4 kilogrammes par an et par habitant fixé pour 2006 par la directive D3E. Ces déchets étaient constitués à 34 % par des écrans, à 25 % par du « gros électroménager froid », à 22 % par des « petits appareils en mélange », à 18 % par du « gros électroménager hors froid » et à 1 % seulement par des lampes.

Je rappelle que les metteurs sur le marché sont par ailleurs tenus d'informer les acheteurs du coût de l'élimination des D3E en indiquant au pied de la facture de vente le montant de l'éco-contribution perçue lors de la vente. Ce montant varie naturellement selon l'équipement considéré et l'éco-organisme auquel le producteur adhère.

La prolongation jusqu'en 2020 de ce mécanisme d'éco-contribution intégralement répercutée jusqu'au consommateur final constitue le coeur de la présente proposition de loi.

Les équipements électriques et électroniques se caractérisent en effet par une durée de vie relativement longue, qui peut atteindre une dizaine, voire une quinzaine d'années.

Les études d'échantillonnage et d'analyse des flux de D3E réalisées continûment depuis 2008 confirment que le taux de présence des « déchets historiques » – c'est-à-dire mis sur le marché avant le 13 août 2005 – parmi les D3E collectés, toutes catégories confondues, est encore très élevé et nettement supérieur à 50 % : entre 83 % pour les petits appareils ménagers et 96 % pour les écrans et les gros appareils électroménagers de froid.

Dans ce contexte et compte tenu tant de l'équité que des risques contentieux, il était évidemment difficile de mettre à la charge des producteurs présents sur le marché au moment de l'entrée en vigueur du régime de responsabilité les coûts de collecte et de traitement générés par des biens mis sur le marché par des producteurs alors disparus.

C'est la raison pour laquelle le législateur, par des dispositions codifiées à l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement, a disposé dans la loi de finances rectificative pour 2005 que les coûts afférents aux D3E historiques devaient être traités autrement que selon le principe de droit commun, selon lequel les producteurs ont vocation à internaliser leurs coûts.

Selon un scénario volontariste de décroissance du taux de déchets historiques de l'ordre de 7 % par an, ce taux resterait supérieur à 50 % jusqu'en 2020. Ce n'est qu'ensuite que les produits neufs subventionneraient majoritairement le traitement des déchets issus de produits récents, et non des déchets historiques.

La proposition de loi vise donc à prolonger jusqu'en 2020 ce mécanisme d'affichage distinct sur les factures du montant des éco-contributions supportées et l'obligation, pour tous les maillons successifs de la filière de distribution, de répercuter ce montant, sans marge ni réfaction, jusqu'au consommateur final.

À cette date, et alors que les filières de traitement des D3E auront disposé du temps nécessaire pour se consolider et amortir le coût de leurs installations, se posera naturellement la question d'un retour au droit commun et aux mécanismes concurrentiels habituels d'internalisation des coûts par les metteurs sur le marché. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Les auditions auxquelles j'ai procédé m'ont convaincu de l'opportunité de proroger un dispositif qui apporte une réponse pragmatique et concrète à une situation héritée du passé, présente un certain nombre de vertus pédagogiques et économiques et est soutenu tant par les pouvoirs publics que par l'ensemble des acteurs.

Pour toutes ces raisons, je recommande que cette proposition de loi puisse être adoptée par notre commission dans des conditions permettant une adoption définitive aussi rapide que possible.

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