Intervention de Patrick Roméo

Réunion du 26 février 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Patrick Roméo :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré d'être parmi vous aujourd'hui pour vous parler du projet Guyane, qui est un des grands projets d'exploration et de production pétrolière dans notre pays.

La société Shell France, qui date de 1919, est une des plus anciennes sociétés pétrolières françaises, filiale du groupe Royal Dutch Shell, qui est lui-même le premier groupe européen, dont le siège est à La Haye. Nous sommes présents en France dans l'ensemble des activités dites de l'aval : commercialisation de produits pétroliers à travers un réseau de stations services et de stations en aéroport ; nous vendons des lubrifiants, des bitumes, du gaz liquéfié sous la marque Butagaz. Nous avons par ailleurs deux projets que nous classons dans l'amont : un projet de prospection en mer profonde au large de la Guyane et un projet de construction d'un terminal méthanier à Fos-sur-mer. Nous sommes enfin l'opérateur du permis « Guyane Maritime » que nous représentons ici aujourd'hui.

On s'étonne souvent que nous investissions beaucoup d'argent dans une prospection pétrolière. C'est parce qu'une des spécialités de Shell est, historiquement, de construire des scénarios énergétiques. Nous nous intéressons à 2050 – parce que 2030 est déjà écrit – et aux choix qui auront un impact sur la demande énergétique de 2050.

Nous pensons que, de toutes les façons et quels que soient les scénarios les plus audacieux en termes d'efficacité énergétique, la demande doublera quasiment d'ici à 2050, compte tenu de l'explosion démographique et de l'élévation du niveau de vie dans les pays émergents. Or, selon nos scénarios, la production aura du mal à suivre. Toutes les sources d'énergie, qu'elles soient ou non renouvelables, sont donc les bienvenues pour éviter une pénurie énergétique, dont nous savons qu'elle affecte toujours les plus pauvres. Enfin, nous devons tenir compte du réchauffement climatique et de la nécessité de limiter les émissions de CO2.

Nous sommes ainsi confrontés à une problématique à trois dimensions : une demande qui va doubler, une production qui a du mal à suivre, et des émissions de gaz à effet de serre (GES) qu'il convient de limiter. Je précise que ce qui est le plus facile à produire, comme le charbon, génère le plus de GES. Les choix qui seront faits devront prendre en compte, de la meilleure façon possible, les trois dimensions du problème.

Même si la production d'énergies renouvelables, sous toutes ses formes, augmente très fortement, nous aurons encore besoin de pétrole et de gaz à l'horizon 2050, au niveau mondial. Et dans tous les scénarios que l'on a développés, le charbon est l'énergie qui croîtra le plus. Ce qui signifie que, chaque fois que l'on produit du pétrole, chaque fois que l'on produit du gaz, c'est du charbon dont on n'a pas besoin, et des émissions de GES que l'on évite. Ces émissions peuvent être réduites, selon les cas, d'un facteur 1,5 ou 2.

À partir du moment où le monde aura besoin de pétrole en 2050, autant qu'il soit produit en Guyane plutôt qu'ailleurs. Un des problèmes de notre pays est celui de la balance commerciale, et mieux vaut utiliser de l'énergie nationale lorsqu'elle existe. D'où l'intérêt, pour le groupe Shell et pour Shell France, de prospecter en Guyane.

Mais pourquoi en Guyane ?

Les cartes du dossier qui vous a été remis montrent qu'il y a 104 millions d'années, les continents sud-américain et africain étaient joints. Avant que ces continents ne dérivent, la Guyane française était très proche du Sierra Leone d'aujourd'hui. Or, ces dernières années, on a découvert beaucoup de pétrole dans la zone côtière de l'Afrique s'étendant de la Guinée au Sierra Leone et au Ghana. Notre raisonnement est que ces richesses pétrolières peuvent exister du côté sud-américain. Voilà pourquoi nous nous sommes intéressés à la Guyane.

Nous avons également étudié les pays autour de la Guyane. Or il y a beaucoup de pétrole au Venezuela, et un peu au Surinam.

L'idée qu'il puisse y avoir du pétrole en Guyane est confortée par ce que l'on connaît et, avec un peu de travail supplémentaire, dont des analyses sismiques simples, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait là un vrai potentiel à explorer. D'où notre activité d'exploration.

Le permis d'exploration de Guyane maritime, auquel nous participons depuis 2009, avait été attribué en 2002 à une petite société. Depuis, il a été acquis par Tullow Oil, qui en a revendu des parts à Shell, Total, etc. Aujourd'hui, c'est un consortium qui gère ce permis : Shell (45 %) qui est opérateur ; Tullow Oil (27,5 %) ; Total (25 %) et Northpet (2,5 %).

Ce permis porte sur une superficie très importante, de 24 100 km², avec des profondeurs d'eau allant de 200 à 3 000 m, à cheval sur le plateau continental et sur l'océan plus profond.

Nous avons mené, en 2002, 2005, 2009 et 2012, des campagnes d'acquisition de données sismiques, qui s'apparentent à des échographies du sous-sol et nous ont permis d'identifier des réservoirs potentiels : en l'occurrence des couches de sable éventuellement riches en hydrocarbures. Nous avons alors décidé de faire un premier forage en 2011, qui a été un succès, puis un deuxième en 2012. Nous en train d'en faire un troisième.

Mais revenons sur l'historique des forages.

Le premier forage, désigné sous le code GM-ES-1, a été effectué à 160 km des côtes, quasiment au large de Cayenne. Nous avons foré jusqu'à 6 000 m, sachant que la profondeur d'eau est d'environ 2 000 m. La durée totale du forage a été de 261 jours. Nous avons traversé deux couches de sable riche en hydrocarbures, dont la hauteur cumulée est de 70 m. Reste bien sûr à savoir sur quelle surface les 70 m sont pertinents. Nous devons donc continuer à travailler pour le déterminer.

Le deuxième forage, GM-ES-2, était censé s'adresser aux mêmes bancs de sable, un peu plus loin. Nous avions dans l'idée qu'il s'agissait du même réservoir. Mais nous n'avons pas trouvé de pétrole, en raison d'une discontinuité de ce réservoir, que nous n'avions pas détectée. Cette partie s'avère très pauvre en hydrocarbures. Le GM-ES-2 a donc été un échec en termes de découverte d'hydrocarbures, mais un grand succès opérationnel : il a été réalisé en 150 jours, sans incident.

Nous en sommes au troisième forage, GM-ES-3, qui s'effectue sur une autre grappe de bancs de sable. Nous ne savons pas encore si ceux-ci sont, ou non, riches en hydrocarbures. Nous ne rencontrons pas de soucis opérationnels, et j'espère un jour vous annoncer la présence d'un réservoir pétrolifère.

Aujourd'hui, la viabilité du projet n'est ni acquise, ni abandonnée. Nous n'en sommes qu'à un programme de prospection, d'exploration, qui doit permettre de cataloguer les hydrocarbures en place, et de savoir s'il y en a, en qualité et quantité, et s'ils sont disposés de façon à être commercialement exploitables.

En 2012, en parallèle du forage, nous avons fait de nouvelles acquisitions sismiques – plutôt au large de Kourou – qui ont révélé d'autres cibles très intéressantes. Il s'agit de détecter, par ce biais, des sables potentiellement riches en pétrole et d'aller forer pour vérifier ce qu'il en est. À de telles profondeurs, les techniques actuelles ne permettent pas de faire l'économie d'un forage, sachant qu'en cent millions d'années, de nombreux évènements ont pu faire qu'à certains endroits, le pétrole qui était présent a disparu. Il suffit que la couche d'argile sur le sable soit fissurée pour que le pétrole remonte à la surface. La question est alors de savoir si on arrive trop tôt ou trop tard, et s'il est toujours là. C'était le cas à l'endroit du premier forage, ce n'était pas le cas à l'endroit du deuxième. Nous verrons pour le troisième.

Ce sont des activités très lourdes au point de vue opérationnel. Quatre cent cinquante personnes environ sont mobilisées sur ce projet. Les moyens humains et matériels sont énormes. Certains d'entre vous ont eu l'occasion de visiter le Stena Icemax, le navire de forage utilisé : il est plus gros que le Charles de Gaulle et probablement aussi cher. Il est très spécialisé et très performant. On ne le mobilise pas facilement, d'autant qu'il nécessite des équipages et des personnels très compétents. La chaîne logistique mise en place autour de ce navire, pour l'approvisionner en matériel, tubes, ciment, etc., représente une véritable flottille qui navigue entre Trinidad, Cayenne et le lieu de stationnement du bateau.

Dans ce contexte, la sécurité et la protection de l'environnement sont fondamentales. Chez nous, personne n'a vocation à polluer quoi que ce soit. Nous sommes des citoyens soucieux de préserver l'environnement, d'autant que nous savons que c'est une condition sine qua non pour pouvoir travailler. Nous serions les premiers affectés par un incident, qui coûterait cher et risquerait d'entraîner le refus des autorisations dont nous avons besoin pour forer.

Cela signifie que nous mettons en oeuvre les meilleures mesures d'atténuation possibles de l'empreinte environnementale : règles très strictes (discipline et procédures quasi militaires) ; maintenance préventive, tests réguliers des équipements (par exemple celui des blocs obturateurs de puits) ; gestion des déchets, solides et aqueux ; surveillance permanente des autres mouvements de navires dans la zone ; absence d'éclairage direct vers l'océan ; utilisation de fluides synthétiques de forage, plus adaptés que l'eau. Le choix des matériels que nous utilisons vise à réduire au maximum les émissions de CO2. De fait, les prélèvements que nous avons effectués avant, pendant et après les forages n'ont pas permis de détecter d'impact négatif sur la biodiversité marine.

Parallèlement aux activités de forage, nous menons des activités liées aux mouvements sismiques. Assez paradoxalement, ce sont ces dernières qui ont créé le plus d'émotion et de réactions de rejet. Que l'on puisse émettre un signal sonore et écouter l'écho, pour en déduire la géologie, a déclenché de nombreuses peurs – rendre les cétacés sourds, faire fuir les tortues, etc.

Voilà pourquoi nous avons pris de nombreuses mesures, destinées à prévenir de telles peurs : surveillances acoustiques passives ; observateurs certifiés indépendants et démarrages progressifs de bruit – pour éviter de surprendre et d'effrayer, notamment, les dauphins qui pourraient remonter trop rapidement à la surface. De nombreuses procédures visent à alerter les animaux qu'il va se passer quelque chose et à éloigner les espèces sensibles au bruit.

En quatre mois et demi de campagne sismique, en 2012, 18 espèces différentes de cétacés ont été identifiées par les observateurs. Aucun cétacé n'a été observé dans la zone d'exclusion. Trois espèces menacées ont été observées. Une seule tortue a été vue aux abords de l'espace de prospection. Je précise que le sort des tortues était le principal sujet d'inquiétude des associations environnementales.

La conclusion des observateurs indépendants est qu'il n'y a pas d'impact visible.

Nous pouvons maintenant nous interroger sur les retombées économiques de ce projet.

La difficulté tient au fait que nous en sommes à une phase de recherches. Nous pouvons dépenser beaucoup d'argent et mobiliser beaucoup de moyens avant de nous apercevoir qu'il n'y a pas de site commercial et avant de décider de partir en laissant derrière nous espoirs et déceptions, sans aucune activité résiduelle. Nous pouvons aussi découvrir un site commercial qui entraînera la création d'une industrie de production, laquelle sera accompagnée par diverses activités – personnels, transports, expertise – et aura des retombées économiques, notamment fiscales.

Nous ne pouvons pas encore investir dans le long terme puisque nous n'avons pas encore établi la présence d'un gisement commercial. Malgré tout, nous essayons de maximiser les retombées à court terme, mais qui seront acquises pour toujours à la collectivité : par exemple, si nous partons, les personnes formées aux métiers du pétrole pourront trouver du travail ailleurs qu'en Guyane. Bien sûr, si nous trouvons demain un gisement commercial, nous devrons réfléchir au développement d'une activité pérenne. Mais nous n'en sommes pas là.

Pour gérer l'aspect « intégration » du projet, l'État et la région ont défini une gouvernance autour d'une commission de suivi et de concertation rassemblant les autorités locales, les associations socioprofessionnelles, les pêcheurs et les associations environnementales. Shell n'est pas membre de cette commission, pour une raison que je n'ai pas comprise, mais elle est un invité permanent.

Cette commission s'appuie sur des groupes de travail – dans lesquels nous sommes donc invités – traitant de plusieurs thèmes : formations et emploi, stimulation du tissu économique local, recherche, sécurité et environnement, pêche. Chacun de ces groupes de travail associe les personnes directement intéressées par l'activité et développe des projets, assure des suivis ou formule des recommandations visant à optimiser les retombées locales.

Dans le cadre de l'attribution des autorisations de travaux, nous avons mis en place un Fonds de financement de la recherche qui nous permettra de mobiliser des crédits pour la stimulation du tissu économique et la pêche si un forage s'avère probant.

Quatre cent cinquante personnes gravitent autour de ce projet et 150 entreprises de Guyane bénéficient de l'activité générée. Fin 2012, 9 millions d'euros avaient déjà été dépensés par Shell et ses principaux partenaires. Nous avons affrété un certain nombre de navires de pêches pour des campagnes de suivi de l'environnement, pour de la surveillance, etc.

Nous avons développé un important pôle d'activités à l'aéroport Félix Éboué, où se trouve la base d'hélicoptères par laquelle transitent les équipages qui viennent de Paris ou de Trinidad, et d'où partent les équipes qui vont sur le Stena, à 150 km. Le transport des personnels se fait par hélicoptère. Le transport des biens se fait plutôt par bateau. Cela dit, l'activité logistique au port de Degrad des Cannes est limitée par les capacités du port. Il y a un an, lorsque nous avons souhaité utiliser le port, on ne nous a attribué qu'un seul créneau, le dimanche matin. De ce fait, nous avons dû assurer l'essentiel de notre logistique en transitant par Trinidad. Depuis, le créneau du dimanche matin s'est un peu élargi et nous utilisons bien plus le port qu'il n'était prévu. Néanmoins, la disponibilité n'est pas encore suffisante pour imaginer tout organiser à partir de ce lieu. Dans l'avenir, si l'activité se poursuit, il faudra utiliser davantage Degrad des Cannes. Cela suppose de modifier la gestion du port pour accueillir davantage d'activités liées au pétrole, ou d'investir dans le port pour lui donner la capacité nécessaire.

Par ailleurs, des projets sont en cours d'étude – motorisation de la pêche artisanale, chaîne du froid et machines à glace. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé par la Région pour identifier un nombre d'entreprises guyanaises susceptibles d'alimenter le Stena plus élevé qu'aujourd'hui. Il faut savoir qu'actuellement de nombreux opérateurs refusent d'utiliser Degrad des Cannes en raison de nombreux incidents logistiques : des aliments sont arrivés avariés à bord, à cause de la rupture de la chaîne du froid. Ainsi, le degré de fiabilité des opérations depuis Degrad ne permet pas d'envisager une activité qui serait purement centrée sur ce port. Il serait pourtant très intéressant que cet espace devienne la base logistique principale : mieux vaut parcourir 150 km entre Degrad et le bateau que 4 000 km entre le bateau et Trinidad. Mais encore faut-il que Degrad le permette.

Ensuite, la grande opportunité et le grand défi résident dans la formation et l'emploi local.

Shell et ses principaux sous-traitants ont créé 23 emplois. Le nombre paraît faible, mais nous n'avons généré qu'une activité de passage : tout a lieu au large, où les équipages sont des professionnels du métier qui viennent du monde entier.

Nous avons par ailleurs recruté cinq stagiaires, basés à Cayenne, La Haye et Paris. Nous essayons de stimuler la jeunesse pour qu'elle s'intéresse aux métiers du pétrole, sachant que ce n'est pas une activité traditionnelle en Guyane ou même en France. Enfin, l'apprentissage de l'anglais – indispensable dans ce domaine – organisé avec des tuteurs pour 50 jeunes remporte un énorme succès.

Nous ne pouvons pas recruter les équipes dont nous aurions besoin dans cinq ou dix ans, puisque nous ne savons pas encore comment évoluera le projet. En revanche, nous avons décidé d'ouvrir des postes Shell « monde » à des Guyanais. Ces derniers seront recrutés, formés dans le système et reviendront un jour en Guyane si le projet aboutit. Chacun de nos partenaires poursuit la même démarche.

Nous travaillons également avec la collectivité pour ajuster la carte des formations afin qu'il y ait une adéquation entre les formations disponibles et les métiers à pourvoir. Mais si l'on peut faire beaucoup en Guyane, tout ne sera pas fait en Guyane. Pour autant, notre volonté est réelle, parce que l'enjeu est important. On ne peut pas imaginer une activité qui se développe un jour en Guyane sans associer à l'aventure le plus grand nombre possible de Guyanais.

Je vous propose maintenant d'aborder un autre des grands sujets liés à cette activité, à savoir la fiscalité. On parle beaucoup de rente pétrolière, de profits éhontés des sociétés pétrolières. Les pétroliers gagneraient beaucoup d'argent en pillant la ressource nationale.

Il faut savoir qu'aujourd'hui, si nous faisons un forage dans une zone inexplorée, nous avons 20 % de chances de succès. Imaginez que je fasse dix forages et qu'un seul me donne un puits commercial. À 250 millions le puits, il faut que je puisse me rémunérer sur « 9 fois 250 millions d'échecs ». Je vous rappelle que l'argent vient exclusivement d'investisseurs privés, qui entendent bien pouvoir se rétribuer un jour. Il faut donc que la fiscalité rémunère, non seulement l'investissement direct sur le champ et les coûts, mais aussi les investissements amont qui ont permis à l'État de comprendre qu'il avait un patrimoine exploitable. Or c'est un élément que l'on a du mal à percevoir.

L'échelle de temps doit également être prise en compte. Entre le moment d'une découverte commerciale et la mise en production, il peut se passer beaucoup de temps. D'abord, l'État peut mettre jusqu'à trois ans pour instruire une demande de concession de production. Et puis, il faut construire. Un système pétrolier de production demande trois ou quatre ans. Donc, entre la prospection, l'instruction du dossier et la construction du système, il se passe facilement huit ans. Il faut donc sept ou huit ans de dépenses pour obtenir un baril !

Autre élément à prendre en compte : la forme du réservoir commercial, qui est plus ou moins profond ou plus ou moins étendu et qui nécessite un plus ou moins grand nombre de puits. Suivant les cas, les coûts de production varient entre 5 et 20 milliards de dollars ou d'euros. Il faudra les assumer sur plusieurs années avant qu'un baril commence à rémunérer l'activité. Il faudra ensuite rémunérer l'arrêt de la production et le réinvestissement dans la prospection.

Voilà pourquoi l'off-shore a besoin d'une fiscalité adaptée ou en tout cas pertinente par rapport à toutes ces contraintes. On n'est pas en Seine-et-Marne, où l'on peut construire, au rythme que l'on décide, des puits qui coûtent deux millions d'euros et qui produiront au bout de six mois. J'ajoute qu'en Seine-et-Marne, il est possible de s'entendre avec la commune, le canton, le département, c'est-à-dire avec telle ou telle entité administrative. Ce n'est pas le cas ici : le site de ce projet pétrolier off-shore se trouve à 150 km des côtes, en zone économique exclusive, en dehors des eaux territoriales ; la supervision des tutelles, l'information du public se passent différemment. Cela m'amène à dire que le code minier devrait s'intéresser à ces éléments plus spécifiques à l'off-shore.

Quand j'entends parler du code minier, j'ai l'impression qu'on imagine qu'il pourra s'appliquer aussi bien au nickel ou à l'or qu'au pétrole on-shore et off-shore. D'où mon scepticisme. Je ne suis pas du tout sûr, en effet, qu'il pourra permettre à chacun des miniers, des pétroliers et des gaziers d'investir dans des projets intéressants pour lui et pour la collectivité.

Le Stena Icemax est un immense navire, qui emploie environ 450 personnes. On ne peut pas programmer ses activités sans avoir de certitude sur la date à laquelle il sera possible de forer. Imaginez que je dépose une demande de permis et que j'apprenne que l'information du public risque de prendre entre trois mois et dix-huit mois : mon programme tombe à l'eau ! Il en va différemment dans d'autres activités minières, pour lesquelles le fait que l'information du public dure quatre semaines de plus que prévu n'a pas le même impact. Je vous rappelle que, dans le monde, il n'y a que quelques unités comme le Stena Icemax. Si j'attends trop longtemps, il sera mobilisé sur d'autres projets.

Les dispositions du code minier – information du public, procédures d'autorisation, sécurité réglementaire – doivent permettre des investissements de ce type.

Je précise que ces investissements se font sur trente ans. Or, dans une précédente législature, on a compté une révision fiscale toutes les trois semaines. Il est difficile d'investir 20 milliards sans avoir une certaine visibilité sur le moyen ou le long terme. Quand le projet en cause est un projet unique et que tout le monde voudrait le réaliser, ce n'est pas très grave. Mais quand ce n'est qu'un projet parmi cinquante et que la France n'est qu'un des candidats possibles à l'investissement, je dois l'emporter sur les quarante-neuf autres candidats.

Aujourd'hui, la France se distingue par son instabilité fiscale et réglementaire. Notre pays terrorise les investisseurs ! Comme le Parlement est à l'origine des lois, je vous invite à aborder ce sujet au moment de la révision du code minier ou de la fiscalité pétrolière.

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