Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 12 mars 2013 à 16h15
Commission des affaires sociales

Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage :

La formation professionnelle résulte d'une construction collective entre l'État et les partenaires sociaux. Les accords et les lois l'ont structurée au fil du temps, ouvrant des droits nouveaux auxquels votre Assemblée a pris toute sa part. Les résultats et les acquis sont nombreux : la formation professionnelle est portée par un dialogue permanent et riche ; les entreprises dépassent largement leurs obligations légales de formation ; de nombreux demandeurs d'emploi et jeunes accèdent à une qualification ou à une reconversion via la formation.

Ce système souffre cependant de vrais défauts. Il n'est pas assez organisé pour offrir une nouvelle chance à ceux – notamment les jeunes – qui sont sortis de formation initiale sans qualification. Il bénéficie davantage à ceux qui sont déjà formés qu'aux plus fragiles. Enfin, le droit à la formation reste attaché au statut des personnes, alors que les trajectoires professionnelles sont de plus en plus discontinues.

Ainsi que vient de le dire Michel Sapin, l'accord national interprofessionnel du 11 janvier crée de nombreux droits nouveaux en faveur des salariés, dont des droits relatifs à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui vont permettre d'améliorer le système existant dans le sens de la justice et de l'efficacité. Je pense à la participation des salariés à la définition des orientations du plan de formation au sein de l'entreprise, qui figure à l'article 9, à la création du compte personnel de formation, et à celle d'un service de conseil en évolution professionnelle, prévues à l'article 2.

Même si ces trois évolutions font système, je m'attarderai principalement sur l'innovation que constitue le compte personnel de formation, qui permettra de donner une traduction concrète à ce qui était jusqu'à présent resté un slogan : le droit à se former tout au long de la vie. Attaché à la personne, doté de droits intégralement transférables, ouvert à tous, ce compte favorisera la prise en main de son destin par chacun, et lui permettra de mener son projet de formation à bien sans blocage, au moment le plus opportun de son parcours professionnel – par exemple lorsqu'il souhaitera progresser ou changer de métier, ou s'y verra contraint.

En créant le compte personnel de formation dans l'article 5 de leur accord, les partenaires sociaux ont donc posé un acte fondateur. Nous avons porté haut leur ambition en l'inscrivant à l'article L. 6111-1 du code du travail, qui dispose que chacun doit pouvoir progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle.

Outre cette ambition qualifiante, le projet de loi définit les grands principes régissant le compte, sans entrer dans le détail de son fonctionnement. Nous sommes en effet au carrefour de plusieurs initiatives, qui doivent permettre d'affiner les modalités de mise en oeuvre du compte. Il s'agit d'abord de la concertation à venir entre l'État, les régions et les partenaires sociaux, et de la discussion entre ces derniers, inscrites dans l'accord du 11 janvier. Dans une logique de solidarité, cette concertation devra notamment permettre de déterminer comment le compte personnel de formation pourra faire l'objet d'une dotation spécifique en faveur de ceux qui sont sortis de l'école sans qualification. Lundi prochain 18 mars seront par ailleurs remises, à l'occasion d'une réunion du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, les conclusions du groupe de travail consacré au compte individuel de formation, dont le lancement avait été décidé dans le cadre de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers.

Enfin, vous n'êtes pas sans savoir que lors de son déplacement à Blois la semaine dernière, le Président de la République a appelé de ses voeux une réforme en profondeur de la formation professionnelle, assortie d'un projet de loi avant la fin de l'année. Ce projet nécessitera probablement en amont une négociation nationale interprofessionnelle, qui inclura dans son périmètre la novation que constitue le compte personnel. Je m'entretiendrai de ces perspectives dans les jours qui viennent avec les partenaires sociaux, afin de voir comment assembler progressivement l'ensemble des briques opérationnelles du compte personnel de formation.

Les deux autres volets du projet relatifs à la formation professionnelle sont également constitutifs d'un progrès social.

La création d'un nouveau service de conseil en évolution permettra au salarié de construire un projet professionnel au sein d'un lieu neutre, en dehors du « colloque singulier » avec son employeur, nécessairement biaisé. Les salariés ont toujours été les parents pauvres de l'information et de l'orientation professionnelle en France ; ce nouveau service va donc changer la donne. Nous avons d'ailleurs tenu à l'inscrire dans le cadre du service public de l'orientation, qui sera demain – après l'adoption du projet de loi portant décentralisation et réforme de l'action publique – organisé par les régions, afin d'assurer à la fois son accès à tous les salariés et sa pertinence au regard des besoins économiques du territoire.

Enfin, l'article 9 du projet prévoit que dans les entreprises de plus de 300 salariés, ceux-ci pourront désormais négocier les orientations de la politique de formation professionnelle dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en particulier celles concernant le plan de formation. Il s'agit là d'une capacité nouvelle accordée aux salariés, puisque la définition du plan de formation est depuis plus de quarante ans une prérogative exclusive de l'employeur. Nous en attendons des effets vertueux : une plus forte appétence des salariés pour la formation, une meilleure prise en considération des moins qualifiés dans l'entreprise, des formations plus ciblées sur l'avenir et l'emploi de demain, répondant mieux aux anticipations des évolutions économiques.

Portabilité des droits, projets de formation mieux accompagnés et plus pertinents, représentants des salariés impliqués dans les stratégies de formation sont autant d'avancées concrètes portées par les partenaires sociaux et par ce projet de loi qui contribueront donc, comme l'a souhaité le Président de la République, à construire une formation professionnelle plus juste et plus efficace, davantage orientée vers ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin. Ne nous privons pas de cette nouvelle étape !

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