Intervention de Jean-Marc Germain

Réunion du 12 mars 2013 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur :

Je salue à mon tour la méthode. Une démocratie sociale à la française est en train de s'inventer. Elle ne met ni l'accord au-dessus de la loi, ni la loi au-dessus de l'accord, mais consiste en une sorte de dialogue constructif ou de valse à trois temps.

Les orientations politiques issues des élections présidentielles et législatives sont le premier de ces temps. La feuille de route que vous avez adressée aux partenaires sociaux était directement inspirée des objectifs politiques du Président de la République. Je pense par exemple à l'engagement 55, relatif à la présence des salariés au conseil d'administration des grandes entreprises, mais aussi, au-delà de celui-ci, à la plus grande implication des salariés dans les stratégies d'entreprise – vous avez évoqué les avancées en la matière. Je pense aussi à l'engagement 35, concernant la création d'une sécurité sociale professionnelle. C'est en effet le deuxième axe de ce texte, qui opère des avancées significatives en matière de santé, avec la couverture santé complémentaire obligatoire et portable d'une entreprise à l'autre, mais aussi en matière de formation professionnelle et de droits au chômage. Je pense enfin à l'engagement 25 sur la lutte contre la précarité, qui prévoyait notamment la taxation des emplois précaires.

Je tiens à saluer les partenaires sociaux – c'est le deuxième temps de la valse – qui ont accepté de négocier autour de ces objectifs politiques, et cela qu'ils les partagent ou non. Je pense ici au MEDEF, qui n'était pas nécessairement favorable à la taxation des emplois précaires – pour ne citer que ce point. Cette négociation a eu lieu, et nous l'avons respectée, hormis lorsque certaines lignes rouges risquaient d'être franchies.

Vient aujourd'hui le troisième temps, tout aussi essentiel : celui de la transcription de l'accord dans la loi. Contrairement au droit allemand, qui relève principalement des conventions collectives, notre droit social est fondé sur la loi. Il ne peut donc être amélioré que par la loi. Ce troisième temps est celui du projet que vous nous présentez et du travail parlementaire.

Je salue ensuite le choix très structurant qui fonde le texte. Il fallait éviter l'écueil que constituait ce qui était pourtant le postulat du MEDEF à l'ouverture de la négociation, à savoir une sorte de théorème de Schmidt revu selon lequel les licenciements d'aujourd'hui feraient les embauches de demain. C'est en effet une erreur fondamentale. Non seulement il n'est pas difficile de procéder à des licenciements économiques en France, mais notre pays n'a pas les moyens de s'offrir une flexisécurité à la danoise : il faudrait doubler les moyens de l'assurance chômage au sens large pour assurer une indemnisation chômage égale à 90 % du revenu moyen antérieur. Cette voie aurait donc été une impasse. Ce n'est d'ailleurs pas celle qu'a choisie l'accord, qui rend plus difficiles les plans sociaux « secs » – vous avez parlé de mettre fin à l'exception française de la préférence pour les licenciements – au profit de mesures de redéploiement comme le chômage partiel, rebaptisé activité partielle, les accords de maintien dans l'emploi, qui sont des formes de chômage partiel négocié, ou les mobilités internes, qui sont des formes de réorganisation des entreprises hors périodes de crise.

Ce choix structurant doit beaucoup à la négociation, mais aussi à la touche personnelle que vous y avez apportée en rétablissant une forme moderne d'autorisation de licenciement, qui repose fondamentalement sur la négociation. Aujourd'hui, le licenciement est une prérogative unilatérale du chef d'entreprise – avec information et consultation des salariés. Demain, grâce à l'accord et à ce texte, il devra recueillir soit l'accord majoritaire des salariés, soit une forme d'accord de l'administration, à travers la procédure d'homologation. Vous avez fait le choix que celle-ci puisse porter sur le fond des mesures proposées par l'entreprise, et non sur la seule procédure. Ce choix conditionne les effets possibles de l'accord en matière d'emploi, puisque l'administration aura les moyens de peser concrètement sur les solutions mises en oeuvre, donc en faveur des solutions alternatives aux licenciements. Pouvez-vous nous en dire plus sur les moyens dont elle disposera pour remplir la nouvelle mission fondamentale qui lui incombe, sachant que vous avez précisé que les moyens mis en oeuvre par les entreprises devraient être proportionnés à ceux des groupes auxquels elles appartiennent ? Quoi qu'il en soit, je me félicite que vous ayez préféré à la flexisécurité une « sécuri-sécurité » à la française.

J'en viens au rôle du Parlement. Les partenaires sociaux ayant signé un accord, nous sommes dans la même situation qu'il y a quelques semaines, lorsque nous avons examiné le projet de loi créant les contrats de génération – à ceci près que l'accord avait ici été signé par tous les partenaires sociaux. Le Parlement jouera donc pleinement son rôle, dans le respect de la signature des organisations syndicales qui se sont engagées à travers l'accord. Les dirigeants du MEDEF ont par exemple accepté de s'engager dans la voie du rétablissement d'une forme d'autorisation de licenciement. Remettre cette signature en cause serait compromettre toute négociation dans les prochaines années. Or pour redresser notre pays, lutter contre le chômage, protéger les salariés et améliorer la compétitivité des entreprises, nous avons besoin que salariés et employeurs se parlent.

Par le travail que vous avez accompli, marchant en quelque sorte sur un chemin de crête et tenant compte des inquiétudes manifestées par les organisations non-signataires, qui représentent près de la moitié des salariés, mais aussi par d'autres forces vives de notre pays, vous avez montré que nous pouvions progresser dans cette voie. C'est dans le même état d'esprit que je vous proposerai de faire évoluer ce texte. Les partenaires sociaux ont édifié les murs, vous y avez ajouté le toit ; il nous reste à poser les portes et les fenêtres, en respectant la négociation et en restant à l'écoute de ceux qui souhaitent nous aider à améliorer le texte.

Je terminerai par quelques questions précises. La première – que je vous ai déjà posée – porte sur les moyens de l'administration. Pouvez-vous également nous en dire plus sur la capacité de la justice administrative à assumer, en lieu et place de la justice judiciaire, sa nouvelle mission en matière de gestion des procédures collectives ?

Ma deuxième question porte sur la généralisation de la couverture complémentaire santé. Comment l'articuler avec l'objectif qu'a fixé le Président de la République à Nice – offrir cette généralisation à tous les Français, notamment les 4 millions de salariés actuellement non couverts ?

S'agissant du compte personnel de formation, nous restons un peu sur notre faim. L'accord avait beaucoup progressé sur les conditions de son utilisation. Ce projet de loi aurait donc pu arrêter définitivement ses contours, la loi de décentralisation et la future loi sur la formation professionnelle traitant ensuite de la gouvernance et du financement. L'objectif d'un projet de loi d'ici à la fin de l'année, qui a été annoncé par le Président de la République, doit être tenu : il y va de la compétitivité de notre pays et de la sécurité des salariés face au risque du chômage.

Le texte comporte une réforme du chômage partiel – l'activité partielle – et un nouveau dispositif – les accords de maintien dans l'emploi, que j'ai qualifiés de forme de chômage partiel négocié. Sera-t-il possible de recourir aux aides de l'État en cas de signature d'un accord de maintien dans l'emploi ? Je vous pose cette question car si nous envisagions de préciser le texte sur ce point, notre amendement tomberait sous le coup de l'article 40.

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