Intervention de Jean Jouzel

Réunion du 13 mars 2013 à 10h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean Jouzel, co-rapporteur de l'avis du CESE sur la transition écologique :

Dans le domaine de la datation de la terre et de l'univers, ses travaux ont tout de même été très significatifs, et il le méritait.

J'ai accepté de m'investir dans ce travail sur la transition énergétique en qualité de climatologue, bien sûr, mais aussi parce que le lien entre l'énergie et le climat m'a toujours intéressé. Je me suis d'ailleurs beaucoup impliqué dans le Grenelle de l'environnement, et je le suis également dans le comité de pilotage du débat national sur la transition écologique. Bien que nous ayons proposé cet avis sur la transition énergétique bien avant la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, il s'inscrit totalement dans la dynamique de la transition écologique. Puisque vous avez auditionné Mme Anne de Béthencourt et M. Jacky Chorin, vous savez que nous avons mené cet avis en parallèle et de façon complémentaire avec le rapport sur l'efficacité énergétique.

En tant que climatologue, je place les aspects environnementaux à un niveau assez élevé dans cette réflexion sur la transition énergétique, mais, en dehors même de ces sujets, beaucoup d'autres aspects de l'énergie devraient nous inciter à y réfléchir, qu'ils soient économiques, géopolitiques ou sociaux, avec les problèmes d'emploi et de précarité énergétique. On ne peut pas nier non plus, dans le contexte spécifique de changement climatique, que se profilent devant nous un réchauffement qui risque d'être important, une augmentation prévisible des prix de l'énergie et une raréfaction des ressources. Même si l'on parle maintenant plutôt de plateau que de pic pour le pétrole ou le gaz, le problème est toujours là dans la mesure où ce sont des quantités finies, en tout cas pour celles qui sont facilement exploitables. Il est important de ne pas limiter le débat au seul problème de l'électricité, qui n'est qu'une part de l'énergie. La transition énergétique concerne aussi la chaleur et la mobilité. L'industrie nucléaire est partie prenante de cette transition pour la partie électricité, et elle est mise en question au regard de sa sûreté, qui doit satisfaire des exigences de plus en plus importantes.

Ce qui peut intéresser un climatologue s'agissant des problèmes énergétiques, c'est le lien fort entre climat et énergie, en particulier les énergies fossiles, puisque les trois quarts de l'augmentation de l'effet de serre dans les années récentes sont liés à notre utilisation du pétrole, du charbon et du gaz naturel au niveau international. On peut aussi incriminer le méthane et les autres gaz à effet de serre, mais il faut avoir en tête que cette augmentation est liée pour 80 % au gaz carbonique et pour 10 % à la déforestation. Ce sont les chiffres au niveau international, ils sont un peu différents pour la France. Les rapports récents de la Banque mondiale ou de l'Agence internationale de l'énergie sont encore plus anxiogènes que ce que dit le GIEC : si nous laissons aller les choses comme nous le faisons actuellement, on ne pourra pas empêcher un réchauffement de l'ordre de quatre degrés dans la seconde partie du XXIe siècle, ce qui aura des conséquences très importantes. Aller vers une société sobre en carbone et émettre moins de gaz à effet de serre n'est pas une option mais vraiment un impératif.

Nous avons collectivement adhéré à cet objectif d'un maintien du réchauffement climatique en dessous de deux degrés. Cela exige que les émissions de gaz carbonique commencent à décroître d'ici à 2020 – ce qui est un véritable défi, sachant qu'elles augmentent actuellement à un rythme de 3 % par an –, et qu'elles soient divisées par trois au niveau mondial entre 2020 et 2050. Malheureusement, on sait déjà que l'objectif pour 2020 risque fort de ne pas être atteint, avec un fossé de l'ordre de 15 à 20 %.

Sur le plan national, la France a pris des engagements qui s'inscrivent largement dans un cadre européen et en conformité avec la directive sur l'efficacité énergétique. L'objectif du « facteur 4 », voire 5, de diminution des émissions de gaz à effet de serre est inscrit dans la loi sur l'énergie de 2005, votée pratiquement à l'unanimité. Le Grenelle de l'environnement a permis des avancées, avec beaucoup de réflexions qui n'ont pas toutes abouti mais qui se poursuivent. Enfin, un débat national sur la transition énergétique a été lancé, dont j'espère qu'il va vraiment aider à mûrir une loi qui devrait arriver devant vous à la fin de l'année.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion