Intervention de Patrick Pierron

Réunion du 13 mars 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Patrick Pierron, secrétaire national de la CFDT :

Le titre de cet accord est important : « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés ». Il ne s'agit pas de troc ou d'un donnant-donnant, mais de construire une vision globale du monde de l'entreprise pour une France plus compétitive.

Nous disons nous aussi haut et fort que nous nous retrouvons dans cet accord, comme dans le projet de loi du Gouvernement.

Cet accord prévoit des droits nouveaux pour ceux qui, aujourd'hui, en ont le moins, pour ceux qui vivent dans la précarité. Ce n'est pas commun, car, reconnaissons-le, dans les entreprises où les syndicats sont forts, ces avancées ont souvent déjà été obtenues par la négociation. Cela passe notamment par des droits rattachés à la personne.

La sécurisation des parcours professionnels est tout à fait nécessaire dans un monde où l'on ne fait plus toute sa carrière dans la même entreprise, où l'on alterne périodes de travail et périodes de chômage. Il faut faire reculer la précarité : il n'est pas normal que l'on travaille sans pouvoir vivre du fruit de son travail. L'accord comprend donc notamment des mesures pour encadrer le temps partiel subi.

La réaffirmation de la place du dialogue social comme élément de performance des entreprises et de compétitivité est un choc culturel majeur pour notre pays : cela n'allait nullement de soi, pour les syndicats comme pour le patronat. Cet accord renforce donc les institutions représentatives du personnel, et améliore la transparence ; il assure la participation des salariés à la gouvernance des entreprises. Ainsi, les salariés seront associés aux choix faits pour l'avenir des entreprises.

L'accord établit une distinction entre les entreprises qui créent des emplois et celles qui préfèrent la précarité et le chômage, entre celles qui forment leurs salariés et celles qui ne les forment pas, entre celles qui jouent le jeu du dialogue social et de la transparence et celles qui le refusent. Cette différence faite entre les comportements, par des sanctions différentes, est une grande première : elle permettra de créer une dynamique de coopération, plutôt que de confrontation, pour que la France soit demain plus compétitive. Voilà l'esprit dans lequel nous avons négocié.

Nous avons recensé dix nouveaux droits dans cet accord, au premier rang desquels le droit à une complémentaire santé financée à 50 % par les salariés et à 50 % par les employeurs : cela concerne 4 millions de salariés et permettra de réduire les inégalités et la précarité. L'accord met aussi en place des droits rechargeables, c'est-à-dire rattachés à la personne. Ainsi, la peur de perdre des droits en acceptant un emploi pour un temps court – qui est aujourd'hui un frein à la reprise d'un emploi – disparaît. C'est un élément de grande sécurité pour tous.

L'accord prévoit une taxation des contrats courts. Il ne s'agit pas de les faire disparaître, mais de rappeler que des tels contrats ne peuvent pas être la règle. Or, en 2011, 86 % des contrats étaient de moins de trois mois, moins d'un mois, et moins d'une semaine ; dans de telles conditions, un salarié ne peut pas obtenir de prêt, ni se loger ou fonder une famille. Il faut donc aller vers des contrats de longue durée, même si ces contrats demeurent des contrats à durée déterminée (CDD) ou des contrats d'intérim – les contrats de moins d'une semaine sont des CDI qui s'arrêtent pendant la période d'essai, et je ne parle donc pas ici de la nature du contrat.

Les droits rechargeables et la taxation des contrats courts sont deux modalités de la sécurisation : les premiers pour la sortie de l'emploi, les seconds pour l'entrée dans l'emploi.

Nous souhaitons également encadrer le temps partiel subi, mais il faut reconnaître humblement que c'est très compliqué : c'est pourquoi nous renvoyons à des accords de branche. En effet, nous avons tous en tête la caissière de la grande distribution – le temps partiel subi concerne en effet essentiellement les femmes, et beaucoup de foyers monoparentaux – dont les horaires, éclatés sur cinq jours et tout au long de la journée, l'obligent à demeurer à proximité de son lieu de travail. Nous avons donc voulu mieux encadrer ces emplois à temps partiel, afin que ces salariés puissent, soit travailler plus longtemps au sein de la même entreprise, soit trouver un deuxième employeur. Il s'agirait donc d'inciter les employeurs à compléter les temps partiels, ou au moins de regrouper les heures par journée ou par demi-journée.

Toutefois, entre la grande distribution et le monde des services à la personne ou des associations, les disparités sont immenses, ce qui rend très difficile l'établissement d'une règle unique : voilà l'esprit dans lequel nous avons travaillé, et que l'on retrouve d'ailleurs très bien dans le projet de loi.

Il faut donc promouvoir une organisation du travail qui permette de chercher un deuxième employeur, en incitant à regrouper les horaires par journée ou par demi-journée et en imposant un socle d'heures, ce qui déclenche les indemnités journalières pour les congés maladie ou maternité – les vingt-quatre heures autorisent l'accès aux nouveaux droits. Mais en raison de l'immense diversité des situations de temps partiel, nous proposons que toutes les dérogations relèvent des partenaires sociaux et d'accords de branches étendus : il peut y avoir des dérogations. L'accord ne valide cependant pas comme une norme la situation de salariés aux horaires éclatés et dont les salaires ne permettent pas de vivre correctement.

Les accords de maintien dans l'emploi constituent à nos yeux une avancée considérable. Il faut encadrer ces négociations pour qu'elles ne deviennent pas un marché de dupes, pour que les salariés d'un site ne négocient pas avec le pistolet sur la tempe – ce qui est la réalité aujourd'hui. Certains points peuvent donc être négociés au sein de l'entreprise, mais pas tous : il est impossible de baisser les salaires en dessous de 1,2 SMIC, aucune embauche ne peut être faite sur les bases de la dérogation au contrat de travail… De plus, nous soulageons les délégués syndicaux d'une partie de la pression qu'ils subissent en prévoyant une expertise des éléments fournis par l'employeur.

Ce sont des accords donnant-donnant : les salariés font des efforts, en échange d'un maintien des effectifs ; des sanctions doivent être prévues au cas où les engagements de l'employeur ne seraient pas respectés. Chaque partie s'engage pour sauver la boîte, le site, l'emploi. C'est là une mesure de sécurisation des parcours mais aussi de compétitivité à laquelle nous tenons beaucoup.

L'accord réaffirme la place du dialogue social, notamment pour négocier un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Négocier un tel plan, c'est quelque chose qui se fait déjà tous les jours ; mais cela n'est pas contractualisé. Ici, il y a une formalisation ; dans les périodes difficiles, les partenaires sociaux doivent pouvoir s'engager et coopérer.

L'homologation est un point important : l'État et ses services ne doivent pas rester hors du jeu ; ils ne doivent pas non plus fuir leurs responsabilités, notamment au cas où un plan de sauvegarde de l'emploi ne serait pas conforme à la législation. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) doivent jouer un rôle de contrôle et d'investigation.

Le compte personnel de formation constitue un réceptacle nouveau, qui pourra être utilisé par la future loi sur la formation professionnelle. Il faut l'associer au conseil en évolution professionnelle mis en oeuvre sur les territoires. Le salarié doit pouvoir être acteur de son propre parcours tout au long de sa vie professionnelle.

Cet accord, et le projet de loi qui en est la transcription, nous conviennent donc, même si nous avons quelques petites observations à faire : le passage de l'accord à la loi est un exercice difficile. L'esprit de l'accord est bien respecté, mais certains points doivent être précisés ou complétés : c'est votre rôle. C'est pourquoi nous vous remercions de nous auditionner aujourd'hui.

Les partenaires sociaux doivent prendre leurs responsabilités et s'engager, dans les périodes fastes mais aussi dans les périodes difficiles, pour créer de la compétitivité et de la performance dans les entreprises.

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