Tous les éléments publiés ces dernières semaines – qu'il s'agisse de l'excellent rapport de Corinne Erhel et Laure de La Raudière ou de l'avis de l'Autorité de la concurrence publié hier – confortent l'approche retenue par le Gouvernement dans le secteur des télécommunications.
Depuis neuf mois, le ministre du redressement productif et moi-même soutenons l'adoption d'une nouvelle stratégie industrielle axée sur la création de valeur et l'investissement dans le secteur des télécommunications et la filière numérique dans son ensemble. Notre objectif principal consiste à relancer les investissements et l'emploi dans l'ensemble de la filière numérique, tant chez les opérateurs que chez les équipementiers et les sous-traitants, notamment dans le secteur du bâtiment, dans celui de l'installation électrique, ainsi que dans les boutiques et les centres d'appel.
Les chantiers du très haut débit fixe et mobile constituent pour nous une opportunité de rétablir un cercle vertueux, créateur de croissance et d'emploi dans le secteur.
Sur les réseaux fixes, le plan annoncé par le Président de la République, doté de 20 milliards d'euros sur les dix prochaines années, constitue l'un des axes forts de la politique de croissance du Gouvernement, avec le projet du Grand Paris. Il s'agit d'un programme d'investissement clé tant pour la compétitivité française que pour l'aménagement de notre territoire. Le déplacement que nous venons d'effectuer en Australie et à Hong Kong nous a d'ailleurs montré l'intérêt que portent les investisseurs étrangers à de tels chantiers d'infrastructures, atout majeur pour attirer des investissements en France.
Sur les réseaux mobiles, le développement de la 4G et l'encadrement des accords d'itinérance vont nous permettre de développer une stratégie créatrice d'emplois et d'investissement. Là encore, le Gouvernement vise à replacer l'ensemble des opérateurs dans une logique d'investissement, et l'État au centre du secteur des télécoms.
Quant au très haut débit fixe, si l'on veut atteindre l'objectif fixé par le Président de la République, il est indispensable que l'État s'investisse davantage – aussi bien en termes financiers que de ressources humaines. C'est pourquoi, dans un premier temps, nous avons créé une mission sur le très haut débit dont le Président de la République a ensuite annoncé la pérennisation au sein de l'État.
S'agissant du haut débit mobile, si l'octroi de la quatrième licence de téléphonie mobile a posé problème, c'est parce que l'État n'a pas suffisamment accompagné les acteurs du secteur. Certes, il revient au régulateur d'en assurer la régulation économique. Mais il reste que l'État doit pleinement jouer son rôle en définissant sa politique industrielle. Je partage votre analyse, mesdames les députées : le Gouvernement doit renforcer ses compétences techniques et mieux les articuler avec celles de l'ARCEP, tout en respectant l'indépendance du régulateur et les principes posés par les directives européennes. Votre rapport pointe l'insuffisance des moyens qui me sont affectés : je ne manquerai pas de relayer votre remarque au plus haut niveau.
Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et moi-même avons également réfléchi à un éventuel rapprochement entre l'ARCEP et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). L'argument des dividendes numériques, souvent mis en avant pour le justifier, ne me paraît cependant pas pertinent puisque ces dividendes relèvent non pas d'une question de régulation, mais d'un véritable enjeu de politique industrielle du spectre – et donc de décisions du Gouvernement et du Parlement. Si je ne suis pas favorable à une fusion des deux régulateurs, je le suis davantage à une meilleure articulation entre ces deux instances sur des sujets d'intérêts communs tels que les relations entre les chaînes et les diffuseurs, notamment les opérateurs, ou encore la régulation de la télédiffusion hertzienne.
Précisant que l'itinérance doit être une étape transitoire et limitée dans le temps, l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence constitue un signal fort envoyé au marché et une réelle avancée pour l'encadrement de l'arrivée de Free sur le marché des télécommunications. Nous n'excluons d'ailleurs pas de créer un nouvel outil pour réfléchir à l'extinction de cette itinérance. L'Autorité de la concurrence aborde également la question de la mutualisation des infrastructures : celle-ci permettra de conserver un marché à quatre acteurs qui pourront collaborer de façon plus vertueuse que ne le permet l'itinérance et s'engager sans retard, malgré les tensions pesant sur leurs capacités d'investissement (capital and exploration expenditures, CAPEX), à réaliser des investissements créateurs de valeur et d'emplois. Cette clarification de notre environnement réglementaire était très attendue par les opérateurs. Une fois que l'ARCEP aura précisé les contours de cette réglementation dans sa décision du jeudi 14 mars prochain, les acteurs entameront une discussion afin de conclure des accords de mutualisation. Le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur les critères fondant la décision de l'ARCEP d'autoriser ou non le refarming, mais, une fois la décision rendue, il nous reviendra de fixer le niveau de la redevance applicable – sujet auquel plusieurs de nos services ont déjà consacré des études économiques en amont.
En ce qui concerne la filière des télécommunications, je souhaiterais apporter plusieurs précisions avant de répondre à vos questions plus en détail.
S'agissant tout d'abord des centres d'appel, le Gouvernement a annoncé en octobre 2012 sa volonté d'agir sur tous les leviers permettant de maintenir et de créer des emplois dans la relation client en France. L'avis rendu par le comité de filière invoque le principe de responsabilité sociale des entreprises. Dans ce secteur tout à fait particulier en effet, les opérateurs français ne subissent aucune concurrence étrangère et la France dispose d'avantages considérables et de solutions alternatives à la délocalisation, telles que la localisation des centres de relation client dans les départements d'outre-mer. À cet égard, je rejoins les préconisations des deux rapporteures.
Quant aux équipementiers, on constate qu'en matière de normalisation internationale, l'arrivée de la 4G n'a pas fait l'objet du même niveau de normalisation que les générations précédentes. Pourtant, l'essentiel de la recherche-développement mondiale en matière de technologies mobiles se trouve en Europe. Il convient donc que nous promouvions les équipementiers et les opérateurs de la filière européenne et que nous regagnions un rôle de prescripteur de normes.
Ainsi, Alcatel-Lucent ayant choisi de favoriser technologiquement ses clients américains pour le déploiement de la 4G, sans proposer les produits attendus par les opérateurs européens, se trouve désormais en perte de vitesse sur les marchés européen et français et peine à concrétiser des accords avec ses anciens clients dans le domaine de la téléphonie mobile.
Dans le cadre du prochain contrat de filière qui sera signé au sein du comité stratégique de filière numérique, je souhaite que nous renouions avec ce type de programmes vertueux regroupant des opérateurs et des équipementiers, comme ce fut d'ailleurs le cas entre Orange, alors la Direction générale des postes et télécommunications, et Alcatel, par exemple à Lannion. La contractualisation d'engagements de filière avec le comité stratégique de filière numérique contribuera ainsi au resserrement des liens entre les différents acteurs, notamment en matière de recherche et développement, et à la formalisation d'une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences tenant compte de notre nouvelle stratégie de déploiement du très haut débit et de ses conséquences en termes de création d'emplois dans les secteurs du génie civil et de l'installation électrique.
Il est essentiel que l'ensemble des pays européens s'inscrivent dans le même mouvement que la France, car notre marché domestique n'est pas suffisamment développé pour nous permettre de relancer des acteurs nationaux, tels qu'Alcatel-Lucent. Nous essayons notamment de faire en sorte qu'Alcatel tire le meilleur parti possible de sa position sur le marché de la téléphonie fixe et dans les réseaux de fibre optique FTTH. Je soutiens fortement l'ensemble des initiatives européennes visant à accélérer le déploiement des réseaux fixes, tel le projet de règlement sur l'accessibilité du génie civil.
Le Conseil national de la consommation se prononcera d'ici à la fin du mois sur la question de savoir s'il est nécessaire de modifier la loi Chatel pour créer un service premium tout en conservant un service client gratuit et de qualité.
Quant à l'élaboration d'études d'impact sur l'emploi et l'investissement, il nous est difficile d'obtenir des informations fiables de la part des opérateurs. Certains d'entre eux ont sans doute instrumentalisé, dans leur communication, les tensions pesant sur l'emploi et exercé un chantage pour bénéficier d'arbitrages favorables de la part du Gouvernement et du régulateur. Il nous faut par conséquent rester vigilants et entretenir un dialogue constructif avec eux afin d'éviter tout chantage de leur part.
En conclusion, Arnaud Montebourg et moi-même travaillons à l'élaboration d'un projet de loi afin de procéder aux évolutions législatives attendues et nécessaires dans les domaines du très haut débit, de la gestion des fréquences et de la sécurité des réseaux.