La situation sécuritaire à Bamako et Gao reste calme trois semaines après le déclenchement de l'offensive militaire française.
Les forces françaises, maliennes, nigériennes et tchadiennes poursuivent la sécurisation et la stabilisation des alentours des grandes villes. Certains itinéraires restent encore peu sûrs : une mine a notamment explosé à proximité de Gossi au sud-ouest de Gao et il reste des poches de groupes djihadistes au nord de Tombouctou, entre Gao et Kidal et à l'est, vers Ménaka et Asongo, malgré certaines frappes sur cette dernière ville.
À Kidal, les forces françaises sont sur place et bien acceptées par la population. Nous avons eu des contacts avec le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) : celui-ci, qui a toujours gardé ses distances avec les groupes terroristes et refusé la charia, laisse entendre qu'il peut accepter une solution politique dans le cadre d'un Mali unitaire, tout en nous faisant part de ses craintes d'exaction en cas de retour de l'armée malienne. À cet égard, le colonel qui a mené les forces spéciales à Kidal a fait preuve d'une grande intelligence de la situation. Deux sections d'infanterie parachutiste sont arrivées en renfort à Kidal, ce qui porte nos effectifs de 75 à 150 militaires, lesquels sont appuyés par des militaires tchadiens.
Par ailleurs, nous avons réalisé depuis samedi un nombre très important de frappes aériennes sur des objectifs ciblés dans l'Adrar des Ifoghas. Elles contribuent à désorganiser la logistique et les capacités des djihadistes : le but est de leur faire comprendre que même dans leurs sanctuaires, ils ne sont pas à l'abri.
Les groupes armés djihadistes sont répartis en trois ensembles principaux : un premier, lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), replié au nord, dans l'Adrar des Ifoghas et la zone de Timétrine – une zone plus grande que la France où seraient a priori situés les otages. Nos frappes se poursuivent sur place sur des objectifs préalablement identifiés par différentes sources de renseignement.
Le deuxième ensemble est localisé dans la région située entre Gao, Tombouctou et l'axe remontant vers Kidal. La zone au sud de Gao contient aussi de façon résiduelle des djihadistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et il y a une faible concentration de combattants dans la forêt de Ougadou, près de Diabali, que nous sommes en train de sécuriser avec le soutien des forces maliennes.
Le troisième ensemble a probablement quitté le Mali pour les pays voisins – la Mauritanie, l'Algérie, le Burkina Faso, le Niger, la Guinée ou le Tchad. Sur les frontières algériennes, la sécurisation se fait à peu près bien, mais vu leur ampleur, il y a toujours des possibilités d'intrusion, de même que sur la frontière mauritanienne. Du côté du Tchad, il n'y a pas d'inquiétudes de ce type, mais il reste des fragilités au Niger et surtout du côté de la Libye. Le ministre délégué chargé des anciens combattants, Kader Arif, est aujourd'hui dans ce pays pour discuter avec les autorités en vue de sécuriser davantage la frontière – ce qui est compliqué étant donné la situation militaire et politique de ce pays.
En tout cas, les groupes armés djihadistes ont perdu l'initiative sur le terrain. Nous allons donc continuer nos frappes en vue de les désorganiser. Mais il n'est pas exclu qu'ils ripostent par le biais d'actions asymétriques, en utilisant des engins explosifs improvisés –IED –, des engins explosifs, voire effectuent des actions kamikazes..
S'agissant de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), les forces africaines poursuivent leur déploiement dans le pays. Atteignant aujourd'hui près de 4 000 hommes en comptant les Tchadiens et les Nigériens, elles s'installent progressivement dans différents sites en dehors de Bamako : les Togolais sont à San, les Burkinabé à Markala, les Nigérians à Banamba et, à l'est, se trouvent les Tchadiens et les Nigériens – ceux-ci contribuant à la sécurisation de Gao.
Le soutien international se poursuit également. L'appui opérationnel de nos partenaires occidentaux se maintient, essentiellement au bénéfice des contingents africains. L'aide américaine continue tant pour le transport stratégique que pour le ravitaillement en vol et le renseignement. Elle est particulièrement utile et efficace dans ce dernier domaine : nous avons mis au point un dispositif de fusion de l'ensemble de nos éléments de renseignement, ce qui nous permet d'ajuster nos frappes au nord..
Concernant la mission européenne EUTM Mali, je suis allé voir ce matin à Vannes le 3e régiment d'infanterie de marine (RIMA) et la 9e brigade d'infanterie de marine, qui a la charge de fournir les éléments cadre de cette mission. Celle-ci sera installée à partir du 12 février à Koulikoro, à l'exception de la partie état-major qui sera à Bamako. Les participations des différents États de l'Union seront achevées d'être actées aujourd'hui. Seront formés quatre bataillons maliens de 665 hommes chacun dans le cadre de stages de neuf semaines. Le général Lecointre, qui dirige la 9e brigade d'infanterie de marine, sera le chef de la mission, qui aura aussi pour vocation d'aider, non seulement à la structuration de l'armée malienne, mais à sa connaissance du droit international, avec des modules de formation de protection des civils et de droit humanitaire.
Il faut aussi réfléchir à l'élargissement de cette mission, afin de former les forces de sécurité maliennes, qu'il s'agisse de la gendarmerie, des douanes ou des gardes-frontière. Cela supposerait un nouvel engagement de l'Union européenne, à l'image de ce qu'elle fait aujourd'hui pour la Somalie. Je le proposerai lors de la prochaine réunion des ministres européens de la défense, qui se tiendra dans une semaine. Cette seconde mission devrait être installée assez vite : le Mali doit se restructurer. J'ai donc décidé ce matin le départ des 120 militaires français préparés à cet effet.
Nous avons aujourd'hui 4 000 militaires sur place, avec leur matériel : ce nombre, qui n'a pas vocation à s'accroître, diminuera au fur et à mesure de la montée en puissance des forces africaines. Le processus de réconciliation politique que nous appelons de nos voeux est plus difficile dès que l'on avance vers le nord, où les populations sont différentes : il a été rappelé par le président Traoré dans son discours aux Maliens prononcé avant celui du président Hollande – il en a d'ailleurs exprimé la volonté à celui-ci en ma présence. Ce processus suppose de conduire une partie politico-militaire délicate, mais avec ce soutien et le savoir-faire de notre ambassadeur à Bamako et de nos officiers sur place, on peut y parvenir et mener à bien la libération du nord – en faisant en sorte que les éléments de population touarègue ou arabe du nord participent à la réconciliation.
Le président Traoré a annoncé publiquement samedi dernier que les élections auraient lieu le 31 juillet prochain. Il importe à cet égard qu'il y ait les contacts nécessaires avec les représentants touaregs, qui ne sont pas nécessairement ceux du MNLA.
Enfin, au plan international, a été émise l'idée de transformer le cadre d'action de la MISMA – régie par la résolution 2085 – en une opération de maintien de la paix assurée par les casques bleus, qui ferait l'objet d'une autre résolution. Cette nouvelle configuration nous paraît plus adaptée à la situation actuelle : elle permettrait d'avoir un cadre juridique plus robuste et plus déterminé vis-à-vis des forces africaines – le vice-président Biden s'y est d'ailleurs montré très favorable hier. Elle suppose environ un mois de préparation diplomatique pour avoir un accord du Conseil de sécurité. Cela étant, je rappelle que notre intervention repose toujours sur le fondement de l'article 51 de la Charte des Nations Unies.