Intervention de Aymeric Elluin

Réunion du 13 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Aymeric Elluin :

Merci de votre invitation, qui témoigne de l'intérêt du Parlement pour le contrôle des exportations d'armes et la défense des droits humains.

Le chemin qui nous a mené à la situation présente a été long. L'idée de régulation du commerce des armes a été lancée au début des années 1990 par Amnesty International et trois autres ONG. Le dernier essai de convention sur le commerce des armes remonte au projet avorté de la SDN en 1925. Aujourd'hui, on avance, on y est. Lors de l'adoption de la résolution de novembre 2012 convoquant la conférence qui va s'ouvrir, Amnesty International a défendu l'idée d'une conférence finale : nous travaillons sur ce traité depuis vingt ans, il est temps d'aboutir.

En 2006, les Nations Unies ont étudié la faisabilité d'un traité, puis le processus de négociation officiel a été lancé ; cinq comités préparatoires y ont travaillé pendant près de deux ans, ce qui est extrêmement long compte tenu des pertes que subissent chaque jour les populations civiles – dont font partie 80 % des victimes – au Mali, en Syrie, en RDC, en Côte d'Ivoire, en Colombie. C'est un massacre permanent, perpétuel.

Il nous faut aujourd'hui un traité qui soit solide. Pour Amnesty International, le projet du 26 juillet constitue une base solide de négociation, mais mérite d'être amélioré afin d'atteindre les buts et objectifs du traité. Quels sont-ils pour l'essentiel ? Le texte a vocation à encadrer la vente d'armes, les transferts d'armes dans le monde – puisqu'il existe un vide juridique –, mais aussi et surtout à les rendre plus responsables. Aujourd'hui encore, de nombreux transferts sont irresponsables, irrespectueux des règles du droit international humanitaire et des droits humains. Nous avons publié hier un nouveau rapport qui le montre à propos des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le projet existe et nous sommes à quelques jours de l'ouverture de la conférence. Comme l'a dit M. l'ambassadeur, celle-ci n'a pas vocation à rouvrir le débat sur l'ensemble du traité, ce qui est inconcevable en neuf jours et reviendrait à condamner le texte. En revanche, il faut tout mettre en oeuvre pour tenter d'améliorer celui-ci sur plusieurs points.

Tout d'abord, son champ d'application, qui ne s'étend pas à l'ensemble des armes au sens d'Amnesty International. En particulier, les munitions et les parties composantes sont prises en considération de façon dégradée : elles ne font pas l'objet d'un contrôle exhaustif au titre de l'article 2.

En ce qui concerne les interdictions expresses et le processus d'évaluation nationale – articles 3 et 4 –, nous demandons un renforcement, voire une réécriture, des dispositions du traité afin de rendre plus rigoureux le contrôle effectué par les États. Ainsi, le problème des violences sexuelles et celui des enfants soldats font l'objet d'un traitement tout à fait insuffisant.

Amnesty International est bien conscient du fait qu'il s'agit d'une négociation internationale entre 193 États aussi différents que le Zimbabwe, la Syrie, la France, les États-Unis, la Corée du Nord, le Venezuela et l'Argentine. Le projet actuel de traité est le fruit de compromis que nous ne remettons pas en cause. Mais nous espérons convaincre la France et plusieurs autres pays, en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité, d'aller de l'avant et de tenter d'améliorer le texte.

Amnesty International souhaiterait que la transparence y soit renforcée, notamment en faisant en sorte que les rapports publics sur les transferts d'armes soient réellement diffusés à l'ensemble de la société civile et aux parlements nationaux.

Aux termes de l'article 5.2, les accords de coopération en matière de défense ne seraient pas soumis au traité. Cela pose un véritable problème : cet article remet manifestement en cause les buts et objectifs du traité. Amnesty International souhaite donc sa suppression. En effet, comment un traité sur les transferts d'armes peut-il inclure un article soustrayant aux dispositions du texte tous les transferts d'armes effectués au titre d'accords de coopération en matière de défense ? C'est inimaginable. La Syrie reçoit aujourd'hui des armes au titre d'accords de coopération et de contrats avec la Russie.

Nul n'ignore que la France fait partie des pays qui soutiennent le traité. Ses représentants – les ministères, M. l'ambassadeur – ont souvent repris les positions d'Amnesty International, qu'ils connaissent très bien. Nous en discutons et nous étudions ce qui est possible compte tenu des lignes rouges de la France. Amnesty International n'est pas là pour casser la négociation, mais pour encourager l'adoption du meilleur traité possible, parce que nous nous préoccupons du sort des populations civiles sur le terrain. Au cours de mon intervention, plusieurs personnes auront perdu la vie à cause du problème dont nous discutons : on considère qu'il en fait mourir une par minute. Au-delà des intérêts des États, il nous faut nous soucier de ceux des populations civiles, qui, on l'a vu en Syrie et au Mali, paient aujourd'hui le prix fort.

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