L'industrie française de l'armement est un élément clé de notre souveraineté nationale, de notre politique étrangère et de notre industrie de défense. Elle représente 300 000 emplois. Tout ce qui vient limiter nos exportations d'armes remet en question notre capacité à construire nos propres armements et à mener des opérations dont nous sommes bien contents d'être capables aujourd'hui.
Ensuite, lorsque la France accepte des normes de contrôle comme la convention de l'OCDE, il faut que tous les appliquent. C'est ce que j'avais dit à l'époque – j'étais alors député. Or, si nous les appliquons, les autres ne le font pas ; et si la France a chuté au cinquième rang des pays exportateurs d'armes, c'est en grande partie à cause de cette convention. Nous ne payons plus de commissions tandis que de nombreux fournisseurs d'armes occupent des marchés émergents où chacun sait que la vente d'armement implique d'acquitter des commissions occultes. Si transparence il y a, elle doit être également partagée par tous.
En l'état, ce traité me rappelle une formule américaine bien connue : « Motherhood and apple pie ». Tout le monde aime la tarte aux pommes et personne n'est contre la maternité. Tout le monde est d'accord pour que les États adoptent de telles mesures. La France le fait d'ailleurs déjà, avec sa législation sur la CIEEMG et la publication annuelle du rapport du ministère de la défense. Ces dispositions sont transcrites à peu de choses près dans le traité. Les modifications que celui-ci impliquera en droit interne français seront donc minimes. En revanche, l'idée d'un registre international des ventes d'armes, que je défends depuis des années, avec d'autres, au Stockholm International Peace Research Institute n'y figure même pas, non plus que le principe d'une régulation un tant soit peu sérieuse des armes légères, qui, elles, tuent – ce ne sont pas les Rafale et les hélicoptères Tigre que l'on déclare utiliser dans la lutte antiguérilla ! Ce trafic d'armes en parallèle perdurera.
Le problème économique n'est pas résolu : plusieurs pays, dont des producteurs émergents – l'Inde, le Brésil, Israël –, vendent des armes à travers le monde, souvent en coopération, parfois au moyen d'une coopération baroque entre des pays qui n'ont guère d'affinités politiques, et conquièrent des marchés à l'exportation dans le monde émergent. Ce traité fait plaisir aux ONG, c'est certain ; il satisfera les tenants du politiquement correct, c'est évident ; il donnera lieu à quelques articles bien-pensants dans les médias ; mais il va contribuer à compromettre la compétitivité de notre industrie, essentielle à notre souveraineté et à notre politique étrangère.
Je suis désolé d'être aussi direct, mais nous sommes à l'Assemblée nationale, pas dans une assemblée générale d'étudiants ! Soyons sérieux. Il y va de notre capacité à préserver notre politique de défense, dont les outils ont été forgés par une politique industrielle nationale qu'il n'est pas question d'abandonner. Une partie de cette politique industrielle n'est justifiée que si nous sommes capables d'exporter : c'est ainsi que nous continuons de figurer parmi les pays qui mènent des travaux de recherche-développement. Nous couper nous-mêmes les bras alors que d'autres se gardent de le faire, cela revient à un marché de dupes ! Ce traité ne contraint nullement nos principaux compétiteurs, ni les émergents, et ne mettra pas fin aux livraisons d'armes légères et autres équipements qui sont envoyés sur les théâtres d'opérations et utilisés contre les populations civiles.
Au total, je ne trouve pas que ce traité soit une très grande affaire, ni pour la communauté internationale, ni pour notre pays.