Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 13 mars 2013 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement :

Ce projet de loi « portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice … » n'attire pas l'attention, mais il comprend des dispositions majeures de transposition de la Convention d'Istanbul et de la Directive européenne sur la traite.

Pour lutter contre les mariages forcés, monsieur Destot, nous nous inspirons beaucoup d'une institution britannique, la Forced Marriage Unit (FMU) qui fonctionne remarquablement, en cohérence avec le Foreign Office, les services de l'éducation nationale, ceux des droits des femmes, etc.. En effet, il faut mener des campagnes d'information, notamment dans les établissements scolaires, former les personnels de l'éducation nationale et ceux qui s'occupent du droit d'asile à reconnaître ce type de situation. Depuis 2006, une femme peut demander le droit d'asile en France sur le motif qu'elle est menacée d'un mariage forcé. Cela suppose un réseau consulaire extrêmement réactif.

J'ai enfin été interrogée sur les violences conjugales. En ce domaine aussi, nous devons être exemplaires. Nous avons adopté un plan d'action en novembre dernier, comme l'a rappelé le Président de la République. Ce plan s'articule autour de trois « p » : prévention, protection et punition.

Pour améliorer la prévention, il faut communiquer davantage sur la réalité des violences conjugales, qui ne doivent plus être taboues. Aujourd'hui, à peine une femme sur dix victimes de violences conjugales ou sexuelles porte plainte.

Jusqu'à présent, on avait beaucoup de mal à distinguer, dans les statistiques de police et de justice, les faits qui relevaient de la violence conjugale, car ils n'étaient pas identifiés comme tels. Bientôt, grâce à l'action conjointe du ministère de l'intérieur et de la justice, le problème ne se posera plus.

Nous allons relancer l'enquête VIRAGE – enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre – dont la dernière version date de 2000. Dès que les résultats seront connus, ils seront rendus publics.

Nous sommes en train de préparer, avec Vincent Peillon, une circulaire sur l'éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées, qui sortira dans quelques semaines.

Nous devons par ailleurs faire en sorte que lorsqu'une femme tire la sonnette d'alarme, elle bénéficie d'une écoute attentive et d'un accompagnement, ce que notre société ne lui garantit pas toujours. Certes, il existe une plate-forme téléphonique d'accueil des femmes victimes de violences – le 3919. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, elle ne fonctionne pas 24 heures sur 24. Malgré les contraintes budgétaires, nous allons renforcer les moyens du 3919 et faire en sorte que ce soit le cas.

L'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement des femmes victimes de violences passe par les commissariats et les gendarmeries. Nous allons y généraliser la présence d'assistants sociaux – jusqu'à présent, il ne s'agissait que d'expérimentations. Elle passe également par la formation des professionnels – de police et de gendarmerie, mais aussi de la santé.

Elle passe enfin par la généralisation, sur tout le territoire, du dispositif de téléphone portable « grand danger » car il a fait ses preuves là où il a été expérimenté. Un tel dispositif est particulièrement adapté au cas des femmes qui sont menacées de récidive de la part de l'auteur des coups. Il a évité la mort à plusieurs d'entre elles. Lorsque l'on appuie sur une touche, la police arrive sur les lieux en moins de dix minutes.

Cela dit, les femmes hésitent à tirer la sonnette d'alarme, car elles craignent de se retrouver dans la rue avec leurs enfants. Voilà pourquoi il est indispensable de leur offrir des hébergements d'urgence. Le 25 novembre dernier, le Président de la République a pris l'engagement suivant : sur les 5 000 hébergements d'urgence que nous créerons pendant ce quinquennat, un tiers sera réservé aux femmes victimes de violences – ce qui reviendra à doubler l'existant.

Après la prévention et la protection, il faut se préoccuper de la punition. En effet, s'il n'y a pas de sanction ou si celle-ci n'est pas à la hauteur, se développe un sentiment d'impunité, contre lequel il faut lutter. Pour autant, il ne faut pas négliger le suivi – notamment psychologique – des auteurs de violences, si l'on veut éviter la récidive. J'y suis particulièrement attachée.

Voilà ce que nous faisons. Mais c'est aussi parce que nous le faisons que nous sommes à même de ratifier la Convention d'Istanbul, qui était assez ambitieuse en la matière.

Parmi les victimes de violences, il y a des femmes étrangères. Or certaines conventions bilatérales passées entre la France et des pays comme, par exemple, l'Algérie, font que le droit personnel de ces femmes relève toujours de leur pays d'origine et non pas de la France où elles vivent. Et dans certains de ces pays, le consentement n'est pas expressément requis pour célébrer un mariage. La France peut donc être amenée à reconnaître un mariage célébré à l'étranger, alors que l'épouse vit dans notre pays et devrait plutôt se voir appliquer le droit français. C'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi relatif aux droits des femmes que je présenterai au mois de mai prochain, nous examinerons cette question du droit personnel applicable aux femmes étrangères installées en France. Nous voudrions que la dérogation actuellement prévue pour toutes les questions d'ordre public soit étendue aux questions relatives à l'égalité hommesfemmes et au droit des femmes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

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