TRACFIN est le service le plus récent de la communauté du renseignement à laquelle il a été formellement intégré en 2007, année de la création de la délégation parlementaire au renseignement. L'intégration des services du ministère de l'économie et des finances résulte d'une initiative parlementaire, les projets du Gouvernement n'incluant au départ dans le champ de votre délégation que les deux services militaires ainsi que la DGSE et la DCRI. Il aura fallu attendre l'ordonnance du 30 janvier 2009 pour qu'évolue le cadre juridique de TRACFIN et que le service acquiert véritablement la capacité juridique d'échanger des informations avec les autres services.
Autre caractéristique, il est le plus petit des six services. Il emploie actuellement environ 90 personnes ce qui en fait, de loin, le plus petit service de la communauté du renseignement. Ceux-ci connaissent néanmoins une hausse modeste, mais régulière.
Sur le plan administratif, TRACFIN est désormais rattaché au seul ministre de l'économie et non plus sous celle conjointe de l'économie et du budget.
Je dirige ce service depuis septembre 2008. Si, pour des raisons historiques, le personnel est principalement recruté au sein de la Direction générale des douanes, dont TRACFIN est issu, nous faisons maintenant appel aux autres administrations de Bercy, voire au secteur privé puisque nous embauchons aussi des contractuels.
Outre notre taille, nous présentons, au sein de la communauté du renseignement, de nombreuses particularités. Nous ne sommes pas un service généraliste : nous sommes chargés de surveiller les flux financiers clandestins en vue de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme et notre mission est précisément définie par la loi. Le code monétaire et financier fixe nos moyens et nos buts. Les autres services de la communauté du renseignement recherchent, analysent et exploitent le renseignement. Pour notre part, nous nous centrons quasi-exclusivement sur l'analyse d'informations.
Le renseignement que nous recevons est d'origine légale ; il provient essentiellement de l'obligation faite à certains acteurs privés de nous le transmettre. Nous n'avons donc pas d'équipe de recherche, tout au plus pouvons-nous orienter les capteurs en sensibilisant nos informateurs légaux à ce qui nous intéresse. Aussi peut-on parler d'un service discret plutôt que secret. Nos sources sont exclusivement celles fixées par la loi. Nous recevons entre 100 et 150 informations par jour et nous efforçons de les analyser afin de repérer, en procédant à des recoupements et des rapprochements, les opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme, pour in fine caractériser le soupçon.
Les informations analysées sont ensuite complétées en recourant à notre droit de communication auprès d'une quarantaine de professions – les banques, mais aussi les compagnies d'assurance, les autres administrations de l'État, les notaires, les huissiers, en somme toutes les professions réglementées. De cette façon, nous reconstituons des flux qui fondent, ou non, une suspicion de blanchiment ou de financement du terrorisme. Notre rôle consiste aussi bien à lever qu'à confirmer les soupçons des opérateurs s'interrogeant sur la légitimité d'une opération financière.
Pour des raisons historiques, nous entretenons des liens étroits avec les autorités judiciaires. Dans le strict respect de l'article 40 du code de procédure pénale, dès que nous avons une présomption suffisante et raisonnable, nous transmettons les informations en notre possession au procureur de la République, ce qui a représenté l'année dernière un peu plus de 500 dossiers. Ce chiffre fait de TRACFIN le premier pourvoyeur administratif, et de très loin, d'affaires judiciaires dans le domaine économique et financier.
En 2009, le périmètre de nos destinataires s'est élargi. Nous avons été autorisés à communiquer des informations aux autres services de la communauté du renseignement et à d'autres administrations, sous réserve que les opérations en cause se rapportent à des faits susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à des intérêts fondamentaux de l'État. Le plus souvent, nous échangeons avec la DGSE et la DCRI, plus rarement avec la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), marginalement avec la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Pour des raisons historiques, nous conservons des relations avec la douane sous ses deux casquettes, c'est-à-dire à la fois en tant qu'administration fiscale et service de renseignement – la DNRED – traitant les trafics d'armes et la prolifération nucléaire. Nous n'avons que très peu de sujets en commun avec la Direction du renseignement militaire. Depuis décembre 2011, nous pouvons également transmettre des informations aux organismes de sécurité sociale.
Parmi les caractéristiques importantes de TRACFIN figure le lien structurel tissé avec l'autorité judiciaire au cours de nos vingt ans d'existence. Nous conservons à son égard un rôle important de renseignement. La réforme mise en oeuvre en 2011 comportait la création d'un poste de conseiller juridique du directeur, confié à un magistrat judiciaire. La titulaire, numéro 2 bis de l'organigramme, est destinée à tout voir mais à ne rien décider. Elle me fournit des avis juridiques, dont certains sont d'ailleurs obligatoires pour transmettre les dossiers. Cette fonction assure une transparence de nos processus vis-à-vis de l'autorité judiciaire à l'égard de laquelle nous conservons toutefois une autonomie complète.
Notre service est placé sous l'autorité exclusive du ministre de l'économie. Il nous est arrivé, exceptionnellement, d'opposer à l'autorité judiciaire les règles du secret ou du confidentiel défense. Par ailleurs, le code monétaire et financier prévoit explicitement que les déclarations de soupçon reçues par TRACFIN sont soumises à la protection du secret des sources, y compris vis-à-vis de l'autorité judiciaire. Elle ne peut me demander la source des informations ayant servi à étayer un dossier judiciaire que dans des cas très limitatifs, à savoir un soupçon exprès à l'encontre d'une personne susceptible d'avoir fait une déclaration de soupçon. Lorsque cette situation survient, ce qui est assez rare, j'apprécie l'opportunité de répondre au regard du cadre légal. Jusqu'à présent, le dispositif a fonctionné à la satisfaction des deux parties et nos relations sont empreintes de confiance réciproque. Enfin, on peut toujours s'organiser pour faire savoir à l'autorité judiciaire certains éléments sans qu'elle ait à nous les demander.