Il n'y a pas de seuil de déclenchement des investigations et nous n'en voulons pas, d'autant que la définition que donne le code pénal du blanchiment – le recyclage de fonds issus d'une activité criminelle ou délictuelle – n'en prévoit pas. En pratique, nous appliquons l'adage de minimis non curat praetor dans la mesure où nos moyens ne permettent pas de tout voir dans le « brouillard » dans lequel nous évoluons. Toutefois, il nous arrive régulièrement de travailler sur des flux de quelques milliers d'euros quand nous disposons déjà d'informations ou selon les priorités du moment. On peut par exemple suivre au plus près ce qui se passe en Corse.
Après le 11 septembre 2001, une certaine doctrine d'origine essentiellement américaine estimait que, pour éradiquer le terrorisme, il suffirait de tarir ses sources de financement. D'où la mission nouvelle qui a été confiée en 2001 aux cellules de renseignements financiers. Cette idée est dans une large mesure remise en cause car le terrorisme ne nécessite pas forcément des moyens de financement conséquents, sans qu'il faille y renoncer totalement. Certes, il suffit d'un couteau de cuisine pour commettre un attentat, mais, en pratique, tout réseau terroriste a besoin d'un minimum d'infrastructures, d'une logistique financière, de moyens d'existence. Et, surtout, on peut lutter contre le terrorisme par le biais du financement parce qu'il laisse des traces – parfois un simple péage d'autoroute réglé par carte bancaire. Il faut savoir les exploiter. Nous travaillons un peu à la manière des écoutes téléphoniques qui utilisent de moins en moins le contenu des communications et de plus en plus les métadonnées. À partir d'informations obtenues par la communauté du renseignement sur certaines cibles, nous reconstituons les réseaux financiers permettant leur détection. Dans ce cas, nous travaillons au premier euro.
Au quotidien, compte tenu des volumes en jeu et des capacités d'absorption de l'autorité judiciaire, nous fixons de seuils pour la fraude aux organismes sociaux, le travail au noir, dont les flux financiers clandestins explosent et qui parfois relèvent de la criminalité organisée.
Quitte à vous inquiéter, j'admets, pour répondre directement à votre question, avoir accès sans restriction, dans le cadre de nos investigations et de notre mission, à l'intégralité des comptes bancaires de toutes les personnes physiques et morales sur le territoire national.