Intervention de Alain Costes

Réunion du 13 mars 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Alain Costes, directeur « normalisation » à l'Association française de normalisation, AFNOR :

Au vu des indicateurs existants, la France occupe, en matière de normalisation, le deuxième rang européen après l'Allemagne et le troisième au sein de l'ISO, derrière l'Allemagne et les États-Unis. La priorité, à mon sens, est de conserver cette position en ciblant plusieurs domaines plutôt que d'adopter une attitude conquérante. Le poids de la Chine, quasi nul il y a dix ans, représente désormais la moitié de celui de la France au sein de l'ISO : si, en accord avec l'Allemagne et les États-Unis, nous avons volontiers fait de la place à ce pays, nous considérons désormais qu'il n'y a plus de raisons de lui faire de « cadeaux », d'autant que son marché lui donne beaucoup de pouvoir. Nous entendons désormais limiter la coopération à ce qui peut être utile.

L'AFNOR est responsable de l'ensemble de l'activité de normalisation en France ; elle élabore une partie des normes françaises, en coopération avec des bureaux de normalisation sectoriels tels que l'Union technique de l'électricité et l'Union de normalisation de la mécanique, dont nous supervisons les travaux. L'AFNOR défend enfin les intérêts français à l'international, au sein du CEN et de l'ISO.

La norme dont s'occupe l'AFNOR est dite « volontaire », c'est-à-dire qu'elle donne présomption de conformité : elle inclut des savoirs et des savoir-faire ; elle a donc un prix. La norme est également un produit vivant, puisqu'elle fait l'objet d'un réexamen tous les cinq ans au plus. Ce travail s'effectue dans la transparence, la publication d'une nouvelle norme étant précédée d'une enquête publique que chacun peut consulter et commenter : notre commission de normalisation doit prendre en compte toutes les remarques formulées à cette occasion.

Le format de papier A4, créé par les Allemands, offre un bon exemple de norme volontaire. L'intérêt de la norme est de garantir l'adéquation du produit aux usages que l'on en peut faire – en l'occurrence, introduire les feuilles de papier dans une imprimante ou une enveloppe, par exemple –, mais la commercialisation d'un autre format n'a rien d'illégal : on le voit chaque année avec les cartes de voeux. De même, si les appareils d'Apple ne sont pas compatibles avec les normes techniques des clés USB, non plus qu'avec celles des fichiers MPEG, cela n'empêche pas cette entreprise d'occuper une place majeure sur le marché du numérique.

Notre pays possède un portefeuille de 33 000 normes. Ce volume est globalement stable, dans la mesure où le nombre de normes créées est à peu près équivalent à celui de normes supprimées, soit environ 2 000 par an – au demeurant, il ne s'agit parfois que de remplacer des normes anciennes par une version actualisée. Sur l'ensemble du stock, 400 normes sont, aux termes exprès de la réglementation, d'application obligatoire : elles concernent souvent la sécurité, par exemple pour les établissements recevant du public (ERP) ou l'électricité.

De notre point de vue, la norme offre trois avantages majeurs aux entreprises et à l'économie en général. Référentiel public, elle permet en premier lieu de fluidifier les marchés et d'optimiser le coût d'approvisionnement des entreprises, puisqu'un fabricant n'a qu'à la mentionner auprès d'un fournisseur pour obtenir le produit adéquat. De plus, en mettant en avant la conformité de ses produits avec telle ou telle norme, l'entreprise se facilite l'accès au marché.

Par ailleurs, la norme diminue les asymétries d'information du marché : elle traduit des niveaux de performance et des contenus intrinsèques, comme les chevaux DIN pour les voitures. Ce faisant, elle empêche les mauvais produits, souvent moins coûteux, de remplacer les bons et met en relief les contraintes extérieures, liées par exemple aux objectifs de développement durable. Ainsi, les normes de consommation électrique ont permis de valoriser, auprès des consommateurs, les réfrigérateurs plus économes, si bien que ne subsistent sur le marché que les produits estampillés A, AA ou AAA. En ce sens, la normalisation a un effet protecteur pour les entreprises françaises, souvent plus performantes.

Enfin, la norme étant en perpétuelle adaptation, elle accompagne les évolutions du marché et permet de soutenir l'innovation. Selon une étude allemande, la normalisation génère près de 50 % de la croissance du PIB. L'utilisation des normes et la fluidification du marché qui en résulte, en acquisition de fournitures comme en vente, représentent enfin un gain compris entre 1 et 4 % du chiffre d'affaires des entreprises.

La norme résultant d'un consensus, les travaux qui président à son élaboration sont ouverts et transparents : ils réunissent autour d'une même table les consommateurs et les entreprises concurrentes. Chacun se prononce évidemment en fonction de ses compétences propres ; ainsi, la norme devient un outil, non seulement d'adaptation au marché, mais aussi d'intelligence économique : en participant à son élaboration, les entreprises d'un même secteur peuvent échanger des informations sur des technologies, des innovations ou des critères de qualification, en d'autres termes anticiper les évolutions du marché.

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