Intervention de Alain Savary

Réunion du 13 mars 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Alain Savary, directeur général d'AXEMA, union des syndicats des agroéquipements :

Après un bref exposé du contexte pour le secteur des agroéquipements, j'évoquerai les travaux de normalisation qui le concernent et les perspectives d'avenir.

AXEMA regroupe 250 entreprises françaises, des TPE jusqu'aux groupes multinationaux, qui conçoivent, importent ou exportent des machines agricoles. Le secteur génère en France un chiffre d'affaires de 5,5 milliards d'euros, sur un total de 72 milliards pour l'ensemble du monde et de 22 milliards pour l'Europe. Notre pays est le premier marché européen, lui-même premier marché dans le monde. Les produits concernés vont des tracteurs, semoirs, moissonneuses-batteuses ou machines destinées à l'élevage – salles et robots de traite, systèmes d'alimentation animale – jusqu'aux pressoirs à vin, serres horticoles, systèmes d'irrigation de maraîchage, en passant par les machines d'entretien des parcs et jardins – débroussailleuses, tondeuses ou tronçonneuses –, destinées aux professionnels comme au grand public.

La grande variété de la taille des entreprises concernées a une incidence sur la normalisation. En outre, le marché se caractérise par sa dimension internationale : si les trois quarts de la production française sont exportés, les trois quarts des produits vendus en France sont importés. Ces ordres de grandeur valent aussi pour l'Allemagne, l'Italie et les principaux pays étrangers. Enfin, rares sont les machines uniques et indépendantes : la plupart doivent être combinées à d'autres, ce qui suppose un minimum de standardisation.

Ces différentes raisons expliquent que la normalisation soit un sujet très ancien pour le secteur : la question s'est posée au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec la mécanisation de l'agriculture, lorsqu'il fallut harmoniser la puissance des tracteurs avec les autres outils. Dans les années 50, 60 et 70 les industriels ont été incités à s'impliquer dans ce chantier, principalement au niveau de l'ISO. Des développements ultérieurs sont intervenus via le CEN et l'AFNOR, pour le secteur des machines et celui des tracteurs, le premier étant régi par la directive « Machines », dont la première version a été adoptée en 1989 et la dernière révision date de 2006. Les entreprises françaises participent à ces différents groupes de normalisation, dont l'un, le CENTC 144, est sous présidence française. Bien que l'Allemagne soit la principale intervenante au niveau européen, la présence française s'intensifie par le biais des syndicats et des entreprises. Cet engagement a permis d'associer de nombreuses PMI intéressées par l'harmonisation des normes dans le cadre de l'export. Je veux également saluer l'action de la sous-direction de la qualité pour l'industrie et de la normalisation au ministère de l'intérieur, dite SQUALPI, avec laquelle nous travaillons activement et efficacement.

Cette dynamique a récemment suscité la rédaction volontaire, hors contrainte réglementaire, de normes environnementales pour les pulvérisateurs de produits phytosanitaires et les épandeurs d'engrais. Dans le secteur des tracteurs, les normes sont moins nombreuses en raison d'une réglementation très prégnante, qu'il s'agisse des émissions de particules et de gaz issus des moteurs thermiques, ou plus généralement des directives européennes.

L'engagement de nos entreprises au cours des vingt dernières années a permis la création d'un corpus de règles de sécurité fondées sur une approche différente de celle de notre principal concurrent, l'Allemagne. En plus de stimuler nos exportations, cette participation aux groupes de normalisation a été une bonne école pour nos PME, qui ont pu y acquérir une culture de la réduction des risques et des enjeux environnementaux. Leur engagement s'est néanmoins essoufflé pour plusieurs raisons, dont deux majeures. La première est l'insuffisance des contrôles : il ne s'écoule pas un mois sans que notre organisation soit saisie au sujet d'appareils à bas prix importés de Chine, et qui ne respectent ni les normes de sécurité ni les normes environnementales. Nous prévenons l'administration et tentons de faire saisir les containers, mais entre-temps, les grands distributeurs ont vendu les appareils. Cette concurrence déloyale démotive nos entreprises.

L'autre raison de l'essoufflement tient à la raréfaction des ressources humaines compétentes, les questions de normalisation étant parfois reléguées au second plan par les préoccupations de court terme. Le crédit d'impôt recherche permet de faire face au coût induit par l'engagement dans les travaux de normalisation : il convient donc de le maintenir.

J'insisterai, pour conclure, sur trois enjeux d'avenir. Le premier est l'intégration des technologies de l'information dans les normes, depuis l'amont – machines agricoles et semences et engrais –, jusqu'à la transformation en aval par l'industrie agroalimentaire, en passant par la production. Les données transmises d'un semoir muni de capteurs, fabriqué par un constructeur, à un tracteur géopositionné par satellite et fabriqué par un autre constructeur sont ensuite transférées vers un logiciel de gestion d'exploitation ou de traitement de données relatives, par exemple, au verdissement de la politique agricole commune. La normalisation du transfert d'informations sur toute la chaîne représente un enjeu considérable, car de grands groupes imposent des normes fermées aux autres, à l'instar d'Apple dans l'informatique.

Le deuxième enjeu majeur est la mise en oeuvre de normes en matière de développement durable sur l'ensemble du cycle de vie des produits, depuis la conception des machines jusqu'à leur utilisation et, enfin, leur destruction.

Le troisième et dernier enjeu est de porter nos acquis européens au niveau de l'ISO, au sein duquel les Chinois, mais aussi les Brésiliens et les Indiens sont de plus en plus présents. Rappelons que la part du marché chinois dans le marché mondial des agroéquipements est passée de 7 % en 2005 à 17 % aujourd'hui – et l'Inde et le Brésil suivent de près. Si nous n'affirmons pas notre présence dans ce secteur par essence international, nous serons exclus des marchés.

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