Permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe SRC, de remercier nos invités pour leur éclairage sur cette face immergée de nos échanges internationaux, ainsi que le président de notre commission pour cette audition sur un sujet trop méconnu, voire minoré en France.
Nous partageons, madame Revel, votre constat selon lequel l'influence normative doit être comprise comme un facteur de compétitivité pour nos entreprises et pour l'État en général. Il faut donner à notre système productif les moyens de se construire un environnement juridique favorable à ses propres intérêts : c'est la condition sine qua non d'une reconstruction industrielle et de notre redressement économique.
Cette dimension est encore trop peu présente dans l'inconscient collectif français, et plus particulièrement au sein des entreprises. Votre rapport a le mérite de prendre la problématique à bras le corps, dans un contexte de production croissante de normes internationales. Je souhaite insister sur trois points.
En premier lieu, comme vous l'avez rappelé, le développement d'une influence normative doit prendre une forme professionnelle et cohérente ; il passe par la construction d'une image et d'un discours vis-à-vis non seulement de nos entreprises, mais aussi de nos concurrents et partenaires étrangers. Il incombe à la puissance publique de sensibiliser son tissu productif à ces questions en mettant en oeuvre des mécanismes qui incitent les entreprises à redevenir actrices de leur propre normalisation. De ce point de vue, l'alignement du crédit d'impôt normalisation sur le crédit d'impôt recherche (CIR) va dans le bon sens.
La France doit, en deuxième lieu, réinvestir le champ des institutions internationales à un niveau opérationnel. Notre pays a positionné des têtes d'affiche à des postes prestigieux, mais cela ne suffit pas, ou en tout cas ne suffit plus. Ces têtes d'affiche n'ont en effet qu'une influence opérationnelle toute relative sur les processus de normalisation : il convient de réinvestir les instances plus restreintes qui, bien qu'elles soient parfois considérées comme mineures, sont le théâtre des luttes d'influences concrètes. Notre pays doit enfin se montrer plus présent dans les appels d'offre des organisations internationales et même des États, en développant une véritable politique d'expertise internationale.
S'agissant en troisième lieu du processus prénormatif, c'est-à-dire l'émergence d'idées ou de concepts appelés à devenir des normes, la France accuse malheureusement un retard important que les think tanks, les lobbies, les universités, les grandes écoles et la communauté des chercheurs pourraient contribuer à combler. Une telle démarche doit être encouragée et devenir un véritable moyen d'influence.
Comment la diplomatie économique, dont M. Fabius a déclaré qu'elle était une priorité, peut-elle s'articuler avec une diplomatie d'influence normative ?
Dans un monde globalisé, où les règles internationales d'origine anglo-saxonne et européenne sont en recrudescence, la France peut-elle, seule, développer une stratégie d'influence normative ?
Enfin, la création d'un poste de Haut représentant chargé de piloter et coordonner une stratégie française d'influence normative et d'expertise internationale ne serait-elle pas pertinente pour combler nos lacunes en la matière ?