Intervention de Didier Migaud

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 15h00
Débat sur le rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Nous avons en effet consacré un chapitre du rapport public annuel aux départements. Nous nous sommes appuyés sur les données de 2011 qui étaient alors à notre disposition, complétées par quelques éléments de prévision pour 2012. Nous disposons désormais des chiffres provisoires d'exécution des budgets des départements pour 2012. Ils donnent de précieuses indications, corroborées par une étude que vient de publier la Banque postale. Elles ne font que renforcer les observations et recommandations que nous faisions.

L'effet de ciseaux en matière de dépenses de fonctionnement des conseils généraux évoqué dans les deux questions est bien une réalité. Les dépenses réelles de fonctionnement progressent désormais beaucoup plus vite que les recettes réelles, qui tendent à stagner. Les unes progressent en effet de 3,2 %, les autres de 1 %, soit un écart qui s'accentue. L'accroissement du poids des dépenses sociales lato sensu, qui incombent aux conseils généraux, se poursuit à hauteur de 4,9 %, soit une augmentation sensible. Ces dépenses représentent à elles seules un peu plus de la moitié des charges réelles des départements.

Quant aux droits de mutation, comme nous l'avions prévu, les recettes à titre onéreux qui en découlent diminueraient de 800 millions d'euros, de 8,6 milliards d'euros à 7,8 milliards, alors qu'elles avaient fortement augmenté en 2011 par rapport en 2010. Seul Paris échappe à ce mouvement de baisse. On constate également que l'épargne brute, à l'échelle des départements, qui avait très sensiblement progressé entre 2009 et 2011, décroît désormais de 12 %. Le mouvement de contraction des investissements se poursuit pour la troisième année consécutive. Les dépenses d'investissement se replient de 11,7 milliards d'euros à 11,5 milliards, ce qui n'est certes pas considérable. L'encours de la dette poursuit sa progression, mais modérément. Le ratio de désendettement se dégraderait légèrement.

Ainsi, tous les chiffres complémentaires dont nous disposons pour 2012 corroborent les observations que nous faisions. Il s'agit cependant d'observations globales portant sur les départements, dont les situations sont diverses. Les départements sont certainement les collectivités territoriales confrontées à la rigidité et la tension maximales. Cela étant, les situations sont très différentes selon les départements. Certains se portent beaucoup mieux que d'autres.

Pourquoi avoir avancé une proposition de réaménagement de la fiscalité locale sous la forme d'un transfert des droits de mutation à titre onéreux des départements vers le bloc communal en contrepartie du transfert réciproque de la taxe sur le foncier bâti ? Un tel réaménagement n'a nullement pour objet la diminution des ressources du bloc communal. Il doit en principe être équilibré. En formulant cette préconisation, nous souhaitons augmenter la part modulable de la fiscalité des départements afin d'accroître et de dynamiser leur marge de manoeuvre. Les communes ont en effet une capacité supérieure en matière de fiscalité directe.

Une réduction sensible des DMTO pose davantage problème aux départements, compte tenu de la rigidité de leurs budgets, qu'aux communes, qui disposent d'autres marges de manoeuvre. Sur une période plus longue, la dynamique des DMTO peut être plus avantageuse. Tel est le sens de notre proposition. Elle ne tend nullement à réduire les marges budgétaires du secteur communal, mais a pour objectif de stabiliser l'évolution des ressources fiscales des départements. Nous sommes prêts à revenir devant vous pour approfondir la réflexion.

Le potentiel financier fait certes l'objet d'une nouvelle définition qui a sensiblement modifié le rang de classement des collectivités en fonction de leur richesse. Il n'appartient pas à la Cour d'entrer dans le débat technique sur le potentiel fiscal. Il importe selon nous que soient établis des critères de répartition tenant compte à la fois des ressources disponibles des départements mais également et surtout des charges constituées par les seules dépenses obligatoires auxquelles ils doivent faire face. Cela devrait porter tant sur les prélèvements que sur la redistribution.

C'est pourquoi nous formulons également des propositions visant à harmoniser les critères de répartition, en particulier ceux du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux avec ceux du fonds CVAE. En effet, si les critères de ressources utilisés pour ladite répartition sont désormais identiques, quoique dans des proportions très différentes, inversement, seul le fonds de péréquation de la CVAE inclut également des critères de charge à hauteur de 20 %. Avant toute décision définitive, il faudrait selon nous que vous demandiez, mesdames et messieurs les députés, les nécessaires simulations préalables montrant les conséquences du choix de tel ou tel critère.

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