Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est vrai que ce débat semble quelque peu incongru, à propos d'un rapport qui se situe très exactement dans le droit fil de la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 et préfigure sans aucun doute les décisions qui seront prises par la conférence de consensus.
Ce rapport introduit une rupture exceptionnellement grave, mais que vous revendiquez, monsieur Raimbourg, dans notre politique pénale, en ce sens qu'il est dicté par un refus de punir dans lequel vous vous enfermez par pure idéologie. Au-delà de l'évitement de la prison, c'est de l'évitement de la sanction même qu'il s'agit. Cela privera la justice de tout moyen d'action, provoquera – nous prenons date – un appel d'air sans précédent pour la délinquance et rendra caduc l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif au droit à la sûreté.
La lutte contre la surpopulation carcérale est un objectif légitime mais, d'un constat que nous partageons tous, vous tirez un mauvais diagnostic et donc de mauvaises solutions.
Pour ce qui est du diagnostic, ma première critique portera sur la méthode. Vous ne distinguez pas, par exemple, les personnes sous écrou de celles placées sous bracelet électronique ou en semi-liberté, ni les condamnés des prévenus. Les chiffres de la violence sont extrapolés des seules données de deux établissements, alors que l'administration pénitentiaire publie des statistiques nationales. Par ailleurs, prétendre que la violence provient du surpeuplement, c'est tout simplement, même si ce n'est pas entièrement faux bien sûr, oublier qu'un tiers des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Quant au taux de suicide, les chiffres de la CGT sont bizarrement préférés aux sources officielles.
Venons-en aux mauvaises solutions. Soigner ces personnes tout en protégeant la société est nettement préférable à une libération automatique avant la fin de peine, ou même après la peine. La rétention de sûreté, appliquée aux Pays-Bas et au Québec, concilie ces objectifs, notamment pour les criminels et violeurs en série. Et s'il y a moins de récidive sous liberté conditionnelle, c'est aussi parce que ne sont placés sous ce régime que les condamnés les moins dangereux.
L'objectif européen de parvenir à l'encellulement individuel ne sera pas atteint si les programmes de construction de nouvelles prisons sont réduits. L'humanisation même des conditions de détention sera impossible si les établissements vétustes ne sont pas fermés, ce que permettrait un parc pénitentiaire de 70 000 places, pas de 63 500.
Améliorer les conditions de détention et faire de la prison une étape vers la réinsertion est notre souhait commun. Vos prédécesseurs – vous ne le reconnaissez pas, c'est pourquoi il faut en dire quelques mots –, ont beaucoup agi depuis 2002 : établissements pénitentiaires pour mineurs…