Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 21h30
Débat sur le rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Établissements publics d'insertion de la défense ; parloirs familiaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – les contesteriez-vous ? ; unités hospitalières spécialement aménagées ; plans de prévention du suicide de 2002 et de 2007 ; institution d'un contrôleur des lieux de privation de liberté, en 2008, dont j'étais d'ailleurs le rapporteur ; loi pénitentiaire de 2009, qui était attendue depuis des décennies et dont la vision est particulièrement humaniste : elle organise déjà l'expression collective des détenus ou encore l'assignation à résidence sous surveillance électronique que vous proposez à nouveau. De même votre proposition 28 de réduire de moitié le quantum de peine encourue en cas d'altération du discernement existe déjà dans l'article L. 122-1 du code pénal – je regrette à ce propos que votre rapport n'évoque même pas le bilan de la loi pénitentiaire réalisé par le Sénat.

Votre aveuglement idéologique vous conduit à revenir à de vieilles lunes qu'on croyait disparues : les politiques de déflation carcérale, dont d'ailleurs Lionel Jospin a fait les frais, entraînent mécaniquement une augmentation de la délinquance, on l'a vu à cette époque.

Nombre de propositions naïves, irréalistes, inopérantes et non évaluées émaillent par ailleurs ce rapport.

Vouloir construire de petites prisons est sans doute un objectif louable, mais restera un voeu pieux en raison de l'impératif d'économies d'échelle qui se pose lors de toute construction !

L'extension de l'ajournement du prononcé de la peine, la « césure », aux majeurs de 18 à 21 ans ne prend aucunement en compte les contraintes de l'audiencement et du temps de travail du juge ni l'évolution de la dangerosité des mineurs, qui devrait plutôt conduire à élaborer un code pénal qui leur soit spécifique.

Votre idée d'une première audience obligatoire du détenu avec le juge des libertés un mois après le placement en détention provisoire suppose des extractions coûteuses et un temps de disponibilité du juge qui rajoutera à l'encombrement actuel des tribunaux.

La proposition 25 de comparution immédiate dans un délai d'un mois n'est assortie d'aucune étude d'impact : quels moyens lui seront consacrés ? La proposition 56 d'assouplir les conditions d'entrée et de sortie ou d'implanter des points phone dans les quartiers de semi-liberté pose le problème de la perméabilité avec les autres détenus.

Autoriser les directeurs de prisons à accorder des permissions de sortir aux condamnés revient à concurrencer les juges d'application des peines, dont vous faites pourtant grand cas, à raison. On ne sait pas à qui incombera la responsabilité en cas de problème.

Faire évoluer le contenu du rapport de personnalité en s'inspirant du rapport pré-sentenciel anglais constitue une piste intéressante, à condition de préciser quels moyens y consacrera l'État. Et si l'on ne peut être que favorable au renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui l'ont déjà beaucoup été, confier l'action sociale aux institutions de droit commun ne les allégera pas vraiment, car ils ne traitent pas cette mission. Enfin, la nouvelle peine de contrainte pénale mériterait sans doute de commencer par une expérimentation…

En réalité, votre catalogue de mesures souvent impraticables dissimule assez mal votre véritable intention : le rejet de la sanction encore plus que de la prison, comme en atteste par exemple votre solution miracle du tête à tête entre la victime et son agresseur : on attend avec impatience…

Une de vos préconisations les plus symboliques à cet égard, mais qui n'est pas encore entièrement acceptée par la garde des sceaux, est celle du numerus clausus, qui revient là encore à contourner le juge en libérant les condamnés en fonction de la disponibilité des places et non plus de la gravité de leur délit ou de leur dangerosité, en rupture avec le principe d'individualisation des peines.

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