Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, une situation « effroyable » : c'est en ces termes que le contrôleur général des lieux de privation de liberté décrivait, en octobre dernier, l'état de la prison des Baumettes, à Marseille. La surpopulation, l'insalubrité et les conditions de vie indignes dans cette prison correspondent, malheureusement, à l'état général des prisons françaises. Le constat est sans appel et les chiffres particulièrement éloquents.
Comme le soulignait notre rapporteur, entre 2002 et 2012, le nombre de personnes détenues a augmenté de 34 %, alors que dans le même temps, le nombre d'habitants a progressé de 7 %. Au 1er janvier 2013, 66 572 personnes se trouvaient en détention dans les prisons françaises, dont 12 194 détenus en surnombre. À cette même date, le nombre de détenus dormant sur un matelas posé à même le sol est de 639. Un constat édifiant qui n'est, hélas, pas nouveau.
Il y a plus de dix ans, en 2000, les conclusions convergentes des commissions d'enquête de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la situation dans les prisons françaises dénonçaient déjà la surpopulation carcérale ainsi que les conditions de détention attentatoires à la dignité et qualifiaient les prisons d'« humiliation pour la République ». Depuis, la situation ne s'est pas améliorée, en dépit des critiques et des recommandations, qu'elles soient nationales ou internationales : l'ONU, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil économique et social, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le Comité européen pour la prévention de la torture, tous condamnent implacablement l'état des prisons françaises depuis des années.
La surpopulation carcérale est la principale cause des conditions de vie déplorables dans les prisons. Elle complique aussi le développement des activités et de l'emploi en détention et constitue donc un obstacle majeur à toute stratégie efficace de réinsertion.
Face à une situation aussi dramatique qu'inacceptable, il aura fallu attendre 2009 pour que le Parlement puisse enfin débattre d'une réforme du système pénitentiaire. Mais les espoirs fondés sur cette réforme ont été vite déçus. En effet, même si elle a inclus le principe de l'encellulement individuel, cette réforme est restée bien en deçà des règles pénitentiaires européennes, pourtant adoptées par la France. L'application de la loi pénitentiaire de 2009 n'est pas satisfaisante : les décrets d'application ont été pris avec retard et les moyens alloués sont insuffisants, notamment en ce qui concerne le développement des aménagements de peine.
Surtout, l'augmentation du nombre des personnes détenues au cours des dernières années a contrarié les orientations de la loi pénitentiaire.