Intervention de Guillaume Garot

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la traçabilité alimentaire

Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la représentation nationale a souhaité un débat sur la traçabilité de l'alimentation et des ingrédients alimentaires. C'est au nom du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de mes collègues Stéphane Le Foll et Benoît Hamon que je représente aujourd'hui le Gouvernement pour répondre à vos questions.

En tant que ministre délégué chargé de l'agroalimentaire, je tiens à vous remercier d'avoir tenu à engager un débat sur un sujet aussi essentiel, l'alimentation étant l'un des défis majeurs du XXIe siècle.

Je sais le sens de la responsabilité de chacun d'entre vous. La traçabilité alimentaire, la transparence n'est pas à mes yeux une question partisane : elle dépasse les clivages politiques. Nous savons tous qu'il ne s'agit pas d'une « marchandise » comme les autres. Cela ne veut pas dire que nous n'aurons pas de débat, de divergences ou de différends. Mais cela signifie que nous nous accordons pour reconnaître que le bien-être de nos concitoyens passe par une alimentation saine, sans suspicion de tromperie sur l'origine des produits.

L'actualité a rendu plus nécessaire encore notre débat d'aujourd'hui. Mais, au-delà des épisodes récents, il s'agit d'une question fondamentale pour les Françaises et les Français. C'est la pourquoi je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous et vous présenter l'ensemble de l'action conduite par le Gouvernement en faveur d'une meilleure traçabilité des aliments et des ingrédients qui les composent.

La première préoccupation du Gouvernement est de garantir la sécurité sanitaire de nos compatriotes. À cet égard, je rappelle que la France est à la pointe des pays européens et pratique le principe de précaution au sens le plus fort du terme. Nous adoptons systématiquement la position la plus protectrice des consommateurs et de l'ensemble de la chaîne alimentaire, et mettons en oeuvre ce que j'appelle le bouclier sanitaire. C'est ce principe que nous avons appliqué pour les 57 tonnes de viande de mouton, séparée mécaniquement, qui ont été trouvées dans les entrepôts d'une entreprise de l'Aude, l'entreprise Spanghero. Ce procédé de séparation mécanique est interdit à l'échelle de l'Union européenne depuis 2001. Certains pays, notamment la Grande-Bretagne d'où provient cette viande de mouton, le tolèrent néanmoins. L'Union européenne a voulu homogénéiser l'ensemble des pratiques et en est venue à une lecture beaucoup plus stricte depuis avril 2012 afin que la même règle s'impose à tous.

Nous avons fait saisir la viande et demandé le rappel de tous les produits transformés qui auraient pu être préparés avec une viande similaire, alors même que la Commission européenne ne le demandait pas. Nous nous inscrivons donc bien dans la logique du bouclier sanitaire en adoptant la position la plus protectrice qui soit pour les consommateurs.

Au-delà de cet épisode récent, je rappelle que la crise de la viande de cheval n'est pas une crise sanitaire, mais une affaire de fraude. On a menti à des industriels sur la nature de la viande fournie ; on a menti aux consommateurs sur la composition des plats préparés, dans le but de tirer un profit, un profit maximal. Les fraudeurs qui ont accompli ce méfait ont mis en danger l'ensemble de la filière alimentaire en mettant à mal la confiance de nos concitoyens. Les professionnels de l'alimentation, de la transformation et de la distribution ont tous constaté que les conséquences économiques ont été immédiates, lourdes, désastreuses parfois pour certaines entreprises. La semaine dernière, j'étais en déplacement dans le Pas-de-Calais au siège de l'entreprise Fraisnor, qui connaît de très sérieuses difficultés à la suite de la crise de la viande de cheval – ce n'est pas Mme Maquet, députée du Pas-de-Calais, qui me démentira…

Aujourd'hui, il nous faut tirer des leçons et agir avec rapidité, mais aussi avec discernement. D'abord, il nous faut renforcer et multiplier les contrôles. Avec Stéphane Le Foll et Benoît Hamon, avec les services vétérinaires et ceux de la répression des fraudes, nous avons accru la fréquence des contrôles et nous poursuivrons cette surveillance renforcée sur l'ensemble de la filière viande tout au long de l'année 2013.

Que nous apprennent les premières investigations que nous avons menées ? Contrôle après contrôle, nous constatons qu'il y a de moins en moins d'anomalies. Après l'affaire Spanghero qui avait défrayé la chronique, 138 prélèvements ont été opérés entre le 27 février et le 11 mars sur des plats préparés à base de viande de boeuf. Sur les dix premiers prélèvements, neuf se sont révélés positifs au cheval. Sur 40 nouveaux résultats d'analyse, seuls deux ont révélé la présence de viande de cheval. À mesure que les semaines passent, les conséquences de notre mobilisation ont été positives. La peur du gendarme dissuade les fraudeurs, semble-t-il. La fermeté a d'ores et déjà payé.

Nous considérons, comme vous, que de telles tromperies sont inacceptables. Face à cela, nous devons répondre – nous avons agi en ce sens – de façon extrêmement rapide. C'est pourquoi nous n'avions pas hésité à suspendre les agréments de l'entreprise incriminée pour protéger le consommateur et permettre aux services de l'État de mener l'enquête et de procéder aux indispensables vérifications.

Je voudrais souligner que le système de traçabilité qui s'est appliqué à la viande de cheval découverte dans des lasagnes prétendument à base de viande de boeuf a parfaitement fonctionné à l'échelle européenne. En moins de quarante-huit heures, nous sommes parvenus à remonter l'ensemble de la chaîne alimentaire, de l'abattoir d'origine, situé en Roumanie, jusqu'à l'entreprise qui élaborait ces plats pour les livrer au groupe Findus.

Nous devons, tous ensemble, saluer la réactivité et le professionnalisme de nos services publics, en particulier les services de la répression des fraudes et les services vétérinaires. C'est ce travail conjoint qui nous a permis d'identifier rapidement les irrégularités et d'exclure de l'agrément les activités non conformes. Grâce à cette rapidité d'action et à ce discernement, l'entreprise, qui compte plus de 300 salariés, a pu reprendre son activité industrielle. Les vérifications auxquelles nous avons procédé ont contribué à rassurer les Français sur l'absence de problèmes sanitaires. Il est très important, je le répète, de saluer, le travail de nos services, car c'est grâce à lui que nous avons pu apaiser les inquiétudes de nos concitoyens.

Je vous disais que nous devions aller jusqu'au bout dans cette démarche de fermeté ; de la même façon, il va nous falloir aller plus loin dans les sanctions.

Lorsque l'on met en regard l'échelle des sanctions que peut encourir un fraudeur et l'ampleur des profits qui peuvent être indûment tirés d'une fraude, on se dit que les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives. Nous avons donc décidé, avec Benoît Hamon, d'alourdir l'échelle des peines dans la prochaine loi relative à la consommation que mon collègue viendra défendre devant vous d'ici à l'été. Cet alourdissement nous paraît absolument indispensable. Nous pouvons tous nous accorder sur le fait que la sanction a un double effet : préventif et dissuasif.

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